Il fallait bien un bouc-émissaire à tous les errements de la rentrée universitaire – à la fermeture du site APB il restait encore 3729 bacheliers sans orientation – et ce fut admission-postbac. « Les trois derniers mois ont mis en évidence toutes les limites de notre procédure d’accès à l’enseignement supérieur qui s’identifie, désormais, dans l’esprit de tous, à la plate-forme APB », analysait ainsi Frédérique Vidal à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, le 28 septembre. Le même jour, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) enfonce le clou en demandant au MESRI de « cesser de prendre des décisions concernant des personnes sur le seul fondement d’un algorithme et fasse preuve de plus de transparence ».
Petit rappel historique
Admission-postbac a été créé par le professeur Bernard Koehert au sein de l’INP Toulouse au début des années 2000. Il s’agissait au début de permettre le dépôt d’un dossier unique de candidature aux écoles d’ingénieur avec intégration à bac+2. En 2001, le ministère de l’Education nationale étend le système aux admissions en classes préparatoires. Puis en 2003, le ministère fait développer un système qui intègre toutes les formations et facilite le passage vers le supérieur. Au bout de neuf ans quasiment toutes les formations disponibles sont sur APB avec toujours plus de fonctionnalités pour permettre notamment, sinon de sélectionner, du moins de prévenir les candidats que leurs choix d’orientation ne sont pas forcément judicieux. En 2016 tous les futurs bacheliers généraux doivent choisir une filière « libre », c’est à dire relativement ouverte, dans leur académie. Aujourd’hui toujours sous la direction de Bernard Koehret, pourtant retraité, huit informaticiens de l’INP Toulouse travaillent à plein temps à la gestion et l’entretien du site APB.
Et justement la CNIL rappelle que la loi interdit qu’une « décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne puisse être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ». Si elle ne « remet pas en cause le principe même de l’utilisation des algorithmes dans la prise de décision », la Cnil rappelle que cet usage « ne peut exclure toute intervention humaine et doit s’accompagner d’une information transparente des personnes ». Oubliant ainsi que toute une série de personnes, notamment dans les rectorats où elles sont au moins deux à temps plein, interviennent en fin de processus pour tenter de trouver des solutions à tous.
En résumé APB a permis en quinze ans de passer d’une orientation artisanale à un système national qui fonctionne remarquablement si on veut bien admettre que ce ne peut pas être la faute d’un logiciel s’il n’y a pas assez de places pour tous les candidats… Et encore moins de sa faute si, d’un côté les syndicats étudiants refusent toute sélection, de l’autre le gouvernement ne met pas tous les moyens nécessaires dans l’enseignement supérieur. Mais bon, il fallait un bouc-émissaire et quoi de mieux qu’un système peu lisible dirigé par un retraité toulousain pour endosser le rôle ?
A quoi pourra ressembler APB2 ?
Au vu des délais – APB devrait rouvrir vers le 20 janvier 2018 – on voit mal le MESRI abandonner purement et simplement la plateforme actuelle et prendre le risque de lancer une plateforme qui ne soit pas vraiment au point. Sans compter qu’il y a peu de chances qu’une loi précisant ce que seront les fameux « pré-requis » (ou quel que soit le nom qu’on leur donnera) soit adoptée d’ici janvier. Cela alors que Frédérique Vidal promet que les familles seront informées des nouvelles procédures d’ici les vacances de la Toussaint. Ce seront sans doute encore les mêmes équipes qui devront une fois de plus repositionner leur logiciel quitte à qu’il soit enfin intégré au sein du ministère l’année prochaine. Cette année on lui trouvera bien un nouveau nom. Démarrant peut-être plus tard dans l’année APB sera de plus « adossée à un comité d’éthique qui inclura des scientifiques de haut niveau » promet la ministre.
Oui mais pour faire quoi exactement ? On imagine mal chaque université prendre le temps d’examiner chaque candidature comme on le fait en classe préparatoire. On en restera donc à un fonctionnement algorithmique auquel on tentera de donner un peu d’humanités. Mais comment fera-t-on pour y intégrer un zeste de sélection ?