On pourrait croire que le « passeport » grande école suffise à lisser les inégalités à l’embauche des jeunes diplômés. La dernière enquête d’insertion de la CGE (Conférence des Grandes écoles), portant sur les diplômés 2011 un an après, dissipe encore une fois nos illusions. Quoique… Si les femmes sont en moyenne moins payées c’est aussi parce qu’elles se dirigent vers des secteurs moins rémunérateurs que les hommes. « A poste égal dans un secteur égal, il n’y a pas de différence », souligne ainsi Florence Darmon, la directrice d’une école d’ingénieurs parmi les plus réputées, l’ESTP, spécialisée dans le bâtiment et les travaux publics, qui constate ainsi que ses jeunes diplômées s’orientent plus « dans les fonctions de bureaux d’études que de chantiers » alors que ces dernières sont mieux rémunérées en moyenne.
Inégaux face au salaire et à l’emploi
Quels que soient le lieu de travail et le type d’école, les écarts salariaux annuels entre hommes et femme sont, en moyenne, d’un peu plus de 3 000 € chez les diplômés 2011 (35 134 € contre 38 355 € primes comprises). Un différentiel qu’on retrouve aussi bien chez les ingénieurs (37 193 € pour les hommes, 34 352 € pour les femmes) que les managers (respectivement 42 012 € et 36 251 €).
De même, le taux net d’emploi des femmes ingénieurs – c’est-à-dire le taux d’emploi des jeunes diplômés en recherche d’emploi – est significativement inférieur à celui des hommes chez les diplômés 2011 : 80,9% contre 87,8%. Même écart un an après chez les diplômés 2010 : 91,7% contre 96,1%. Des inégalités qu’on retrouve de façon encore plus flagrante lorsqu’on regarde la part de jeunes ingénieurs 2011 qui ont obtenu un CDI : elle est de 84,5% pour les hommes pour seulement 69,6% pour les femmes.
Après cela allez convaincre les femmes de se diriger vers des écoles qui ne comptent en moyenne que 28% de femmes… Quoiqu’il faille aussi là nuancer l’analyse en constatant que 14 écoles d’ingénieurs dépassent la proportion de 60% de femmes et forment 25% des ingénieurs-femmes. Des écoles qui sont souvent d’agronomie ou de chimie, des secteurs dans lesquels les salaires ne sont pas les plus élevés. À la sortie de Centrale ou de l’INPG-Ensimag, hommes et femmes diplômés ont peu de différences de salaire à fonction et secteur égaux.
Chez les managers, où les femmes représentent 50% des diplômés, le différentiel est plus faible avec un taux net d’emploi des femmes des promotions 2011 de 75,2% contre 83,9%. Quant aux CDI, ils représentent 75,2% de l’emploi féminin contre 83,9% des hommes. Est-ce là encore une question de secteurs avec des femmes qui s’orientent plus largement vers les médias ou le luxe que les hommes ?
Des choix de secteur d’activité qui restent très sexués
Si ces différentiels sont si importants en début de carrière c’est d’abord parce que les choix de carrière restent très sexués et que les hommes choisissent plus que les femmes les secteurs les plus rémunérateurs. Chez les managers, ils sont ainsi 10,4% à aller dans les institutions financières, les banques et les assurances pour 6,4% des femmes (chez les ingénieurs, la proportion est de 3,5% et 1,1% des femmes dans le même secteur). Au contraire, 2,6% des femmes ingénieurs vont dans l’industrie agro-alimentaire pour 1,6% des hommes ; 2,1% des femmes managers choisissent les agences de communication pour 1,2% des hommes, etc.
Au total la CGE distingue des secteurs très masculins (institutions financières/banques/assurances, technologies de l’information) et très féminins (chimie/cosmétique, médias/édition, agences de communication, tourisme/restauration et surtout luxe où elles sont plus de 3 fois plus nombreuses que les hommes). Et comme par hasard ce sont ces secteurs qui proposent les rémunérations les moins élevées… Mais aussi ceux dans lesquels les salariés se déclarent souvent les plus heureux comme nous le verrons dans un prochain post. Moins payées mais plus heureuses dans leur emploi que leurs homologues masculins les femmes diplômées des grandes écoles ?
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