Promulguée le 5 septembre 2018 la loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel a provoqué bien des débats, bien des revirements pour finalement préserver l’essentiel pour les la plupart des établissements d’enseignement supérieur : le « barème » de la taxe d’apprentissage leur reste accessible et les contrats d’apprentissage préservés. Mais il n’en reste pas moins beaucoup de questions sur l’application de la loi que seule la publication des décrets d’application pourra éclairer. En attendant voilà ce qu’on sait déjà et le point sur l’évolution des contrats.
Le « barème » resserré. C’était un combat des « non lucratifs » et tout particulièrement de la Fesic : selon l’article L. 6241-5 seuls sont habilités à percevoir le solde de la taxe d’apprentissage (c’est à dire 13% de la collecte dite « barème » ou « hors quota ») les établissements publics d’enseignement supérieur ou leurs groupements agissant pour leur compte, les établissements gérés par une chambre consulaire et les établissements d’enseignement supérieur consulaire mentionnés, les établissements privés relevant de l’enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif ou leurs groupements agissant pour leur compte et les établissements publics ou privés dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères chargés de la santé, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports. L’enseignement supérieur privé lucratif est donc exclu à moins qu’il ne figure sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de l’Education nationale et de la formation professionnelle, « agissant au plan national pour la promotion de la formation technologique et professionnelle initiale et des métiers ».
Hyper concurrence ? Si c’est le passage des responsabilités des régions aux branches professionnelles qui a provoqué les débats les plus enflammés, les changements majeurs pour les organismes de formation sont, d’une part et comme pour les contrats de professionnalisation, le financement au contrat et non plus par Centre de formation d’apprentis (CFA), de l’autre la possibilité pour tout organisme de formation d’ouvrir un CFA sous réserve d’obtenir la certification prévue par la loi. Une véritable ouverture à la concurrence. « La réforme instaure un risque d’hyper concurrence. Entre CFA dans les zones urbaines, mais aussi avec les lycées professionnels que l’on va inciter à ouvrir des sections d’apprentissage », souligne ainsi Patrick Maigret le président de la Fnadir, qui fédère près de 550 directeurs de Centres de formation d’apprentis (CFA), dans un entretien aux Echos.
Mais la question qui taraude le plus les établissements d’enseignement supérieur est celle du « coût-contrat » : à quel montant seront valorisés par l’organismes en charge du sujet qui va être créé, France Compétences, les formations qu’ils délivrent ? On sait qu’aujourd’hui il existe de fortes différences que le gouvernement semble vouloir gommer. Dans ce contexte une école pionnière dans l’apprentissage comme l’Essec pourra-t-elle continuer à pratiquer des prix sans commune mesure avec d’autres moins renommées ? « Le montant dépendra de ce qu’on mettra dedans. C’est un bon système s’il est bien calculé. Les entreprises pourront assumer un reste à charge en conventionnant avec les CFA », estime encore Patrick Maigret. Autre point d’inquiétude : comment les branches professionnelles vont-elles gérer les formations interprofessionnelles qui ne relèvent, par définition, d’aucune ?
Les données à connaître. Dans une note intitulée L’apprentissage au 31 décembre 2017, la DEPP fait le point sur son évolution récente. Positive puisque les CFA accueillaient fin 2017, 429 900 apprentis, soit une hausse de 4,3% par rapport à 2016. Comme ces dernières années c’est surtout la croissance de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur qui porte le mouvement et s’accélère même : +9,1% (contre +5,9% en 2016 et +3,5% en 2015) et des effectifs qui dépassent les 166 000 jeunes. Les effectifs dans l’enseignement secondaire sont également en hausse (+1,5%) et ceci pour la première fois depuis dix ans.
Dans l’enseignement supérieur si les effectifs de niveau III augmentent de nouveau cette année (+7,7% en 2017 et 4,1% en 2016), c’est surtout au niveau I que la progression est notable : +9,8% en lien avec l’évolution des effectifs des deux formations principales, le master (+10,2%) et le diplôme d’ingénieur (+7,9%). De même, il croît de 11,8% pour le niveau II grâce à la licence (+10,4%). Les autres diplômes du supérieur enregistrent également une hausse pour tous les niveaux.
Dans ce cadre la part des filles se stabilise autour de 33% et, excepté au niveau I, augmente avec le niveau du diplôme préparé, en lien avec le développement de l’apprentissage dans le supérieur et la prédominance des spécialités de services à ce niveau. De 26,8% au niveau V elle atteint 47,6% au niveau II.
Quant aux CFA ils sont au nombre de 958, chacun ayant en moyenne 3,8 sites de formation. En moyenne, le nombre d’inscrits par CFA est de 449 (le plus important a 5154 inscrits) et dispense 16 formations. Les apprentis sont formés sur 2916 formations dont 80% relèvent du supérieur. Les niveaux I et II comptabilisent respectivement 965 et 1199 formations alors que les autres niveaux en comptabilisent entre 277 et 340. Le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur est plus que jamais une réalité. La réforme va-t-elle l’entraver ?