Parce que promouvoir son enseignement supérieur à l’étranger est aujourd’hui une mission essentielle pour chaque grande puissance, l’organisme français qui en a la charge, Campus France, dépend conjointement du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de celui des Affaires étrangères. Sa présidente, Sophie Béjean, et son directeur général Antoine Grassinreviennent sur son fonctionnement.
Olivier Rollot : Par définition le grand public français connaît mal un organisme dont le travail s’effectue essentiellement à l’étranger. Pouvez-vous expliquer quels sont les métiers de Campus France ?
Antoine Grassin : Nous avons deux grands métiers : nous sommes opérateurs des bourses d’études offertes par le gouvernement français mais aussi des gouvernements français et d’autres institutions chargé de faire la promotion de notre enseignement supérieur à travers notre site Internet et des manifestations dans les différents pays. Pour cela nous nous appuyons sur les espaces Campus France présents au sein de nos ambassades dans 114 pays dans le monde (huit en Chine, cinq au Maroc, etc.). En tout les personnels locaux que nous formons organisent chaque année plus de 3600 manifestations.
Sophie Béjean : En France, Campus France accueille plus particulièrement les étudiants boursiers. Campus France est aussi aux côtés des établissements pour faciliter la mise en place de « guichets uniques » afin de faciliter les démarches administratives et l’arrivée de tous les étudiants étrangers. En cette rentrée universitaire, 24 guichets uniques ont été mis en place, réunissant aussi bien les services universitaires que ceux du ministère de l’Intérieur – pour les visas – ou encore les Crous.
Antoine Grassin : Le travail avec le réseau des Crous est essentiel et la présence de Sophie Béjean à la tête des deux institutions facilite grandement le rapprochement entre nos deux « maisons ».
O. R : Vous assurez une mission globale de représentation de la France mais êtes-vous également susceptible d’organiser des actions ciblées ?
A. G : Un exemple : le Brésil nous envoie chaque année une liste de 500 étudiants qui souhaitent venir étudier en France. Cette année, nous les avons placés dans 130 établissements partenaires répartis dans 50 villes dans toutes les disciplines. Selon leur niveau, nous leur proposons une formation plus ou moins intense en français avant le début des cours.
Avec la Malaisie, nous avons un programme pour 240 étudiants qui commencent par suivre un DUT et intègrent ensuite souvent une école d’ingénieurs ou une licence. Avec le Pérou, et le lycée franco-péruvien de Lima, nous avons construit un programme de remise à niveau pour les faire venir d’abord en IUT puis en licence professionnelle, etc.
O. R : Et comment sélectionnez-vous les établissements d’enseignement supérieur français que vous aidez à promouvoir leur offre de formation ?
A. G : Nos 300 adhérents sont des universités, des grandes écoles ou des écoles spécialisées (art, gastronomie, design, etc.) dont nous vérifions la qualité des diplômes et leur reconnaissance par l’État. Nous ne faisons pas la promotion de tous les établissements d’enseignement supérieur. Nous travaillons d’ailleurs essentiellement aux niveaux master et, de plus en plus, doctorat.
S. G : Le doctorat est un enjeu fondamental pour les universités qui veulent accueillir des étudiants étrangers dans le cadre de dispositifs de qualité qui permettent des coopérations de long terme avec leurs homologues.
O. R : Accueillir des étudiants étrangers c’est aussi en faire des ambassadeurs de la France dans leur pays ?
S. B : Certainement et nous sommes même en train de mettre en place un réseau social des alumni [anciens étudiants] pour réunir des étudiants étrangers qui ont effectué tout ou une partie de leurs études en France. Nous démarrons début novembre avec dix premiers pays. Ce réseau social a vocation à être décliné en sous communautés par pays ou par secteur d’activité. Le tout en contact avec les réseaux sociaux de chaque école ou université. Il y a dans le monde beaucoup de professionnels qui ont connu la France jeune, l’ont appréciée, mais que nous n’identifions pas et que nous allons demain nous efforcer de réunir, par exemple lors de réunions dans nos ambassades ou consulats.
O. R : De quels pays sont issus les étudiants étrangers qui viennent en France ? Il semble que la Chine soit bientôt le premier pays.
A. G : La Chine est en hausse mais rien ne dit encore qu’elle va rapidement dépasser le Maroc, qui reste aujourd’hui premier. Nous faisons en tout cas des efforts particuliers pour la Chine avec des partenaires comme l’École centrale Paris, présente à Pékin, ou l’Université de technologie de Troyes, à Harbin.
S. B : Nous travaillons également sur l’envoi de français en Chine et nous allons sans doute organiser un salon Study in China pour présenter les universités chinoises à nos étudiants. De plus en plus les accords ne peuvent se signer que si les flux sont réciproques. À terme cela devra devenir plus clair dans les missions de Campus France, comme ça l’est par exemple pour le DAAD allemand.
O. R : Parce que sont les impôts français qui les financent, certains demandent régulièrement que les étudiants étrangers soient assujettis à des droits de scolarité plus importants que ceux des étudiants français. Que leur répondez-vous ?
S. B : D’abord que c’est un outil à manier avec précaution : en augmentant ses droits pour les étudiants étrangers, la Suède a réduit les flux de 90% ! Ensuite que ce n’est pas la vision de la France : nous n’allons pas sur un marché pour y vendre des formations. Nous avons au contraire une mission d’accueil. La proportion des étudiants étrangers dans nos universités et grandes écoles (12% aujourd’hui) nous permet de promouvoir notre culture, notre langue, notre économie et nos valeurs d’humanisme.
O. R : Les conditions d’accueil des étudiants étrangers sont-elles aujourd’hui tout à fait satisfaisantes ? L’affaire de la circulaire Guéant, qui limitait leur accès au sol français, est-elle tout à fait oubliée ?
S. B : On peut encore améliorer la qualité de l’accueil mais le gouvernement prépare surtout la création d’un visa pluriannuel, destiné aux étudiants de masters et de doctorat ainsi qu’aux enseignants-chercheurs, qui leur permettra d’entrer dans un programme de formation qui durera deux ans sans avoir à renégocier pour obtenir un nouveau visa en cours de route.
Quant à la circulaire Guéant, elle a fait beaucoup de mal en termes d’image. Nous travaillons aujourd’hui avec le ministère des Affaires étrangères pour permettre aux jeunes diplômés étrangers d’acquérir une première expérience professionnelle en France s’ils le désirent.