ECOLES DE MANAGEMENT, Non classé

Recherche : quand les classements deviennent une fin en soi

Il y a de nombreuses années que les grandes institutions d’enseignement supérieur françaises s’interrogent sur le poids que doit avoir la recherche dans l’évaluation. La création des PRES répondait même largement à cette problématique : être mieux classé dans les classements internationaux en étant plus « visible ». Dans les écoles de management, un article très lu et commenté d’EducPros sur la stratégie de recherche de l’Ipag a remis cette semaine le sujet au cœur des réflexions de la communauté (lire aussi plus bas).

Comment classer les écoles de management ?

Parce que la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion mettait la recherche au cœur de son évaluation, s’inspirant du travail de l’Etudiant, les différents magazines opérant des classements des écoles de management ont donné une part très importante à la recherche ces dernières années. Beaucoup d’écoles ont dès lors adopté une « stratégie » de recherche, certaines embauchant des enseignants-chercheurs à la retraite, la plupart favorisant les publications plus que l’enseignement. Comme le constate François Thérin, le nouveau directeur de l’EMLV, sur son blog « les écoles ont eu recours à des pratiques éthiquement discutables à l’époque où elles n’étaient pas encadrées par les accréditations puis se sont adaptées aux nouvelles règles, assez facilement pour celles qui avaient pris le train très tôt et plus difficilement pour les autres ».
Dans ce contexte, la stratégie de l’Ipag n’a fait que mettre en exergue certaines dérives du système. « Ce n’est pas nous qui avons mis en place les règles du jeu. À partir du moment où les règles ont été écrites par d’autres et nous sont imposées, nous nous sommes mis à jouer avec elles », se défend Guillaume Bigot sur EducPros. D’ailleurs, la CEFDG n’avait-elle pas salué en 2013 « l’effort de recherche » de l’Ipag. Mais « l’esprit » de la recherche n’est-il pas quelque peu dénaturé quand la publication devient un objectif en soi ? C’est ce que dénonce Isabelle Barth, la directrice de l’EM Strasbourg, sur son blog : « Publier n’est pas faire de la recherche, et cet article est l’aboutissement d’une confusion qui dure depuis des années. (…) Il faut que tous les appareils à classement remettent à plat leurs critères de sélection. (…) Puissions-nous en finir une bonne fois avec le « publish or perish » qui domine la recherche depuis tant d’années ! ».

Comment classer les universités ?

QS World University Rankings, World University Rankings, CWTS Leiden Ranking,  à la suite du Shanghai Academic Ranking of World Universities, tous les classements des universités sont largement fondés sur la recherche. Ce qui ne favoriserait ni la France ni l’Europe continentale. « Ce sont des critères adaptés au système anglo-saxon, qui concernent les universités de recherche très sélectives. Or, les nôtres ne sont pas sélectives. Du coup, lorsqu’on divise le nombre de médaille Fields ou de prix Nobel par le nombre d’étudiants et d’enseignants-chercheurs, on est fortement désavantagés», répétait encore Geneviève Fioraso cet été après la publication du dernier classement de Shangaï sur Europe 1.

Mais il n’y a pas qu’en France que la qualité du critère recherche fait débat. Dans une tribune intitulée Rank Stupidity reprise par Les Échos, le professeur de l’université d’Indiana Blaise Cronin explique ainsi cette semaine comment les citations qui, à l’origine permettaient de « contextualiser la recherche et aident à orienter le lecteur », sont devenues « des statistiques vitales dans le milieu universitaire » sur lesquelles s’appuient les classements. Résultat : « Les présidents d’université doivent s’efforcer d’améliorer les résultats de citation de leurs établissements, même s’ils savent que la validité et la fiabilité de ces données et des classements qu’ils renseignent sont discutables ».

Plus grave selon lui, « cela revient à détourner le système, à mettre l’accent sur des études qui promettent des rendements à court terme, la poursuite de thèmes de recherche « chauds », de passer plus de temps sur l’autopromotion (facilitée par la prolifération des médias sociaux), et de couper et redécouper les travaux pour attirer le plus d’attention possible ». Un large débat qui est d’abord une question de mesure : bien sûr il faut publier des articles, des livres, des tribunes mais, bien sûr aussi, qu’il ne faut pas ne faire que ça pour ça !
Olivier Rollot (@O_Rollot)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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