La semaine dernière le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a posé les conditions dans lesquels allaient pouvoir être organisés les concours cette année. Dans le même temps de très nombreux examens ont dû être organisés à distance. Avec des règles variables et un certain sentiment d’immunité pour les tricheurs. De nombreuses universités ont également opté pour le contrôle continu. Ou pas de contrôle du tout à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Rompant ainsi avec les consignes du MESRI d’assurer un contrôle garantissant la valeur des diplômes délivrés.
La moyenne pour tous ? Le 20 mai le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête formée par des enseignants-chercheurs de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne suite à l’adoption par la commission « formation et vie universitaire » de l’université – en opposition avec sa présidence – d’un mode de contrôle des connaissances « renonçant à l’évaluation rigoureuse des connaissances des étudiants dans le cadre de leurs examens » selon les mots de Frédérique Vidal. Une douce litote puisque ce sont tout simplement les notes inférieures à 10 qui ne sont pas prises en compte pour le second semestre afin de « lutter contre les inégalités entre étudiants, exacerbées par la crise du coronavirus ». Le tribunal motive notamment son jugement par le fait que « seuls 73 % des étudiants disposent d’un équipement informatique personnel et que 40 % ne s’estiment pas en mesure de subir des épreuves à distance en un temps réduit ».
Un fâcheux précédent pour la ministre qui considère que la délibération de la commission formation et vie universitaire de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne « remet en cause et méprise l’engagement exceptionnel des enseignants-chercheurs de cette université au service de la continuité pédagogique pendant cette crise sans précédent, ce qui n’est pas acceptable ». Surtout Frédérique Vidal considère que cette délibération porte une « atteinte directe à la qualité des diplômes délivrés par l’université et ce faisant, à l’avenir de ses étudiants qui souhaitent préserver la valeur de leur formation ». Quatre-vingt-cinq enseignants-chercheurs de l’université avaient en effet fait part au ministère, par la voie d’un courrier, de leur vive inquiétude devant ces modalités qui ne permettent pas d’assurer la qualité des diplômes nationaux. Résultat le ministère « appuiera les enseignants-chercheurs qui souhaiteront se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat ». A suivre donc.
Comment contrôler à distance ? Le jugement du tribunal administratif de Paris ne remet pas en cause la possibilité même de faire passer les examens à distance. Il note seulement la rupture d’égalité devant l’examen qui résulte de l’incapacité pour un nombre significatif d’étudiants de disposer du matériel informatique nécessaire. Ce qui ne semble pas poser de problème majeur sur le reste du territoire où de très nombreux examens sont organisés à distance. La question qui se pose est plutôt celle de la triche. « Avant, il s’agissait de répondre à des QCM (questionnaires à choix multiples, NDLR) sur des tablettes, sous surveillance, dans des amphithéâtres. Pour la première fois, nous allons le faire de chez nous et je vais m’appuyer sur mes fiches, sur Google et sur quelques camarades », reconnaît par exemple Louise, 20 ans, en deuxième année de médecine dans une université de l’ouest de la France, interrogée par France 24.
Pour éviter de tels comportements universités et Grandes écoles font appel à différentes solutions. Notamment de vidéo-surveillance. Avec le risque de voir la polémique enfler à mesure qu’on mêle vie privée – captation forcément dans un logement avec les problèmes potentiels que cela peut poser dès lors qu’un environnement est filmé – et nécessité de surveiller quand même le passage des examens. Ce fut le cas à Rennes 1 où, comme l’explique Le Monde, suite aux protestations des syndicats étudiants finalement seul l’institut de gestion décida d’y recourir. Et seulement avec une captation photographique régulière effectuée par une société de télésurveillance, Managexam, qui travaille depuis 2017 avec l’université de Caen pour les étudiants « empêchés », comme les étudiants porteurs de handicap.
On est loin du processus mis au point au Canada par l’Université Concordia dont les examens d’une dizaine de cours, sur presque 800, seront télésurveillés cet été. Comme l’explique Radio Canada le logiciel de l’entreprise Proctorio aura ainsi accès à la caméra, la localisation physique, l’identité, le clavier, la localisation de la souris, les fenêtres ouvertes dans le navigateur, l’écran, les autres logiciels qui sont en activité sur l’ordinateur, etc. Les mouvements des yeux, de la bouche et de la tête seront enregistrés par le logiciel. Le candidat devra montrer sa carte d’étudiant à la caméra afin de faire valider son identité. Le tout est traité par une intelligence artificielle qui informe les professeurs en cas de comportement anormal. « Ce sont eux qui prendront la décision de sanctionner ou pas l’étudiant, qui pourra se défendre », certifie la porte-parole de l’Université Concordia, Vannina Maestracci,
Le casse-tête de l’organisation des concours en présentiels. Un candidat « présentant une toux pendant l’épreuve devra immédiatement être isolé pour terminer l’épreuve s’il est en état de le faire ou sera exclu ». Les candidats devront « porter un masque personnel grand public dès la file d’attente ». Celui-ci pourra être retiré pendant l’épreuve « sous réserve d’application stricte des consignes de distanciation, en particulier pour les épreuves longues et de l’aération des locaux ». Il est également préconisé de « prévoir d’échelonner les horaires de convocations avant le début de l’épreuve pour éviter les regroupements et les attentes trop longues ». Le 18 mai le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a publié ses recommandations sanitaires liées au Covid-19 pour l’organisation d’épreuves de concours.
Si la plupart sont de bons sens certaines recommandations paraissent difficiles à valider. Notamment à la fin des épreuves où « les candidats restent à leur place et les copies sont déposées directement dans une bannette que le personnel de surveillance présente aux candidats. » OK. « La sortie est échelonnée comme l’entrée sans croisement entre les candidats, rangée par rangée. » Pas de problème. Mais quand il est indiqué que les candidats sont invités à « quitter les lieux immédiatement, à ne pas stationner à l’extérieur des salles d’examen ou des bâtiments pour ne pas créer d’attroupements » ça se complique. Parce que s’il y a un jour dans sa vie où on ressent le besoin de parler pour vérifier la validité de ses réponses c’est bien à la sortie d’un examen…
Canada a prit des mesures très strictes.