ECOLES DE MANAGEMENT, PORTRAIT / ENTRETIENS

Comment se forge un destin ? : Bruno Neil, directeur général du Groupe Excelia

Comment se forge un destin ? Sur un choix. Forcément pas facile. Pour Bruno Neil ce choix intervient à la fin du lycée, quand il lui faut se résoudre à abandonner sa passion pour une voie plus raisonnable. « Mon père avait été champion de France d’aviron et je voulais en faire autant. Mais mes parents ont fini par me convaincre qu’aller en section sports-études n’était pas une bonne idée. Qu’un champion d’aviron « gagnait bien moins que Michel Platini » », se souvient Bruno Neil, alors que le champion français est à son apogée en ce début des années 80. Aux 15 heures d’entrainement par semaine auquel il s’astreignait succèderont donc des années universitaires. A l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en sciences économiques, matière pour laquelle il s’était passionné au point de s’inscrire en bac B, l’ancêtre de l’ex-bac ES. « A la fin de la seconde j’ai choisi d’entrer dans le bac qui me semblait le plus complet possible tout en m’entrainant pour les championnats de France d’aviron. » Toujours passionné Bruno Neil continuera à pratiquer l’aviron – en double scull (deux de couple) – jusqu’à ses 50 ans.

La passion de la presse. A Paris 1 Bruno Neil obtiendra un DEA (notre master actuel dans sa version plus académique) en banque-finance qui l’amènera à y devenir chargé de travaux dirigés pendant 14 ans. Mais c’est à Paris 2 qu’il obtiendra son doctorat dans une autre discipline : en sciences de l’information et de la communication, sa troisième passion.

Car passionné par l’aviron et l’économie, Bruno Neil a rencontré une troisième passion en première et terminale : la presse, qu’il « dévore littéralement ». A peine diplômé le voilà donc qui, à 27 ans, devient gérant et directeur de la publication de magazines professionnels spécialisés dans la photo et la vente de matériel informatique : « J’ai repris la gérance d’un groupe qui avait déposé son bilan en essayant de développer les abonnements. Mais les revues fonctionnaient essentiellement avec les recettes publicitaires. En 1993 la loi Sapin a eu la conséquence de réduire les espaces publicitaires, donc les recettes de mes magazines. Donc, je dépose le bilan et me retire de la gérance ».

La création d’une école : l’ISCPA. Bruno Neil se retire en 1993 d’un métier pour se consacrer tout entier à un autre : l’éducation. En 1991 il a en effet créé l’ISCP – Institut supérieur de communication et de presse, auquel il ajoutera plus tard le « a » d’audiovisuel – pour « former des journalistes que nous avions du mal à recruter dans le groupe mais aussi des professionnels de la distribution » : « Nous proposions avant tout le monde une formation en trois ans après le bac dans une format qui n’existait pas à l’époque ».

Il découvre alors le quotidien « passionnant » d’un directeur d’école. Faute de moyens suffisants pour la développer, il la revend en 1994 au groupe IGS tout en en conservant la direction : « Nous lançons l’ISCPA à Lyon en 1997. En 2002, à mon départ, nous avons plus de 1 000 étudiants ». Un développement que ses relations dans le journalisme ont contribué à forger : « Il fallait faire connaître jusqu’au Figaro et aux chaînes de télévision une école qui n’était reconnue ni par la profession, ni par le RNCP ». Sa fierté : « Avoir formé beaucoup d’excellents professionnels qu’on retrouve aujourd’hui dans tous les médias ».

Parallèlement Bruno Neil est, de 2002 à 2007, président du Club de l’audiovisuel créé par le sénateur et grand spécialiste de l’audiovisuel qu’est le sénateur Jean Cluzel  – « Nous débattions de tous les sujets du moment et remettions chaque année au Sénat les Lauriers d’or aux meilleures fictions de l’année » – et directeur de la « Revue européenne des débats » de cet autre grand spécialiste des médias qu’est Francis Balle : « J’ai passé 20 ans en tout dans la presse et les médias au travers de l’école, des journaux et de toutes mes activités ».

Directeur général de l’EBS. En 2002 Bruno Neil change de registre. A la demande d’Odile Launay, sa présidente, il prend la direction de l’EBS, une école alors gérée par un groupement d’intérêt économique européen. « Alors que j’avais fait un peu le tour de l’ISCPA, cette dimension internationale me passionnait tout autant que l’idée de diriger une école de commerce. » Fondée par le futur directeur de France Télévision, Philippe Guillaume, en 1967 l’EBS est alors une école révolutionnaire. Avec ses campus en Allemagne, Angleterre, Irlande et France, elle impose en effet avant toutes les autres écoles de commerce une année de cours à l’étranger sur un cursus qui dure alors quatre ans. « Avec l’arrivée du LMD en 1998, nous sommes la première école à passer à un cursus de cinq ans après le bac. En 2007 nous obtenons le visa et le grade de master pour un cursus qui forme des managers trilingues avec un séjour à l’étranger qui est passé à un an et demi. »

Avec Armand Derhy et PSB, il crée le concours Link, avec l’Union des Grandes écoles indépendantes (UGEI) le concours Ambition+. Il reprend également l’école de science politique HEIP en 2011. Mais en 2013 le marché devient « très compliqué » : « Nous avons besoin de moyens pour recruter des enseignants-chercheurs. Nous n’avons pas les moyens seuls Nous devons nous associer à un groupe ». L’EBS va donc rejoindre le groupe américain Laureate, qui possède déjà l’ESCE et l’ECE en France. « Je découvre un fonctionnement très différent, où on fait du reporting chaque mois. On me confie également la coordination internationale des écoles. J’ai beaucoup appris. »

Beaucoup appris mais aussi appris qu’il n’avait pas forcément envie de travailler dans ce type de groupe : « Je n’arrivais pas à comprendre la stratégie qui faisait cohabiter les deux écoles très proches que sont l’EBS et l’ESCE. Et c’était vraiment difficile de voyager tout le temps pour gérer les relations internationales tout en dirigeant l’EBS ». En 2013, peu après que l’EBS ait quitté ses bâtiments du boulevard Murat pour le campus Eiffel, Bruno Neil quitte donc la direction de l’EBS.

De l’ISC à Excelia. Difficile de rester longtemps en dehors de l’univers des écoles quand on a l’expérience de Bruno Neil. Il est rapidement « chassé » par un cabinet de recrutement pour prendre la direction de l’ISC Paris : « Une très belle marque dont le projet pédagogique des « entreprises étudiantes » me passionne. Je suis très sensible à l’approche compagnonnage et je voulais qu’à la fin de leurs études mes étudiants en sortent avec une sorte de « chef d’œuvre »  comme dans l’artisanat ».

Il va y passer quatre ans, obtenir l’accréditation AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) et renforcer le bachelor créé par son prédécesseur, Andres Atenza, qui passera de 25 à 400 étudiants.

Mais l’appel de celle qui s’appelle encore Sup de Co La Rochelle est trop fort. En 2017, il part diriger l’école d’une ville dans laquelle il habite déjà : « J’étais déjà rochelais du jeudi soir au dimanche soir ». L’envie de quitter Paris, sa pollution, était d’autant plus forte pour Bruno Neil qu’il avait subi un cancer du poumon : « J’avais des regrets de quitter l’ISC mais c’était un projet professionnel qui rejoignait un projet de vie ».

Un projet professionnel qui commence par un changement de marque : en 2018 Sup de Co La Rochelle devient le groupe Excelia. En 2020 Excelia rachète l’Escem à Tours. A partir d’une école de commerce rochelaise, Bruno Neil construit petit à petit un groupe présent sur un large territoire, de Niort à Tours et bientôt à Paris avec un accord avec l’Isit. « Je veux créer le premier pôle associatif multidisciplinaire, multi-campus sous une même marque tout en restant une association et un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG). » Dans le même temps celle qui est devenue Excelia business school obtient l’accréditation Equis et une « triple couronne », la filière tourisme se développe dans une optique de « tourisme responsable » et la filière communication et digitale prend son essor. En septembre 2022 ouvrira à Rochefort une nouvelle filière « santé et bien-être ». « Il faut construire des parcours en cassant les silos disciplinaires tout en étant présent aussi bien dans les régions Centre que Nouvelle Aquitaine. » Sans oublier Paris où Excelia va bientôt s’installer dans de nouveaux locaux. Un nouveau type de groupe est en train de naître sous la houlette d’un directeur lui-même multidisciplinaire dans sa formation et dans son approche.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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