ECOLES DE MANAGEMENT, PORTRAIT / ENTRETIENS

Comment se forge un destin ? Jean-Christophe Hauguel, directeur général du Groupe ISC Paris

4Comment se forge un destin ? Quels éléments provoquent parfois des changements de vie. Pour Jean-Christophe Hauguel la bascule a lieu en 1997. Il a 27 ans. Il soutient sa thèse de doctorat en sciences économiques et se destine très logiquement à une carrière universitaire : « J’avais enchaîné licence à l’université de Rouen et DEA (diplôme d’études approfondies) à Paris 1 avant de revenir faire ma thèse à Rouen sous la direction du professeur Paul-Jacques Lehmann et avec Christian de Boissieu comme président du jury. » Intitulée Risque de système et prêteur en dernier ressort européen sa thèse s’intéresse tout particulièrement aux risques financiers liés à la mise en place de l’euro et il explore des alternatives à l’euro, dont une mise en concurrence des monnaies européennes pour savoir quelle serait la meilleure. « Je ne défendais pas telle ou telle idée. Je les décrivais dans ma revue de littérature. Ce qui ne m’a pas empêché l’année suivante de voir ma qualification CNU pour devenir maître de conférence refusée au motif que mes idées étaient « pour certaines inacceptables ». »

Direction écoles de commerce

Ce rejet par l’université aura été d’autant plus dur à vivre pour Jean-Christophe Hauguel qu’il a toujours été un très bon élève : « Premier de ma classe, toujours au premier rang, j’ai peu à peu pris goût au monde de l’enseignement et je prends ma première grosse claque à 27 ans ». Issu de la classe moyenne, son père est entrepreneur des travaux publics, il a suivi sa scolarité au Havre jusqu’au bac avant de devoir partir à l’université à Rouen faute de développement suffisant de l’enseignement supérieur dans sa ville à cette époque.

Son directeur de thèse avait beau l’avoir prévenu, le choc est terrible. : « Je ne pensais pas que l’université française était aussi rancunière alors que j’avais tout donné à l’université jusque-là. Christian de Boissieu a beau me défendre devant le CNU je ne savais pas si cela valait le coup d’attendre un an pour recommencer. Après quelques vacations à Neoma, l’ESCE mais aussi à l’Insa et le Cesi l’idée il m’a fallu m’intéresser à un autre univers alors que les écoles de commerce n’étaient jusque-là pas dans mon spectre ».

Passionné par l’enseignement

A partir de cet instant Jean-Christophe Hauguel se met à donner de plus en plus de cours dans les écoles. Toujours bloqué par le CNU à l’été 1998, il quitte l’université à « grands regrets » pour se mettre à son compte : « J’aime énormément enseigner et je me mets à donner 500, 600, 700 heures de cours par an jusqu’en 2005 ». Il enseigne notamment à l’ESC Le Havre et Caen, à l’Esitpa (future Uni LaSalle) en économie, macro-économie, économie quantitative ou encore économétrie : « J’ai appris mon métier d’enseignant tout en freinant mes efforts dans la recherche  ». Longtemps il refuse les postes de permanent pour « être libre de donner des cours en Programme Grande Ecole en école de commerce, école d’ingénieurs, formation continue… »

C’est à la naissance de son deuxième enfant qu’il accepte enfin un poste à l’ESC Le Havre et devient responsable du master Entrepreneur, finance et marketing : « Je découvre le métier de responsable pédagogique mais aussi une certaine rigidité dans l’organisation d’une école qui est encore un service de sa chambre de commerce et d’industrie ».

La naissance de l’EM Normandie

 En 2006 l’ESC Le Havre et Sup Europe Cesec fusionnent pour donner naissance à l’EM Normandie. « 90% des étudiants, des alumni, des professeurs et des personnels s’y opposent alors que j’y suis 100% favorable. Le directeur de l’époque, Jean-Guy Bernard, me confie alors le poste de directeur général adjoint en charge des programmes. » Ensemble ils fusionnent le programme Grande école de l’ESC Le Havre et le BBA en quatre ans de Sup Europe pour créer le premier programme en cinq ans recrutant à la fois en postbac et en post prépas. « Ce sont des années passionnantes qui commencent à porter leurs fruits en 2010 quand nous passons nos premières accréditations internationales. » Epas en 2011, AACSB en 2014, Equis en 2016, les accréditations s’enchainent de même que l’ouverture de nouveaux campus : Paris en 2013, Oxford en 2014, Dublin en 2017. « Ce furent de très belles années, de croissance forte avec beaucoup de créations d’emplois. »

En tout Jean-Christophe Hauguel restera onze ans directeur général adjoint de l’EM Normandie et présidera le système d’affectation des élèves issus de classes préparatoires (SIGEM) pendant six ans mais aussi le groupe Innovation pédagogique du Chapitre des écoles de management de la Conférence des Grandes écoles (CGE) en 2015 : « C’est très important de donner du temps à sa communauté pour promouvoir le modèle de la business school à la française ».

Une nouvelle vie à l’ISC Paris

Régulièrement chassé pour partir dans d’autres écoles, Jean-Christophe Hauguel a toujours travaillé dans la perspective de « devenir un jour le directeur général d’une école » avec une « préférence pour l’EM Normandie ». Mais en juillet 2019, quand Jean-Guy Bernard annonce son départ, cela ne se « passe pas comme prévu » : un autre directeur, également issu de l’EM Normandie, Elian Pilvin, est nommé et c’est une « très grosse déception » pour Jean-Christophe Hauguel : « Immédiatement je me suis dit qu’il fallait quitter l’école. L’ISC cherchait justement un nouveau directeur général et je savais que ce serait une école qui me conviendrait avec un statut très original qui fait qu’elle ne dépend ni d’un groupe ni d’une chambre de commerce et d’industrie ».

Jean-Christophe Hauguel déménage donc à Paris pour se lancer dans un « challenge très intéressant dans une école très dynamique, une vraie pépite à réactiver ». Il y a maintenant trois ans qu’il a relevé le défi et peut se féliciter d’avoir obtenu le visa puis le Grade de Licence pour son bachelor, 3 accréditations internationales supplémentaires (AMBA, EFMD Accredited & BGA – en plus d’AACSB récemment renouvelé), créé un nouveau campus à Orléans ou encore fait le plein d’élèves de prépas en 2022. Pour autant il sait que les années à venir seront compliquées pour les écoles avec la baisse des effectifs en classes préparatoires économiques et commerciales générales (ECG).

Suivre les tendance du marché

Les analyses de Jean-Christophe Hauguel portent également sur l’importance des diplômes, qui va « se relativiser pour laisser sa place aux certifications dans beaucoup de domaines » : « Je pense aux Facebook Adds , Google Analytics, Scrum pour la gestion de projets, SAP pour les systèmes d’information, etc. Une vraie tendance dans laquelle nous devons nous positionner avec nos étudiants ».

Des étudiants auxquels il faut « s’adapter pour offrir des expériences pédagogiques adaptées, faire cours en dehors de la salle de classe, dans des formats plus flexibles, sur des formats plus courts ». S’il sait que les professeurs ne sont pas « habitués à travailler en dehors de leur environnement » il constate également avec bonheur combien les initiatives pédagogique sont nombreuses dans son école : « Nous délivrons chaque année depuis quatre ans des prix aux meilleures initiatives et nous avons eu un nombre record de projets à examiner cette année. C’est le résultat d’un quotidien dans lequel on cultive l’innovation. Un véritable laboratoire d’idées ! ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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