CLASSES PREPAS, ECOLES DE MANAGEMENT

Congrès de l’Aphec : les professeurs de prépas EC retrouvent la voie de la croissance

Alexandre de Navailles, directeur général de Kedge, et Alain Joyeux, président de l’Aphec,  ouvrent les débats du congrès 2024 de l’Aphec

Déplacé cette année de juin à octobre pour cause de jeux Olympiques, le congrès annuel de l’Association des professeurs de classes préparatoires économiques et commerciales (Aphec) se tenait sur le campus marseillais de Kedge. Après des années marquées toutes plus ou moins par des débats ou des conflits l’année 2024-2025 semble devoir être plus calme comme l’indique le président de l’Aphec, Alain Joyeux : « Nos effectifs ont largement augmenté à la rentrée 2023 et la hausse se continue en 2024. Après la volonté du recteur de Paris de fermer quelque classe préparatoires en 2023 nous espérons ne pas vibre de nouveau des conflits. Le contexte politique ne se prête pas à des mouvements d’ampleur mais le danger peut venir des arbitrages budgétaires ».

Un travail de concert avec les Grandes écoles. La sérénité est aussi de mise dans les relations des classes préparatoires avec les Grande écoles, réunies au sein de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm), comme le confie Alain Joyeux : « Nous avons vraiment pu compter sur la disponibilité des Grandes écoles pour travailler avec nous cette année. Cela nous conforte après une période un peu trouble où nous nous sommes inquiétés de la diversification des entrées dans les écoles. Nous avons le sentiment qu’elles retrouvent aujourd’hui tout leur intérêt pour le vivier des classes préparatoires. Nous n’existons que parce qu’elles recrutent nos élèves, ne l’oublions pas ».

Une synergie CPGE/Grandes écoles symbolisée par la notion de continuum à laquelle l’Aphec est très attachée. Un message qui passe particulièrement bien à Kedge comme le souligne son directeur général, Alexandre de Navailles : « Nous sommes totalement convaincus de cette logique d’apprentissage sur 5 ans et nous soutenons la filière. Neuf étudiants sur dix de l’année de prémas ter viennent aujourd’hui de classe préparatoire ». « Quand le PGE va, tout va ! Cela reste le navire amiral dans toutes écoles », renchérit Sylvie Jean, doyenne associée, directrice des programmes, marketing et recrutement de Kedge.

« Nous sommes solidement installés dans le paysage ! Les écoles nous soutiennent fermement. Nous sommes plutôt dans un bon moment du continuum et il faut approfondir encore le travail », en conclut le président de l’Aphec qui rappelle qu’en 20 ans les effectifs des classe préparatoires économiques et commerciales générales (ECG) ont monté de 17% avec des microcycles de montées et de descentes. Un président qui s’interroge néanmoins : « Quelle est la stratégie de nos tutelles ? Il y a eu il y a quelques années la création des CPES (cycles pluridisciplinaires d’études supérieures) dont on nous dit qu’elles ne sont pas une concurrence mais qui coutent très cher, au point qu’on n’en ouvre plus. Mais quelle est la vision à cinq ou dix ans ? Pourquoi ne pas diversifier encore nos débouchés comme le suggère le recteur de Paris ? Nous n’y sommes pas hostiles »

De l’attractivité des écoles. Mais pourquoi tant d’élèves de classes préparatoires préfèrent chaque année, après leur concours, ne pas entrer dans une école et cuber voire prendre une autre direction ? Une question qui taraude depuis longtemps les professeurs. « Faute d’information, trop d’élèves ne considèrent que les écoles du haut du tableau. Il y a un gros travail à faire pour les convaincre qu’une école de management ce n’est pas qu’un classement Sigem. Or, beaucoup considèrent qu’entrer dans la dixième école du classement c’est obtenir HEC-10 ou plus loin HEC-15. C’est un défi pour les écoles de montrer leur projet, leur singularité. Il n’y a pas de fatalité pour que les écoles au-delà du la 15ème place ne remplissent pas les places qu’elles ouvrent », souligne Alain Joyeux.

Le risque, c’est qu’à terme les classes préparatoires ne conduisent qu’à un nombre de plus en plus faible d’écoles et que la tutelle n’accepte pas qu’un système soit réduit à travailler avec six ou sept écoles seulement : « Il faut convaincre les élèves qu’une école qui n’est pas positionnée dans le top 15 en vaut pourtant la peine ».

Le grand amphithéâtre de Kedge à Marseille accueillait près de 200 professeur de prépas ECG cette année

D’autres sujets en commun avec les Grandes écoles. Si la création du certificat « Arts libéraux » a été particulièrement au cœur des groupes de travail qui réunissent Grande écoles et professeurs de classes préparatoires, d’autres sujets entrent dans le groupe de « valorisation du parcours des élèves de CPGE ». « Au sein d’un groupe dédié aux mathématiques nous souhaitons mettre en valeur le parcours « Mathématiques approfondies  » qui est absolument nécessaire pour beaucoup d’écoles mais dont peuvent se détourner certains élèves qui en jugent la part des mathématiques trop importante. L’Essec pense par exemple à créer un parcours réservé », distingue Christine Pires, l’une des deux vice-présidentes de l’Aphec, qui constate que « le volet de réforme des concours reste à aborder alors qu’il y a un écart de plus en plus important entre les élèves qui arrivent vers nous et le concours. Notamment avec des pratiques de travail qui en sont plus les mêmes ». L’Aphec demande également la création d’un groupe de travail mixte sur les langues.

Un groupe de travail « vie étudiante » est également en action avec l’idée de trouver comment enrichir la vie en prépa. « Nous devons surtout les amener à ne pas arrêter de suivre des activités artistiques ou sportives ou une vie associative riche », demande Alexandre de Navailles qui constate que cette déconnexion est due « autant au départ de leur ville de résidence qu’à la nécessité de suivre le rythme de travail. Comment trouver le temps de conserver ses activités extra-scolaires dans le rythme de la prépa ? Nous avons certains pistes qui émergent peu à peu ».

Autre question récurrente : l’avenir des classes préparatoires dites « de proximité ». « Les prépas de proximité font un bond quand d’autres ne fonctionnent pas. Cela se joue surtout par zones géographiques et le travail que font les académies notamment dans les Cordées de la réussite », note Christine Pires. « Attention un effectif de 48 élèves c’est la jauge maximale, il ne faut pas s’en servir pour dire qu’il reste des places si on n’atteint pas ! », signifie Alain Joyeux dans l’attente des décisions des rectorats sur d’éventuelles fermetures de classes prépas.

Les prépas et les écoles au temps des IA. Cette année le débat proposé aux professeurs de classe préparatoires était consacré aux intelligences artificielles génératives (IAG) et notamment à comment Kedge a pris le sujet à bras le corps en créant cette année un « Generative bootcamp ». Ouvert dans un premier temps aux étudiants primo-entrants, ce dispositif pédagogique vise à terme à former l’ensemble de ses communautés aux fondamentaux de l’IA, à l’art du prompt engineering et à une meilleure compréhension des usages et limites des IA conversationnelles. « Nous voulons montrer à nos étudiants comment utiliser intelligemment les IA en demandant par exemple à connaitre les sources ou à reformuler leurs demandes. Et aussi à aller plus loin que l’utilisation de seulement ChatGPT », explique Jorge Andrés Clarke De la Cerda, professeur en IA chez Kedge.

Parmi les premiers étudiants à avoir participé à ce bootcamp, Philomène a « beaucoup appris par rapport à ma pratique en classe préparatoire qui était très limitée ». Un sujet qui interpelle Véronique Bonnet, vice-présidente de l’Aphec et professeur de philosophie : « Nos étudiants sont dans une orthogonalité. Alors que nous nous situons dans un héritage des arts libéraux, ils sont mis en porte à faux avec des technologies qui plongent dans l’immédiateté et des solutions de rédaction immédiate. Or ils auront à penser au concours avec le crayon à la main, à élaborer, placés dans une injonction à démontrer pas à réciter en démontrant et en s’interrogeant».

Le débat sur les IA réunissait Sylvie Jean, Jorge Andrés Clarke De la Cerda, une étudiante de Kedge et Son Ly, co-fondateur de DIDASK, partenaire du generative bootcamp de Kedge autour d’Olivier Rollot

Le certificat « Arts libéraux ». Avec le soutien de l’Aphec, la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) devrait délivrer dès 2025 un tout nouveau certificat. Dit « Arts libéraux » il sera remis aux élèves de classes préparatoires diplômés d’écoles de management. Avec ce certificat les écoles souhaitent promouvoir le développement de la filière après la campagne de communication « #Preparetoi » menée en 2023. « L’idée qui sous-tend la création de ce certificat est de rendre plus visible la notion de continuum entre les classes préparatoires et les écoles de management. Aujourd’hui une cohorte de diplômés d’une école est passés par différentes voies et rien ne différencie nos élèves des autres. il ne s’agit pas de dire qu’ils sont meilleurs que leurs camarades qui ne sont pas passés par une classe préparatoire mais de les identifier. Beaucoup d’entreprises valorisent le fait d’être passé par une classe préparatoire et il importe de mieux leur montrer », explique d’Alain Joyeux.

Qu’on les appelle humanités ou arts libéraux, dans la traditions des liberal arts anglo-saxons, ce sont des compétences spécifiques apportées à de futurs dirigeants. Pensée critique, sens de la décision éthique, pensée analytique, communication pour convaincre, recherche de l’information sont autant de compétences acquises en classes préparatoires qui peuvent amener à la délivrance d’un certificat spécifique. Le certificat serait siglé par la Cdefm et par l’école dans laquelle est l’étudiant avec la double signature : « Arts libéraux » pour les élèves issus de classes préparatoires ECG, ECT, D1 et B/L, « Humanités » pour les A/L.

  • Photos : Philippe Kohler
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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