Depuis la publication du rapport de la mission Germinet en 2015 le développement de la formation continue semble être devenue une priorité pour beaucoup d’universités. Seulement il y a encore peu d’élus dans un monde très différent de celui de la formation initiale dans lequel le succès du service de formation continue de l’université de Strasbourg, et ses quelques 11 M€ de chiffre d’affaires, est encore une exception. D’autant que le poste « insertion en formation initiale » (les diplômes de formation initiale qu’on peut suivre en formation continue) ne représente que 350 de ses 10 000 stagiaires quand il peut en constituer la très grande majorité dans la plupart des autres. Alors comment expliquer cette réussite ?
A la demande. L’atout d’une université c’est d’abord de pouvoir remettre des diplômes. Aujourd’hui ce sont la moitié des formations que propose l’université de Strasbourg qui sont diplômants avec 300 diplômes d’université (DU) créés sur mesure. « Quand une entreprise nous demande de créer une formation nouvelle, par exemple d’un métier émergent comme affréteur, nous pouvons tout à fait remettre un DU », explique Brigitte Pagnani, vice-présidente en charge de la formation continue. Un DU d’ « analyse stratégique des bases de données » a ainsi été créée avec IBM alors que l’autre moitié des apprenants – par exemple des salariés de Sanofi Pasteur formés en trois jours à l’immunologie – reçoivent un certificat.
« Nous proposons aussi des licences professionnelles spécifiquement dédiées à la formation continue et essentiellement à distance. Comme par exemple en gestion des ressources humaines. » Dans le cadre d’un « Pass Compétences Universitaires », les financements peuvent être combinés pour qu’une licence professionnelle, normalement facturée 4 à 5000€, soit beaucoup plus abordable pour les apprenants.
Modulaires et capitalisables. Dans l’esprit de la précédente loi sur la formation professionnelle, tous les DU proposés pas le service formation continue de l’université de Strasbourg sont modulaires et capitalisables. 15 à 20% des stages courts proposés sont créés chaque année. « Nous répondons aux demandes des entreprises, qui recherchent de l’employabilité immédiatement rentable, alors que le salarié est plus dans la logique d’acheter de « petits bouts » de formation pouvant déboucher sur un diplôme », explique le directeur du service formation continue de l’université, Marc Poncin.
Dans les années à venir les entreprises pourraient également utiliser plus largement les dispositifs de VAE (validation des acquis de l’expérience). Les OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) achètent d’ailleurs déjà à l’université des dispositifs collectifs de VAE pour valider des compétences au sein de plusieurs entreprises.
A distance. Mais le secret de la réussite d’une formation continue est plus que jamais le recours à la formation à distance. « Les entreprises veulent diminuer le coût de la formation et préfèrent forcément réduire à deux jours le temps de déplacement, avec si possible une partie en dehors du temps de travail », reprend Marc Poncin.
Grâce à la solution Classilio, des classes virtuelles permettent aux étudiants de travailler ensemble à distance. Mais c’est une plateforme propre à l’université de Strasbourg qui lui permet de donner des cours et, par exemple, de générer des « faisceaux de preuve » de la présence de chaque apprenant pour remplacer la feuille d’émargement. Des modalités pédagogiques que l’université propose même à des entreprises d’utiliser en marque blanche pour organiser leur propre système de formation. « Nous sommes l’un des rares organismes de formation à maîtriser toute la chaîne de valeur avec même deux développeurs en interne », remarque le directeur.
Faire du marketing. Ce qui reste un mot tabou dans la plupart des universités, le « marketing », est l’un des moteurs du service formation continue à Strasbourg qui diffuse chaque année près de 150 000 exemplaires de ses cinq catalogues de formation thématiques (« chimie, biochimie, environnement, pharmacie », « entreprises et administration »…) et onze plus spécifiques (« journalisme », électronique, microélectronique, objets connectés » ou même « médiation socio-religieuse »). Une formation continue forcément rentable. « Nous ne proposons que de la formation continue à forte valeur ajoutée et les formations qui ouvrent, c’est à dire les trois quarts, doivent forcément apporter de l’excédent », assure Marc Poncin. Tout un dispositif qui a permis à l’université de Strasbourg de de devenir la première en France à obtenir la certification internationale Kirkpatrick qui mesure l’efficacité des formations.
- Un tiers des apprenants du service de formation continue de l’université de Strasbourg viennent aujourd’hui du Nord Est de la France. Les trois domaines qui contribuent le plus à son chiffre d’affaires sont l’« insertion en formation initiale » (14,3%), les « RH, formation, insertion, droit, qualité » (14,2%) et la médecine (10,9%).