Ancien directeur de l’IAE de Paris et du groupe Audencia, Jean-Pierre Helfer est aujourd’hui Doyen du corps professoral d’EDC Paris business school. Il revient sur l’actualité d’une école qui vient d’obtenir le label EPAS mais aussi sur l’ensemble des business schools françaises.
Olivier Rollot : Vous venez d’être nommé Doyen du corps professoral d’EDC Paris business school. Quel va être votre rôle ?
Jean-Pierre Helfer : J’étais déjà président du conseil scientifique d’EDC et j’accompagne ses professeurs dans leurs travaux d’écriture depuis trois ans. Je prends une responsabilité élargie en tant que Doyen avec la responsabilité de suivre les plans de charge. En quelques années, EDC est passée d’une production intellectuelle marginale à près de 50 publications par an dans les revues scientifiques de bon niveau.
O.R : La recherche d’EDC est-elle particulièrement centrée sur l’entrepreneuriat dont on sait qu’il est un point fort ?
J-P.H : Bien sûr mais pas seulement. Nous possédons un laboratoire sur le sujet qui travaille sur deux grands axes : les opportunités d’affaires et le support à la création d’un côté, l’intrapreuneriat de l’autre. Parce qu’EDC c’est « l’esprit d’entreprendre » au sens large. Dans cette optique tous les professeurs, même si leur spécialité est la finance de marché ou l’économétrie, peuvent être amenés à intervenir ou à participer à l’écriture de cas. EDC ne fait pas que de la recherche en entrepreneuriat mais aucun de ses professeurs ne se tient à l’écart du sujet.
O.R : Quelle place une école comme EDC, qui n’a pas les moyens d’HEC ou d’Audencia, peut-elle avoir en recherche ?
J-P.H : Il faut d’abord comprendre qu’EDC ne veut pas rentrer dans le faux débat qui opposerait « teaching schools », qui ne feraient que de l’enseignement, et « research schools » axées essentiellement sur la recherche. Faire de la recherche est aujourd’hui devenu obligatoire si on veut exister dans l’enseignement supérieur. Pour la business school, pour ses accréditations et autres rankings, pour ses étudiants qui doivent savoir conceptualiser, mais aussi pour ses professeurs qui doivent aussi penser à avoir un potentiel recherche pour la suite de leur carrière. Nos trente professeurs permanents doivent pouvoir enseigner et faire de la recherche. Mon devoir est de de leur permettre de faire les deux.
O.R : Quel type d’enseignant-chercheurs recherchez-vous ?
J-P.H : Nous prenons plutôt de jeunes docteurs dans leur début de carrière. Nous visons également des profils internationaux. Quand ils nous rencontrent, ils voient une école qui est dans une bonne dynamique et a un projet entrepreneurial intéressant. Mais, soyons clairs, EDC ne peut s’aligner sur des salaires qui dépassent 200 K€ pour un professeur étranger publiant ! Nous proposons des rémunérations honorables et des variables en fonction des publications.
O.R : Vous qui avez dirigé Audencia et créé la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG), quel regard portez sur le marché des business schools aujourd’hui ?
J-P.H : La tendance aujourd’hui pour les écoles est de vouloir tout faire, un peu comme Amazon qui vendait des livres et aujourd’hui vend des lave-vaisselle ou des chaussettes. On le voit bien avec Sciences Po, qui lance son « Ecole du management et de l’innovation », les écoles postbac en 5 ans qui recrutent des bac+3 tout en lançant des bachelors, à l’instar des écoles post prépas qui, elles-mêmes, s’ouvrent sans limites aux admissions parallèles….
Il risque également d’y avoir des dérapages en termes de marque. Certaines écoles se développent comme aucune entreprise de grande consommation n’aurait jamais osé le faire. Gérer tous les programmes sous une même marque c’est bien, encore faut-il que le marché de l’emploi y retrouve ses petits. Sinon les mauvaises écoles d’un groupe chassent les bonnes comme la mauvaise monnaie chasse la bonne.
Je suis aussi inquiet de voir que certaines écoles sont contraintes de bourrer leurs salles pour augmenter leur marge opérationnelle. On peut un temps faire sauter les portes mais la réputation de l’école en pâtira forcément à mesure que les taux d’insertion baisseront.