« Merci Geneviève et à bientôt. » Il n’était qu’à regarder le visage soudainement soulagé de Geneviève Fioraso quand Benoît Hamon achevait la passation de pouvoir au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour voir qu’elle se sentait à cet instant confortée : elle ne serait plus ministre mais garderait un secrétariat d’État. Ce qui fut fait mais non sans crissements de dents…
Les « anti-LRU » au créneau
À peine le « à bientôt » de Benoît Hamon est-il prononcé qu’on assiste la montée au créneau de tout le lobby anti LRU, porté notamment par l’association Sauvons l’université, désespéré qu’on puisse poursuivre une politique décidément trop proche de la précédente. Avec une incroyable dureté envers celle qui avait su maintenir les acquis de la LRU, la « chasse » à la ministre était ouverte avec la mise en ligne d’une pétition.
Et soudain on pensait à ses mots la semaine dernière, rappelant ceux qui l’avaient prévenue avant de prendre le ministère en 2012, qu’il était « éruptif » : « On m’avait dit qu’il était difficile, Éruptif, de faire très attention, mais il faut surtout partager l’enthousiasme d’une communauté qui est au cœur du redressement du pays ».
À 14h le 9 avril : 8288 signataires
Le jour même de la passation de pouvoir, c’est un article du Monde qualifiant la politique de Geneviève Fioraso de « consensuelle » qui avait mis mettre le feu aux poudres. C’est en effet notamment pour protester contre cette assertion que, le 4 avril, une pétition intitulée Le changement à l’université et dans la recherche c’est maintenant ? était mise en ligne sur le site spécialisé Change.org.
Elle y recueillait rapidement des milliers de signatures : près de 8 300 mardi 9 à quelques heures de la nomination des secrétaires d’État. Dans le même temps « ‘plus de 4000 universitaires » s’exprimaient dans Libération dans une tribune, Université : la faillite fera du bruit, qui reprenait largement les arguments développés dans la pétition.
Les mêmes griefs qu’aux Assises
Dans ces textes le nom de Geneviève Fioraso n’est pas explicitement donné mais on y lit que « le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur attendait de ce remaniement la prise en compte de l’immense déception suscitée par la politique menée depuis deux ans » alors que « l’idée d’une faillite financière des universités semble aujourd’hui une quasi fatalité ».
Pêle-mêle on lui reproche de s’attaquer aux masters, de vouloir faire cesser la concurrence entre les universités, de casser la recherche ou de monter avec les futures Comues des usines à gaz ingouvernables. En fait de continuer largement dans la voie tracée par ses prédécesseurs et que les participants aux Assises de l’enseignement supérieur avaient si largement dénoncée…
D’autres opposants
Si beaucoup d’universitaire et de chercheurs se sont exprimés contre Geneviève Fioraso, beaucoup d’autres opposants à sa politique sont restés coi. Notamment dans des grandes écoles qui, douce litote, ne se sentent guère écoutées par une ministre qui n’a même pas désigné un responsable de leur dossier dans son cabinet. Mêmes questions chez beaucoup de présidents d’universités qui, plutôt que d’inquiéter parents et étudiants sur leur avenir, ont finalement décidé de minorer certains soucis financiers et considèrent ne pas trouver assez d’écoute auprès de la ministre.
Mais voilà, les uns comme les autres se satisfont finalement bien de cette ministre pragmatique, relativement consensuelle, en phase avec l’Unef et ne craignaient rien de plus que l’arrivée d’un profil plus politique mais moins ouvert.
Et maintenant ?
Il reste maintenant deux ou trois ans à Geneviève Fioraso pour mettre en œuvre « sa » loi à commencer par la création de Comue dont beaucoup semblent devoir prendre du retard. Combien n’auront pas rendu leur copie le 24 juillet, date butoir prévue ? Comment les grande écoles y seront-elles traitées ? Il lui reste ensuite à travailler sur le seul dossier sur lequel la jugera vraiment Benoît Hamon : l’amélioration de la diversité des profils dans l’enseignement supérieur. Un sujet sur lequel tous se cassent les dents depuis maintenant plus de vingt ans.
Olivier Rollot (@O_Rollot)