Directeur adjoint de l’ISC depuis 2014, Sébastien Tran a pris la direction de l’Ecole de management Léonard de Vinci (EMLV) en avril dernier. En partenariat avec l’école d’ingénieur et l’école du multimédia du site, il entend encore y renforcer l’hybridation des compétences qui caractérise ses élèves.
Olivier Rollot : Vous venez d’accéder à la direction de l’EMLV. Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter ce poste ?
Sébastien Tran : D’abord un projet pédagogique original dans quatre dimensions : l’innovation, le digital, les soft skills et l’hybridation des compétences. J’ai toujours eu une forte sensibilité à l’hybridation des compétences que peu d’écoles ont réussi à mettre en place à une échelle comme l’EMLV.
O. R : Le digital c’est la marque de fabrique de l’EMLV ?
S. T : C’est une dimension centrale sur un campus que nous partageons avec une école d’ingénieur, l’ESILV, et une école d’Internet et du Multimédia, l’IIM. Tout ce qui est digital, numérique, tous les environnements complexes sont porteurs pour nous.
Avec l’ESILV et l’IIM nous proposons d’ailleurs plusieurs doubles diplômes, que ce soit d’ingénieur/manager avec l’ESILV ou DMDA (Digital Marketing & Data Analytics) avec l’IIM pour ceux qui peuvent absorber beaucoup de technique (langage Python, programmation, Adobe, etc.). Depuis peu, nous proposons un certificat « DiGiTT » qui est l’équivalent d’un TOEIC pour le digital et est accessible à des profils spécialisés dans le marketing possédant une bonne coloration numérique.
O. R : Pourquoi choisir une école postbac comme la vôtre ?
S. T : Entrer dans une école postbac en 5 ans c’est avoir la garantie d’une vraie logique de construction de cursus. Nous ressentons moins la problématique, comme une école post prépas, de recevoir des étudiants admis sur titre, des DUT tech. de co par exemple, qui connaissent déjà une partie des données qu’on va inculquer aux élèves venus de prépas. Tout notre cursus est construit dans une progression logique. Cela est pensé y compris dans les semaines « transverses » où par exemple en 4ème année nos étudiants travaillent avec des web-designers parce que c’est à ce niveau d’étude qu’ils en sont capables.
O. R : Tous les étudiants du Pôle Léonard de Vinci travaillent régulièrement ensemble sur des projets communs, ce que vous appelez les semaines « transverses ». Comment vos étudiants se positionnent-ils dans ces groupes?
S. T : En première et deuxième année, les étudiants des trois écoles sont réunis à 2 reprises pour des semaines qu’on appelle « transverses ». Ensemble, ils travaillent sur des cas concrets posés par des entreprises. Les groupes comprenant plus d’ingénieurs que de managers, nos élèves doivent vraiment bien comprendre ce qu’ils doivent mettre en avant avec leur profil. Nous les sensibilisons d’ailleurs en amont sur comment se positionner dans un groupe et travailler avec d’autres profils. On leur apprend également à désamorcer des conflits.
Il existe une vraie proximité entre tous les étudiants des trois écoles qui reçoivent 20% de cours en commun (essentiellement les deux premières années), se retrouvent dans les mêmes associations et organisent ensemble des événements.
O. R : C’est important de se frotter à des projets réels dès le début de ses études ?
S. T : La plupart de nos étudiants choisissent d’intégrer une école post bac comme la nôtre pour vite être dans leur future vie dans l’entreprise. En tout ils peuvent suivre 30 mois de stages si on compte l’année de césure. 150 de nos 1150 étudiants peuvent également suivre leur cursus en alternance. Pour aller plus loin, nous allons bientôt proposer à certains de nos étudiants de construire de vrais produits au sein de notre Fablab. Mais déjà nous les encourageons à participer à des projets comme le Shell Eco Marathon pour qu’ils comprennent à quoi sert un prototype et comment ils peuvent intervenir en amont, dès l’achat des matières premières par exemple.
Il faut revenir à l’objet : L’une de nos semaines « transverses » sur « l’usine du futur » a d’ailleurs tout particulièrement passionné nos étudiants. Ces projets leur permettent de découvrir de nouveaux métiers de l’industrie souvent méconnus mais très rémunérateurs. D’aller à la rencontre de l’industrie du jeu vidéo. Vers des secteurs qui sont moins classiques que la banque ou le conseil.
O. R : Comment formez-vous vos étudiants aux softskills que vous évoquez?
S. T : Nous les formons avec des coachs ou au cours d’ateliers de réflexivité et nous leur faisons passer un test MBTI. Nous leur apprenons par exemple à « vendre des idées à l’oral ». Sans oublier que les deux dernières années sont entièrement enseignées en anglais. Aujourd’hui j’aimerais qu’on puisse les former au slow management pour qu’ils sachent aussi prendre des temps longs de réflexion plutôt que de se précipiter sur des réponses toutes faites. C’est aussi ce que demandent aujourd’hui les entreprises.
Nous leur donnons également l’occasion de maîtriser des méthodes de travail agiles, comme par exemple Scrum, qui leur serviront toute leur vie. Nous leur apprenons à apprendre parce qu’au milieu du contenu très dense que nous leur apportons, ils doivent avant tout retenir des méthodes. L’employabilité que nous devons leur apporter doit durer toute leur vie.
O. R : Vous recourez largement à ce qu’on appelle la « classe inversée ». Comment vous organisez-vous ?
S. T : Pour plus de la moitié de nos cours l’acquisition des connaissances doit se faire en dehors de la salle de cours. En amont, nous demandons à nos étudiants de lire tel ou tel chapitre d’un livre sur la finance (nous sommes abonnés à Scholarvox par exemple), de regarder des vidéos, des Moocs, etc. Autant de connaissances dont nous vérifions la bonne acquisition dès le début du cours par une séquence de test de 5 à 10 minutes. Cela correspond à la fois à une demande de nos étudiants, qui ont de plus en plus de mal à suivre des cours magistraux, et des professeurs qui peuvent mettre en application les données acquises au travers d’exercices. Nous les avons formés mais ne leur demandons pas de travailler sur une seule plateforme collaborative, Moodle ou autre, mais de choisir celle qui leur convient.
O. R : Cela leur permet aussi d’apprendre à apprendre ?
S. T : Ils doivent acquérir une dimension critique vis à vis des sources, qualifier la data, la corréler. Pour leur donner le temps d’acquérir cette démarche « recherche », nous avons donc décidé de leur demander de réaliser leur mémoire non pas sur une mais deux années. Avec cinq étapes pour les forcer à s’arrêter sur des « livrables ». Cela leur servira toute leur vie dans des entreprises qui ressentent de plus en plus la nécessité d’une recherche analytique.
O. R : L’EMLV est quasiment « mono produit » avec son programme grande école. Avez-vous d’autres projets ?
S. T : Nous délivrons également un MBA « Digital Marketing Strategy » qui est un vrai MBA, c’est à dire ouvert à des cadres ayant déjà travaillé au moins cinq ans. Dans les années à venir nous pourrions délivrer d’autres diplômes de type MSc en formation initiale, notamment pour un public international. Mais pas de bachelor pour ne pas brouiller notre image.