Un laboratoire de recherche de l’IMT Atlantique à Nantes
Afin de « valoriser chaque diplôme », la Cdefi (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) appelle à distinguer les compétences. Pour autant il lui semble que la création d’une fiche RNCP « générique » pour le doctorat ne réponde pas à cet objectif dans la mesure où il est « pratiquement impossible d’acquérir la totalité des compétences listées ». La Cdefi propose donc un recensement synthétique des acquis de l’ingénieur-docteur.
Capacité à travailler dans un contexte incertain. Le premier acquis de l’ingénieur-docteur consiste en « la capacité à travailler dans un contexte incertain et à savoir construire une démarche méthodique afin de répondre à un problème complexe dont la solution n’est pas encore connue ». À la différence des ingénieurs qui sont plutôt formés à exploiter l’état de l’art, le docteur est ainsi censé être capable de contribuer à identifier l’état de l’art et à le faire progresser, grâce à une formation lui permettant de se projeter dans différents scénarios à partir d’un contexte incertain où les approches sont encore à construire.
Cultiver la capacité à tirer profit d’un échec. Le second aspect, ancré dans une démarche propre à la recherche scientifique, consiste à « cultiver la capacité à tirer profit d’un échec et à savoir analyser des résultats non probants pour, d’une part, répondre à un questionnement à partir d’hypothèses établies par le docteur lui-même, en maîtrisant leurs limites et, d’autre part, être capable de traiter ce questionnement par une réponse ferme et définitive – un résultat négatif étant par nature une avancée scientifique ».
Cette culture d’analyse et de rebond à partir de résultats négatifs permet ainsi de sélectionner et tracer de nouvelles voies d’innovation à la fois inventives et solides. L’ingénieur-docteur, par exemple, peut être à la fois moteur d’innovation incrémentale, mais également d’innovations de rupture, apportant ainsi une valeur ajoutée significative aux entreprises.
Embrasser un problème complexe dans son ensemble. Troisièmement, le docteur, qui bénéficie d’une formation à la fois transdisciplinaire et pointue, est « capable d’adopter un profil en « T », en ayant les capacités d’embrasser un problème complexe dans son ensemble, tout en sachant creuser des éléments spécifiques de la problématique de manière particulièrement approfondie ».
Inscrire sa démarche dans une perspective de long terme. Au-delà de ces caractéristiques distinctives qui relèvent à la fois de la posture et de la méthode, la temporalité du cadre de travail du docteur semble également rompre avec celle de l’ingénieur. Alors que ce dernier est avant tout destiné à répondre à une problématique immédiate à partir de méthodes et outils connus, le docteur « inscrit sa démarche dans une perspective de long terme, anticipant et construisant lui-même les évolutions afin d’affronter les enjeux à venir ».
Ceci s’applique également dans un environnement de travail international, dans lequel l’ingénieur se destine à collaborer grâce notamment à ses capacités d’adaptabilité, de compréhension de l’actualité des problèmes, d’appropriation des procédés connus pour y répondre, tandis que le docteur est particulièrement efficace dans un travail de veille, d’identification des signaux faibles avant-coureurs d’innovations et de ruptures scientifiques et technologiques, sur lesquels il saura s’appuyer pour construire des méthodes qui permettront de nouvelles découvertes.
Le caractère transversal des compétences spécifiques. Enfin, la plus-value de la formation doctorale pour un ingénieur tient notamment au caractère transversal des compétences spécifiques qu’elle permet d’acquérir. Avec d’abord une « connaissance fine du monde de la recherche, par le biais d’un réseau, à la fois au niveau académique et industriel, permettant de créer des ponts afin de transcender les moyens, objectifs et missions de chacun de ces secteurs d’activité ».
Fédérer une équipe large. L’aptitude à la médiation scientifique est également une compétence spécifique du docteur, qui lui confère une capacité à « fédérer autour de lui une équipe large qu’il est capable de gérer, tout en facilitant d’autre part le dialogue entre science et société ».
Capacité à transcender ces compétences spécifiques. Selon la Cdefi, l’ingénieur-docteur n’est en conclusion « en aucun cas un « super-ingénieur », les deux formations ayant leurs objectifs spécifiques qui ne se recouvrent pas ». Ainsi, par extension, l’ingénieur-docteur, double qualification bénéficiant d’une reconnaissance particulière dans de nombreux autres pays et qui a longtemps constitué un statut « à part » en France, présente une « capacité à transcender ces compétences spécifiques et à utiliser ses acquis afin de dépasser la seule somme des compétences ».
L’ingénieur-docteur sait « adopter une posture adaptée à une situation nouvelle, que ce soit temporellement (synthèse ou prospective, action ou réflexion, etc.), ou au niveau de la maturité d’application (expertise sur une très large gamme de niveaux de TRL, de la conception à l’application) », tout en ayant les capacités de développer une problématique pour ouvrir de nouveaux champs de réflexion, avec le recul quant à l’applicabilité des réponses à apporter (technique, économique, organisationnelle).
L’ingénieur-docteur, grâce à la variété du réseau qu’il aura constitué au cours de ses passages en entreprise et de sa formation, possède ainsi une « faculté exceptionnelle à mobiliser les acteurs les plus pertinents ».
- Par cette démarche, la Cdefi souhaite « ouvrir le dialogue visant à une meilleure clarification des référentiels qui ne sauraient, pour être bien compris, contenir de trop nombreux et trop vagues éléments, préjudiciables à la reconnaissance des compétences spécifiques de chacune des formations référencées, reconnaissance qui participera à coup sûr à la souveraineté nationale en matière d’innovation ».
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