Débordées par le poids des questionnaires liés aux classements, qui « consomment une énergie et un temps considérable », les écoles d’ingénieurs de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur ont constitué un groupe de travail en vue de « constituer une base de données commune » de réponse aux médias. En leur temps les écoles de management ont tenté de faire de même. Sans succès. On souhaite plus de réussite aux écoles d’ingénieurs…
Le projet de la Cdefi
La Cdefi entend fournir à la presse une « série d’indicateurs harmonisée » pour « éviter les dérives constatées ». Problème : sur de nombreux points il reste encore aux écoles à se mettre d’accord sur ce qu’est telle ou telle donnée. Le montant de la recherche par exemple : doit-il être comptabilisé en ne prenant en compte que la recherche faite stricto sensu dans l’établissement, ou dans l’UMR ? Et faut-il compter seulement les salaires des permanents, chargés ou pas, etc. ?
La Cdefi et les médias doivent maintenant se mettre d’accord sur ces données pour créer une base unique exploitable et capable d’évoluer. Du côté des médias il faut accepter que la plupart des données passent pas un organisme collecteur et certifiant. La Cdefi ne s’oppose pas à que certaines données soient collationnées spécifiquement pas les médias en fonction de leurs besoins spécifiques.
Données et classements
Quelles que soient la façon dont sont collationnées les données, leur interprétation peut donner lieu à débat. Le classement des lycées en est un exemple édifiant. Entièrement construits grâce aux données du ministère de l’Education nationale, il peut donner comme vainqueur Henri IV, Hoche et Louis-Le-Grand ex-aequo (Le Figaro), Notre-Dame de La Viste (l’Etudiant et Le Monde) ou le lycée Beth Hanna de Paris (Le Parisien). Les uns prennent en effet seulement en cause la réussite au bac quand les autres mettent en avant la « plus value », soit la capacité d’un lycée à faire réussir des candidats en fonction de leur niveau initial.
Les médias peuvent également faire évoluer leurs priorités : en 2013 Challenges fonde son classement largement sur la diversité quand, en 2015, c’est la création d’entreprise qui l’emporte. En 2014, Le Figaro accordait 79 points à l’école la plus internationale (l’ESC Rennes), en 2015 ce ne sont plus que 64 points qui sont accordés à la première (en l’occurrence l’ESCP Europe). Même sans changer la pondération, l’international recrute et le classement évolue.
Cette année l’Usine nouvelle va encore plus loin en changeant diamétralement sa conception : alors que depuis plusieurs années elle classait globalement les INP (toutes écoles confondues), elle a décidé cette année de les classer par école, comme l’Etudiant. Logique si on s’adresse à des étudiants qui recherchent une école, moins si ce sont les entreprises, en tout cas un sacré casse tête pour des INP qui ne divisent plus depuis longtemps leur recherche par école. Vexées d’être dépassées par les INP Grenoble et Lorraine en 2015, il se murmure aussi que des grandes écoles parisiennes auraient insisté pour ce changement de méthodologie…
Vérifiez l’info !
Le postulat de la Cdefi est que les écoles répondent en tous points honnêtement aux questions qu’on leur pose et que les données publiées aujourd’hui par la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) sont une base fiable. A y regarder de plus près certaines données publiées aujourd’hui, notamment sur les salaires, paraissent… étonnantes. Le travail de vérification de l’Etudiant en fait aujourd’hui un classement de référence quand certaines données publiées par d’autres semblent franchement… étonnantes. Le nombre d’entreprises « incubées au sein de l’école » dans le dernier classement de Challenges semble par exemple mêler l’ensemble des entreprises incubées depuis l’ouverture de l’incubateur et celles incubées cette année. Quand elles parlent d’« étudiants partis à l’étranger » dans l’Usine nouvelle, certaines écoles semblent répondre sur la totalité du cursus quand d’autres le font sur une seule année…
La solution viendra-t-elle de Linkedin ?
Et si le classement « idéal » ne pouvait être fait qu’en évitant de poser toute questions aux écoles ? Aux Etats-Unis, au Canada comme au Royaume-Uni Linkedin permet aujourd’hui de réaliser un classement des universités en fonction des carrières professionnelles de leurs diplômés. Au niveau undergraduate, les futurs marketeurs britanniques sont ainsi informés que la London School of Economics présente aujourd’hui le meilleur choix quand les développeurs logiciels américains soucieux de choisir une formation postgraduate aux Etats-Unis passeront plutôt par Brown University. Dans un entretien au site Atlantico, Jean-François Fiorina, directeur général adjoint de Grenoble EM, y voit néanmoins quelques limites. Selon lui « les profils sur LinkedIn ne seront pas forcément bien remplis et seront biaisés ». Résultat : « Comme dans tous les classements, il présentera des limites au début car on va avoir un championnat du monde des menteurs mais comme dans tous les classements, il devrait se professionnaliser avec le temps ».
Un « championnat du monde des menteurs » ?
La formule de Jean-François Fiorina est n ne peut plus explicite et pointe les limites d’exercices nécessaires pour informer les étudiants, notamment étrangers. Seuls les médias qui prennent un temps suffisant pour vérifier les informations données par les établissements – pas forcément fausses mais parfois mal comprises en raison de questionnaires insuffisamment précis – sont légitimes. Mais les établissements doivent aussi admettre qu’une gestion coordonnée et honnête de leurs données simplifierait grandement leur travail. C’est aujourd’hui tout le mérite de la Cdefi de s’engager dans cette voie.
- Lire la comparaison des palmarès des écoles de management de l’Etudiant et du Figaro en 2015 sur le blog d’HEADway.