Dans un univers des écoles postbac de plus en plus concurrentiel, l’EDC Pais business school entend jouer de son ancrage historique et de ses points forts (entrepreneuriat, luxe) pour tenir le choc. Son directeur, Jean-Marcel Jammet, nous explique une stratégie où les accords avec d’autres établissements tiennent une place centrale.
Olivier Rollot : On connaît depuis longtemps l’EDC pour ses deux spécialités que sont le luxe ou l’entrepreneuriat. A la rentrée vous lancez deux nouvelles majeures au sein de votre programme grande école : « Creative Industries Management » et « International Entrepreneurship ». Comment mettez-vous en œuvre cette stratégie de spécialisations ?
Jean-Marcel Jammet : Comme nous l’avons fait pour notre majeure « e-business » avec l’Efrei, la majeure « Creative Industries Management » est le résultat d’un travail commun avec une autre école spécialisée, en l’occurrence l’Institut International de l’Image et du Son 3IS. C’est une stratégie d’alliance à double compétence avec un partenaire qui possède tous les équipements techniques nécessaires. Ensemble nous voulons former, en 800 à 900 heures, réparties sur les deux dernières années de notre cursus, de futurs producteurs, organisateurs de spectacles, etc. qui posséderont également l’assise technique nécessaire. Des étudiants de 3IS – comme, avant eux, ceux d’Efreitech – apprendront chez nous les sciences du management. C’est la même philosophie que dans la majeure « E-business » où les EDC maitrisent les nouvelles technologies sans pour autant entrer dans le détail du codage. Pour prendre une comparaison, c’est un peu ce qui se passe dans le PGE où tous nos étudiants apprennent les règles de la comptabilité mais n’en établissent pas : l’essentiel est qu’ils sachent lire un bilan.
Notre autre nouvelle majeure s’intitule « International Entrepreneurship ». Enseignée entièrement en anglais – comme six de nos sept majeures – elle permettra de développer un business, de créer une entreprise dans un contexte très international, d’apprendre à y travailler, ce que sont les règles à connaître et à suivre, sans que cela implique d’ailleurs une expatriation physique.
O. R : L’une de vos grandes spécialités c’est le luxe. Récemment votre président, Alain Dominique Perrin, ancien président du groupe de luxe Richemont et fondateur du MBA Sup de Luxe, a écrit une tribune dénonçant le trop grand nombre de formations dans le secteur par rapport aux recrutements de cadres. Comment vous positionnez-vous dans ce contexte ?
J-M. J : Notre MBA Sup de Luxe a maintenant 27 ans et jouit d’une légitimité unique. Il permet aux Marques de recruter entre 70 et 80 cadres juniors, sur les 200 postes de ce type créés chaque année. Nous proposons également depuis 2 ans un MSc in Global Luxury Management, accrédité par la CGE dès sa création et dispensé à 100% en anglais. Il n’accueille que des étudiants étrangers qui rencontrent les entreprises leaders du secteur et s’imprégnent de la « french touch » avant de retourner travailler chez eux. Même chose à Genève, où nous sommes implantés depuis un an, et où l’accent est naturellement mis sur l’horlogerie.
Ce qui révolte Alain Dominique Perrin, ce sont les fausses promesses faites aux étudiants et à leurs familles par des organismes qui n’ont ni expérience ni légitimité dans ce secteur.
Si nous avons également créé un bachelor c’est, à la demande des marques, pour former des cadres moyens qui dirigeront des boutiques ou des corners dans des magasins qui manquent cruellement de vendeurs bien formés. Nos étudiants en bachelor travaillent ainsi tous les samedis dans une boutique et posséderont, au bout de 3 ans, tous les codes culturels, géopolitiques, comportementaux nécessaires, en plus naturellement des compétences managériales. Dans le luxe il faut savoir que même les cadres supérieurs commencent leur carrière par un passage dans la vente.
O. R : L’année dernière vous avez créé des MBA. Dans ces diplômes comme plus largement dans tous vos programmes, vous voulez recruter plus largement à l’étranger. Comment allez-vous procéder ?
J-M. J : Nous avons reçu en tout 60 étudiants cette première année. Pour recruter plus largement à l’étranger, nous ouvrons par exemple une représentation à Pékin qui fera notamment connaître nos formations dans le luxe, en même temps que nous passons progressivement l’ensemble de notre offre de formation en anglais. Nous sommes également partenaire de l’Union des Français de l’Étranger (UFE). Elle bénéficiera de tout notre réseau d’alumni dans le monde et, en amont, ses adhérents formeront nos étudiants avant leur départ dans un pays autre pour les informer sur ce qu’il faut absolument connaître, faire et ne pas faire. Ils recevront une véritable boîte à outils de professionnels sur place. Nous ferons également connaître nos formations par leur intermédiaire.
O. R : La grande école reste le programme majeur en France. La concurrence est croissante et très forte. Comment se présente cette année ?
J-M. J : Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : en dépit de discours très rassembleurs, l’arrivée massive de grands groupes provinciaux sur un marché parisien déjà tendu fera des victimes. Lesquelles ? Là est la question. On pense bien sûr aux plus petites, mais on peut aussi s’interroger sur l’attractivité d’enseignes malmenées par certains rapprochements.
Pour ce qui est d’EDC, l’école conserve toute son attractivité, comme le confirment les chiffres en matière de candidats et d’intégrés.
O. R : Une question plus technique : un nouveau statut vient d’être institué pour les établissements d’enseignement supérieur qui le souhaitent, celui d’ « établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig). Pensez-vous y postuler ?
J-M. J : C’est une question que nous nous posons évidemment. Nous pensons remplir les conditions, mais tout dépend de ce que l’Etat compte en faire : compte-t-il, par exemple, réserver aux seuls Eespig le droit de délivrer le grade de master ou un titre plus élevé ? Un avantage certain est de pouvoir bénéficier de subventions (il est d’ailleurs amusant de constater que l’Etat ne cesse de se désengager de ce secteur tout en créant un statut le menant à le subventionner, mais nous n’en sommes plus à un paradoxe près…). Or EDC n’a jamais demandé de subvention : nous assumons totalement notre statut d’acteur privé du service public de l’Enseignement supérieur, ne coûtant pas un sou au contribuable.
Dans le même esprit d’ailleurs, je voudrais rappeler qu’EDC appartient à ses Anciens qui l’ont sauvée voici 21 ans et la gèrent en bons pères de famille, sans avoir jamais considéré qu’ils faisaient un investissement à court terme générateur de dividendes juteux !