Les écoles de management font feu de tout bois. Après le programme Grande école en un an de l’Essec c’est au tour d’HEC de dégainer son premier bachelor. Des évolutions de stratégie qui répondent à de profondes évolutions du marché tout en le disruptant profondément.
Recruter dès le bac. « Un bachelor nous jamais ! » Depuis 2019, quand ESCP puis l’École polytechnique ont créé leurs bachelors, on promettait du côté d’HEC qu’il n’en était pas question. Une promesse importante pour les professeurs de classes préparatoires qui considèrent les bachelors des écoles comme une concurrence majeure. En créant son premier bachelor HEC détruit ainsi la dernière digue qui les protégeait. Certes le bachelor qu’elle crée avec la Bocconi est international – la première moitié se déroule à Milan – et son prix très élevé (pas loin de 75 000€ les trois ans) ce qui le réserve à une certaine catégorie mais le symbole est fort.
D’un autre côté comment HEC pouvait-elle éternellement rester absente d’un marché undergraduate en plein essor ? La Bocconi délivre par exemple déjà huit bachelors et l’ensemble des autres écoles de management françaises en fait autant sur des modèles en trois ans postbac (c’est le cas de ESCP) ou quatre ans (l’Essec par exemple). Être absente pour HEC c’est perdre des étudiants en France mais surtout à l’international sur le segment des étudiants PCS++ qui ont les moyens d’aller à l’IE de Madrid, à London business school ou à HEC Montréal sans trop se préoccuper du prix.
Raccourcir les cursus. L’Insead avait montré le chemin en 2019 en créant son master in management sur une durée de seulement 14 à 16 mois. Cinq ans plus tard l’Essec va lancer à la rentrée 2024 un programme Grande école en un an – le « MIM intensive » – qui sera réservé à des étudiants étant déjà passés sur le marché du travail. « Nous sommes partis des besoins de nos étudiants avec une tendance au raccourcissement du cursus. Nous le constatons, 8 à 20% de nos étudiants peuvent déjà acquérir les pré-requis du diplôme dans une période de 12 mois. D’où l’idée de créer cette filière intensive », explique Emmanuelle Le Nagard, la directrice académique du programme Grande école.
L’admission se fera uniquement sur titre. Les candidats devront avoir obtenu un Bachelor International d’au moins trois ans ou être titulaires d’un Master 1 universitaire français. Ils doivent également justifier de 12 mois d’expérience professionnelle à temps plein validés par le service carrière et 6 mois d’expérience internationale validés dans le cursus précédent. Comme pour HEC nous sommes clairement dans une offre premium : le prix du programme sera le même que celui des deux années du PGE.
Les écoles face à de nouveaux écueils. Avec la stagnation du nombre de bacheliers la concurrence promet d’être de plus en plus rude dans le recrutement des écoles. Avec 4% de candidats en moins et près de moins 8% d’intégrés, la rentrée a été par exemple morne cette année pour la majorité des écoles du concours SESAME.
Deuxième écueil : la réforme du lycée a restreint le vivier de bacheliers suffisamment formés en mathématiques pour intégrer une école de management (lire Les mathématiques, maillon faible des étudiants en école de commerce). Et avec leur peu d’appétence pour la spécialité mathématiques, ce sont essentiellement les filles qui manquent à l’appel : en deux ans leur taux d’entrée dans les écoles SESAME a baissé de 4% pour passer à un peu moins de 44%.
Troisième écueil : avec le développement de l’apprentissage la concurrence vient de plus en plus d’écoles non soumises aux mêmes critères de qualité que les Grandes écoles. « Dans les villes moyennes notamment la concurrence est rude avec des écoles qui s’implantent très bien localement », insiste le directeur général de l’EM Normandie, Elian Pilvin. « Nous devons mieux mailler les territoires », recommande justement Alexandre de Navailles quand le directeur général de l’Ipag, Olivier Maillard, constate que « toutes les écoles se sont installées à Paris et doivent également considérer les territoires ». Un vrai défi !