Le « projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et l’enseignement supérieur » est discuté puis voté à l’Assemblée nationale le 17 novembre et ce 20 novembre au Sénat après l’accord trouvé entre députés et sénateurs la semaine dernière. Les réactions sont nombreuses. Notamment sur la mise à l’écart du CNU (Conseil national des universités)…
La CPU réagit. Alors qu’elle soutenait de longue date l’idée d’une loi de programmation pour la recherche, la Conférence des présidents d’université «déplore » dans un communiqué que la programmation reste fixée à 10 ans. D’autant que le choix retenu de concentrer l’essentiel de l’augmentation du budget de la Recherche sur l’Agence nationale de la recherche (ANR) et ses appels à projet, aux effets étalés dans le temps, risque de «minimiser la perception des effets de la loi ».
Les satisfecits des présidents se concentrent sur la partie recrutement du texte. Le texte comporte selon la CPU de «réelles avancées en faveur de l’attractivité des métiers et de l’amélioration des carrières » alors que la baisse du taux des chaires de professeurs juniors ramené à 15% du corps concerné dans les universités était une «mesure portée par la CPU, pour s’assurer que les postes tenure-track ne constituent pas une voie de recrutement tendant à se substituer aux autres ».
« Amendement CNU » : la polémique. C’est le choix de supprimer le processus de qualification auprès du Conseil national des universités qui est aujourd’hui le principal point d’achoppement de la LPPR. Si le principe en est porté par la CPU de longue date en ce qu’il «renforce la valeur intrinsèque du diplôme national de doctorat et de l’habilitation à diriger des recherches, et va dans le sens d’une plus grande autonomie des établissements », la CPU note en effet que «l’arrivée pour le moins tardive de ce sujet dans les débats peut légitimement surprendre ».
La CPU «déplore » donc que le sujet n’ait pas fait « l’objet d’un débat franc et ouvert au sein de la communauté, et avec l’ensemble de ses représentants, préliminaire à toute initiative législative ». La CPU demande donc qu’un « débat approfondi puisse avoir lieu au sein de la communauté, afin d’éclairer la concertation prévue par la loi, avant la publication du décret ».
Plus élitiste l’association d’universités de recherche Udice salue «la possibilité, pour les universités qui en décideront avec l’accord de leur conseil d’administration, de recruter sur leurs emplois d’enseignants-chercheurs des candidats sans passer par la qualification via le conseil national des universités (CNU) est une reconnaissance bienvenue de la capacité de l’université française à conduire une politique de recrutement exigeante et transparente ». Et d’insister : « L’obligation de la qualification pour postuler un emploi de maître de conférence ou de professeur, envoie un message de défiance vis-à-vis du diplôme national de doctorat et celui de l’habilitation à diriger les recherches dont nous promouvons la valeur et la pertinence pour l’emploi scientifique comme pour le recrutement par les entreprises ou la haute fonction publique ».
Du côté des opposants farouches Arnaud Martinon, professeur de droit privé et président de la Section 01 (Droit privé et sciences criminelles) du CNU, considère sur Dalloz Actualité qu’il « est inimaginable qu’un texte d’une telle portée pour la qualité des recrutements, celle des enseignements et, par voie de conséquence, celle des formations de nos étudiants ait été confectionné en catimini par un jeune sénateur, « discuté » à la hâte par le Sénat et finalement entériné en CMP par la volonté de seulement dix parlementaires ». Selon lui le texte «met en danger l’Université » car « il est essentiel qu’une instance, appelée à se prononcer sur les qualités scientifiques d’une candidature, soit placée à distance des considérations locales, qu’elles soient politiques ou personnelles ». C’est là tout le danger de la mise à l’écart du CNU : que des pouvoirs politiques locaux s’arrogent un pouvoir sur des nominations jusqu’ici préservées du localisme.
- Un article de la LPPR prévoit la création d’un « délit sur les atteintes au bon fonctionnement des établissements par des personnes extérieures ». La CPU en conteste l’utilité en considérant que « la rédaction de l’article, surprenante, peut s’avérer dangereuse et exige, au minimum, des clarifications ». De plus la CPU «s’oppose fermement à tout ce qui pourrait constituer une remise en cause même implicite des franchises universitaires ».