Principale université française dans le domaine des sciences humaines et sociales (SHS), l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne fait partie de ces quelques établissements d’enseignement supérieur français dont la renommée est mondiale. Rencontre avec Philippe Boutry, son président, pour évoquer ses principaux dossiers du moment : la mise en place de sa Comue, la création du campus Condorcet ou encore la nouvelle identité visuelle de son université.
Olivier Rollot : Ces derniers mois ont été marqués par le départ de quatre grandes écoles, dont l’Ehess ou l’Ecole des chartes, vers une autre communauté d’universités et d’établissements (Comue) qu’Hesam dont vous faites partie avec les Arts et Métiers, l’Escp Europe ou encore l’ENA. Peut-on affirmer aujourd’hui qu’Hesam est repartie de l’avant ?
Philippe Boutry : Nous sommes aujourd’hui dans une dynamique positive avec, après une période pendant laquelle nous avions un administrateur provisoire, un nouveau président, Laurent Carraro, le directeur des Arts et Métiers. Depuis nous avons par exemple adopté le principe du doctorat commun à tous les établissements. La synthèse est forte autour de ce qui fait notre marque propre : la perspective des sciences de l’ingénieur combinée aux autres disciplines. Je crois beaucoup aux synergies entre l’université et les grands établissements, grandes écoles et organismes de recherche, pour sortir du millefeuille institutionnel français et créer une université de recherche nouvelle.
O. R : Votre périmètre scientifique n’a pas été trop entamé avec le départ de ces quatre grandes écoles très renommées dans les SHS ?
P. B : Évidemment nous aurions préféré que l’Ehess (École des hautes études en sciences sociales), pour ne citer qu’elle, reste dans la Comue mais le périmètre scientifique est resté intact avec les grands ensembles que sont le Cnam et les Arts et Métiers pour les études d’ingénieurs ; l’ENA, ESCP Europe et notre UFR (unité de formation et de recherche) de gestion pour le management public et privé avec; les SHS avec nos UFR et l’Institut national d’études démographiques (Ined) ; les arts, l’architecture et le patrimoine avec notre faculté d’arts, l’Institut national du patrimoine (INP), l’Institut national d’histoire de l’art, l’Ensci-Les Ateliers, l’Ecole du Louvre et enfin l’Ecole d’architecture de La Villette qui nous a rejoint en novembre.
O. R : Vous allez même concourir pour obtenir une initiative d’excellence, un Idex, que vous avez préparé en très peu de temps !
P. B : Cela a été un pari un peu fou de déposer un projet en deux mois mais nous avons réussi, avec le concours d’Alain Cadix, qui fut directeur de l’Ensci-Les Ateliers, comme chargé de mission à construire un Idex qui repose sur des thématiques de recherche propres aux établissements membres d’Hesam comme la « dynamique des objets », « industrie et territoires » ou encore sur les questions de développement en Afrique.
Nous avons beaucoup insisté sur ce dernier point parce Paris 1 possède une bibliothèque africaine mais aussi parce que, si l’Asie et l’Amérique regardent vers la France, c’est aussi grâce à notre présence en Afrique. Dans tout ce travail nous avons donné la priorité aux projets par rapport aux statuts et nos unités mixtes de recherche (UMR) avec le CNRS ont bâti plus de cinquante projets différents.
O. R : Le deuxième grand projet sur lequel Paris 1 est fortement investi s’appelle le Campus Concorcet et doit réunir la crème des sciences humaines sur un même campus en 2020. Vos soucis dans la Comue n’ont-ils pas eu d’impact négatif sur ce projet sur lequel vous travaillez avec des partenaires qui ont quitté la Comue, et notamment l’Ehess?
P. B : Le campus Condorcet est un objectif primordial pour Paris 1 qui est l’université la plus mal dotée en termes d’immobilier : nos 42000 étudiants se partagent seulement 100 000m2, y compris les bibliothèques. Le tout sur 25 sites différents ! Heureusement demain nous allons nous installer sur deux sites du campus Condorcet mais aussi implanter l’ensemble de nos filières de droit dans l’ancienne caserne Lourcine dès 2017. En tout nous aurons 11 000m2 de plus à Lourcine et 40 000 à Condorcet sur les deux sites de La Chapelle et d’Aubervilliers.
A Condorcet, avec l’appui de l’Etat, de la ville et de la région, nous allons créer le plus grand ensemble de SHS en Europe, une sorte de Cité des sciences sociales qui sera le pendant de l’université Paris-Saclay dans les sciences. Nous y posséderons notamment un grand équipement documentaire, dont l’architecture a été confiée au cabinet De Portzamparc, que nous partagerons avec d’autres partenaires dont la FMSH et l’Ehess.
Vous le voyez, nous ne rompons aucun lien avec aucun établissement partenaire. De toute façon la recherche est libre et il n’est pas question pour Paris 1, plus importante université en SHS, d’être isolée. La construction de Condorcet est pour nous une respiration absolument nécessaire pour développer note recherche et nos masters professionnels et Jean-Claude Waquet, son président, fait, je tiens à le dire, un travail remarquable.
O. R : On parle de rapprochements entre les établissements d’enseignement supérieur, où en êtes-vous avec les classes préparatoires avec lesquelles vous êtes appelés à contractualiser ?
P. B : Il y longtemps que nous travaillons avec les classes préparatoires littéraires mais la nouveauté est qu’aujourd’hui nous avons créé des passerelles également vers l’économie et le droit avec les autres classes préparatoires. Pendant l’été nous aidons des élèves de prépa qui souhaitent se réorienter à rattraper les cours qu’ils n’ont pas suivi afin qu’ils puissent intégrer directement la deuxième année de nos licences. Nous avons passé des accords avec trois grands lycées parisiens, Henri IV, Louis Le Grand et Claude Monet, que nous voulons étendre maintenant.
O. R : Autre nouveauté : tous vos UFR de droit vont être réunis dans un seul. Pourquoi?
P. B : Nous avions jusqu’ici une seule UFR d’études juridiques en licence mais plusieurs en masters. Or nos enseignants constataient que toutes les disciplines du droit se rapprochaient et que les inscrire dans des UFR différentes avait de moins en moins de sens. D’où la décision de les réunir cette année au sein de l’Ecole de droit de La Sorbonne.
O. R : Toujours dans le droit vous possédez un outil d’enseignement à distance qui a fêté ses 40 ans, le Cavej, et produit son premier MOOC. Quels sont vos projets dans le développement de cours gratuits et à distance ?
P. B : Le Cavej est un établissement inter universitaire qui réunit notre université avec d’autres universités juridiques parisiennes. Le directeur du Cavej , professeur de droit dans notre université, a souhaité se lancer dans l’aventure des MOOC très précocement. Nous avons alors créé un premier MOOC en droit des entreprises qui donne lieu à un certificat de participation mais pas encore de réussite faute de moyen pour valider qui passe l’examen à distance. Nous faisons aussi partie du consortium d’universités qui prendra sans doute le contrôle de la plateforme de MOOCs FUN-MOOC. Dans ce cadre nous comptons produire quatre ou cinq MOOCS chaque année avec, pour commencer, un qui sera consacré aux quatre grandes périodes de l’histoire et dont les inscriptions ouvriront le 12 mars prochain.
O. R : Vous avez beaucoup de candidats pour réaliser des MOOCs parmi vos enseignants?
P. B : Oui mais pas toujours prêts à réaliser le travail d’accompagnement indispensable passé la phase de réalisation. Pour aider ceux qui sont prêts à s’investir vraiment, nous avons la chance de nous appuyer sur une tradition de production audiovisuelle de quinze années et sur des équipes qui les aident.