La séquence d’orientation de terminale commence avec l’ouverture de Parcoursup mais ce sont surtout les élèves de première qui s’interrogent sur leur avenir avec une question majeure : quelle spécialité vont-ils abandonner en terminale ? Alors que le comité de suivi vient de rendre ses premières préconisations, il reste encore beaucoup de questions sur un nouveau bac pas encore tout à fait au point.
Les épreuves de contrôle continu auront-elles lieu ?
Les premières épreuves communes de contrôle continu (les « E3C ») en première débutent le 20 janvier. Trois sessions doivent avoir lieu en janvier et juin de l’année de première puis une en fin de terminale. Les lycées doivent pour cela piocher dans une base de données nationale, qui a ouvert mi-décembre, puis anonymiser les copies pour qu’elles soient corrigées avant de les rapatrier. La correction des copies sera en outre dématérialisée.
Les élèves de premières devraient passer l’histoire-géographie et la langue vivante 1 et 2 pour le bac général et les mathématiques pour les classes technologiques. Devraient car, dans un communiqué commun, une intersyndicale regroupant 12 syndicats enseignants demande au ministère d’y renoncer. Selon elles « rien n’est prêt » et les problèmes sont de plus en plus évidents : « organisation, lourdeur de la procédure, inégalités de conditions de passage et de traitement entre établissements et donc entre élèves ». Ces syndicats s’inquiètent également que « les sujets proposés par la banque nationale de sujets ne correspondent pas dans de nombreux cas aux savoirs travaillés avec les élèves ». Dans l’esprit de ce qui s’est déjà déroulé l’année dernière au moment du bac, des professeurs menacent même de boycotter ces épreuves ou de ne pas les corriger.
Et pendant ce temps le soutien des Français à la politique de Jean-Michel Blanquer s’effondre. Selon un sondage dévoilé le 11 janvier par le JDD, l’orientation de la politique actuelle n’est approuvée pour la qualité de l’école qu’à 38%. Soit une baisse de 20 points depuis juin 2019. Réforme l’éducation est tout sauf un long fleuve tranquille…
Des spécialités qui se veulent ouvertes… Les futurs bacheliers 2021 doivent dès maintenant réfléchir quelle spécialité ils vont abandonner en terminale. Un choix encore plus cornélien qu’en première où les élèves pouvaient encore tergiverser sur leurs choix de terminale. Un choix quelque peu à l’« aveugle » tant la plupart des filières dans l’enseignement supérieur – à l’exception des instituts universitaire de technologie (IUT) – restent volontairement prudentes sur les spécialités demandées.
Le MESRI, le MENJ, la CPU, la CGE, la CDEFI et l’APLCPGE ont même établi une charte dans ce sens en janvier 2019 pour indiquer que « les choix des élèves ne supposent ni hiérarchisation ni parcours imposé. Ils sont construits avec bon sens et respectent leurs goûts, capacités et motivations pour des champs de connaissances qu’ils conforteront et pourront retrouver après le baccalauréat. Ils ne sont pas conditionnés pour le choix préalable d’une formation de l’enseignement supérieur ». Les signataires s’engagent également à « informer les candidats que, compte tenu de l’ouverture et de la diversité des parcours que la réforme du baccalauréat garantit, les attendus ne sont pas destinés à exiger un enseignement de spécialité ou un parcours scolaire pour pouvoir entrer dans une formation d’enseignement supérieur, ni à limiter des choix ou créer de véritables conditions d’entrée dans une formation de l’enseignement supérieur ».
… mais ne rêvez pas trop quand même. Dans un « en même temps » du meilleur effet, Frédérique Vidal explique que si « aucune formation ne pourra exiger telle ou telle combinaison de spécialités au lycée » il « va de soi que cette liberté doit prendre en compte quelques réalités fondamentales. Ne jamais avoir suivi de spécialités scientifiques lorsque l’on veut devenir ingénieur il y a quand même une réalité qui prévaut ».
« Mon conseil aux lycéens est de réfléchir à ce qu’ils aiment vraiment faire et de ne pas entrer dans une mécanique où telle filière serait la seule à permettre d’intégrer telle formation. Ils peuvent réfléchir de façon très ouverte », abonde le proviseur du lycée Louis-Le-Grand et président de l’APLCPGE (Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux Grandes écoles), Jean Bastianelli, qui n’en établit pas moins que « pour intégrer une classe préparatoire scientifique il faut étudier les sciences mais au sens large avec aussi bien la spécialité mathématiques que physique-chimie, SVT, sciences de l’ingénieur ou encore numérique et sciences informatiques ».
Choisir oui mais comment ? La question des spécialités rend le processus d’orientation encore plus crucial comme le souligne le président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (Cdefi) et directeur de Télécom Saint-Etienne, Jacques Fayolle, qui se dit inquiet que ces choix puissent « être biaisés socialement selon qu’un élève possède ou pas les codes nécessaires pour bien se renseigner sur ce à quoi mènent ou pas chaque spécialité. Le risque c’est de choisir une spécialité parce qu’un professeur est plus sympa. Ou pour être toujours avec ses amis ».
Dans les lycées ces choix ont aussi été source d’affrontement entre les professeurs l’année dernière. « Au dernier moment la professeure d’histoire est allée dire aux élèves qu’il ne fallait pas prendre la spécialité « mathématiques », qu’elle était trop difficile, pas utile, et certains élèves ont suivi ses avis à ma grande surprise », relate cette professeur de mathématiques d’un lycée d’Ile-de-France. Avec l’abandon d’une nouvelle spécialité les oppositions risquent de redoubler et les salles des professeurs être encore plus le théâtre de débats. « Dis-moi combien d’élèves suivent ta spécialité et je te dirai qui tu es… »
Quel profil auront les nouveaux étudiants ? La réforme du bac va considérablement modifier le profil des étudiants. En mieux ? « La refonte de l’ensemble des programmes général et technologique et professionnel traduit un plus haut niveau d’exigence et nous l’assumons totalement », affirme Jean-Michel Blanquer. Ce que confirmait Jean-Charles Ringard, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche et chef de projet « baccalauréat et nouveau lycée » au ministère de l’Education lors du colloque qu’avait consacré au nouveau bac la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieur (Cdefi) au nombre bac fin 2019 : « Le niveau d’exigence des nouvelles années lycée est plus important dans le tronc commun et donc encore plus dans les spécialités ».
Un niveau qui aurait notamment beaucoup cru dans une spécialité mathématiques. Pourtant ouverte à des profils très divers auquel il n’est pas facile d’enseigner dans la même classe de première. Ce sont en effet près de 70% des élèves de seconde qui ont choisi d’opter pour la spécialité mathématiques en première. En terminale les groupes seront plus homogènes puisqu’une option dite de « mathématiques complémentaire » sera proposée aux élèves qui abandonnent la spécialité. « Les trois heures de mathématiques complémentaire ont été conçues comme complémentaires aux autres spécialités scientifiques que conserverait un élève. Les SVT pour un élève qui vise la médecine et aura besoin des maths par exemple », explique Johann Yebbou, inspecteur général.
Les premiers ajustements. Jean-Michel Blanquer a déjà retenu plusieurs suggestions du Comité de suivi de la réforme du bac pour rendre les années lycée plus simples :
- en français, le nombre de textes au programme pourra être réduit : au lieu des 24 initialement prévus les lycéens de première générale en étudieront entre 20 et 24 et ceux de première technologique entre 13 et 16 textes, contre 16 prévus ;
- en anglais, une deuxième spécialité « anglais, monde contemporain » va être créée, la première étant trop tournée vers des débouchés littéraires ;
- enfin en spécialité mathématiques vont être créés des groupes de compétences.
Le retour tant attendu des mathématiques dans le tronc commun n’est donc finalement pas acté.