Baisse des subventions de l’État, inquiétudes sur l’avenir de la taxe d’apprentissage, place dans les communautés d’universités et d’établissements (ComUE), impossibilité d’augmenter les frais de scolarité, la plupart des grandes écoles d’ingénieurs s’interrogent-elles sur leur avenir. Organisé par la Cdefi (20% de ses écoles membres sont privées), l’Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) et la Fesic, un colloque consacré à l’avenir des écoles d’ingénieurs privées vient de les réunir sur le campus de l’EPF à Sceaux pour faire le point. Une véritable gageure quand on connaît la concurrence qu’elles se livrent traditionnellement et qui marque bien à quel point elles sont aujourd’hui inquiètes.
La contractualisation était-elle un mirage ?
La principale inquiétude des grandes écoles privées est liée à la baisse continue depuis trois ans des subventions qu’elles touchent du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. En 2010, quand elles ont contractualisé avec l’État, elles ont certes touché des subventions mais ont dû en regard consacrer notamment plus de moyens à la recherche. Elles ont donc embauché des enseignants permanents qu’il faut bien continuer à payer aujourd’hui. Or le niveau des subventions du ministère est aujourd’hui retombé au même niveau qu’avant la contractualisation: 79,3 millions d’euros contre 81,9 en 2011.
De l’intérêt d’avoir un enseignement supérieur privé
Chaque élève d’une école d’ingénieurs privée coûte aujourd’hui en moyenne 1187€ à l’État (576€ pour les élèves des écoles de commerce). En tout les effectifs des grandes écoles privées sont aujourd’hui de 77000 élèves (10% des masters délivrés chaque année en France avec une hausse de 32% de leurs effectifs depuis 2008) pour un coût pour la collectivité de l’ordre de 80 millions d’euros. Comme le souligne Jean-Michel Nicolle, le directeur de l’EPF, ce serait au moins 700 millions d’euros qu’il faudrait trouver au gouvernement pour financer leur scolarité si ces écoles étaient amenées à disparaître.
Un nouveau statut ?
Si toutes les écoles sont d’accord pour demander à l’État de ne pas faire deux poids deux mesures entre enseignements public et privé, il n’en est rien quand on leur parle de changement éventuel de statut. Certes le statut associatif n’est pas le plus efficace pour permettre des levées de fond et des capitalisations, mais il est moins pénalisant fiscalement parlant que celui de société et la plupart des écoles y ont aujourd’hui recours. Même s’il s’inspirait du projet d’«école d’enseignement supérieur consulaire» voulu par la CCI France, un nouveau statut ne leur conviendrait pas forcément.
Les grandes écoles privées semblent beaucoup plus séduites par le nouveau statut d’entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) que défend Benoît Hamon, le ministre chargé de l’Économie sociale et solidaire, devant le Parlement. Enfin, le statut d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (ESPIG) prévu par la loi Fioraso ne pourra lui être accordé qu’à des «établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif créés par des associations ou fondations».
Quelle place dans les ComUE?
Alors que beaucoup de grandes écoles ont l’impression qu’on ne leur accordera que des «strapontins» dans les futures ComUE, les écoles privées sont, pour la plupart, même encore loin de penser à une intégration. Pourtant, si rien ne les y incite dans la loi, rien ne l’interdit non plus. Mais quelle serait alors leur place? Avec les conseils d’administration tels qu’ils sont conçus aujourd’hui, elle serait forcément marginale. Mais il pourrait en être tout autrement au sein des conseils de membres dont le rôle, aujourd’hui très faible, pourrait augmenter dans les années à venir. Au total beaucoup de questions dans un environnement instable qui n’incite pas à l’optimisme.
Olivier Rollot (@O_Rollot)