Il y a quatre ans une liste « rebelle » menée par Louis Vogel avec Yvon Berland et Anne Fraïsse menait une blitzkrieg victorieuse en s’imposant au dernier moment contre celle beaucoup plus « ministérielle » que menait Alain Beretz avec le soutien à peine voilé d’Axel Kahn et de Valérie Pécresse. En lançant, quelques jours à peine avant la clôture des candidatures, sa propre liste nul doute qu’Anne Fraïsse se souvient de cet épisode victorieux. Comme il y a quatre ans, ce sont deux visions différentes de l’université et de ses rapports au pouvoir en place qui s’imposent. Verdict le 18 décembre.
Anne Fraïsse peut-elle l’emporter ?
Il y a quatre ans la force du trio Vogel-Berland-Fraïsse tenait paradoxalement à son extrême hétérogénéité. Voir la très à gauche Anne Fraïsse rejoindre le futur maire adjoint UMP Louis Vogel en avait surpris plus d’uns. La force de ce trio inattendu tenait aussi à sa complémentarité : avec Louis Vogel et Yvon Berland les deux facultés les plus puissantes (droit et médecine) étaient représentées et Anne Fraïsse leur apportait la caution des lettres et des petites universités.
Son « ticket 2014 » avec Danielle Tartakowsky (Paris 8 Vincennes-Saint-Denis) et Rachid El Guerjouma (université du Maine) semble beaucoup moins convaincant avec des personnalités beaucoup moins connues dans des disciplines moins rassembleuses : Anne Fraïsse est professeur de latin, Danielle Tartakowsky d’histoire et Rachid El Guerjouma physicien. Certes ce dernier a monté un réseau de douze petites universités pluridisciplinaires hostiles aux Comue mais celui-ci n’a pas beaucoup fait parler de lui.
Certes Danielle Tartakowsky a signé différentes motions mais, là encore, sans poids réel. Leur force tient surtout à leur refus proclamé d’une sorte de co-gestion de la pénurie avec le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. « Il ne s’agit pas de développer une opposition systématique, explique Anne Fraïsse sur EducPros. Mais il faut arrêter d’être dans l’acceptation de ce qui est décidé par le ministère, et dans ce rôle permanent de facilitateur de décisions auprès des établissements (…) La CPU doit redevenir un lieu de débat et de discussion. Il faut arrêter de mettre la poussière sous le tapis. Sinon à quoi sert-elle ? S’il s’agit de réunir les présidents pour leur expliquer ce que le ministère a décidé, cela n’a pas grand intérêt. »
Jean-Loup Salzmann peut-il perdre ?
Pour la première fois de son histoire une liste sortante de la CPU se présente à sa propre succession. Une liste beaucoup plus scientifique (Jean-Loup Salzmann est médecin, Khaled Bouabdallah économiste, Gérard Blanchard biologiste) et… masculine. « Évidemment, la mixité serait beaucoup mieux. Il y a un problème en amont, avec moins de 10 % de femmes présidentes !, se défend à ce titre Jean-Loup Salzmann (toujours sur EducPros). Mais notre situation est un peu particulière : nous sommes une équipe déjà constituée depuis deux ans, qui se représente justement car nous pensons qu’elle est efficace. »
Mais le président de la CPU se défend surtout d’être un « béni-oui-oui » aux ordres du ministère : « Quand nous avons un message à faire remonter au ministère, nous n’hésitons pas. Par exemple sur la réforme du modèle de répartition des moyens, nous avons fait reculer le ministère non pas en enfonçant des portes à coup de pied, mais en démontrant que la réforme proposée était catastrophique ».
Quel rôle pour la CPU ?
Face à face s’opposent deux visions du rôle de la CPU. Doit-elle être une instance de cogestion, défendant des positions « raisonnables » ou, au contraire, un organisme quasi syndical ancré dans une opposition plus systématique ? Les débats nés de l’autonomie des universités sont encore bien au cœur de cette élection qui continue à opposer « grandes universités », plutôt scientifiques, et « petites universités », plutôt littéraires quant à sa pertinence même.