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ENTRETIEN EXCLUSIF : Le Pôle Léonard de Vinci rejoint le groupe AD Education : Pascal Brouaye et Nelly Rouyrès, président et vice-présidente du Pôle, expliquent leur choix

Pascal Brouaye et Nelly Rouyrès, président et vice-présidente Pôle Léonard de Vinci

Le Pôle Léonard de Vinci entre en « négociations exclusives » avec le groupe AD Éducation. Le Pôle dirigé par Pascal Brouaye et Nelly Rouyrès devrait ainsi rejoindre un groupe de 19 écoles, mené par Kevin Guenegan, qui compte 36 000 étudiants et s’est bâti dans les formations aux métiers artistiques autour de l’École de Condé. L’actuel directeur de Télécom Paris, Nicolas Glady, prendra en septembre prochain la direction du Pôle. Pascal Brouaye et Nelly Rouyrès nous livrent leur vision de ce passage de témoin à plus d’un titre.

Olivier Rollot : Vous avez presque conclu votre accord avec AD Education pour la reprise du Pôle Léonard de Vinci. Quels en sont les termes exacts ?

Pascal Brouaye : Plus qu’un accord financier, c’est un accord stratégique. Il apporte au Pôle les moyens d’investir pour se développer, notamment à l’international où nous allons pouvoir nous appuyer sur le savoir-faire d’AD Education. Cette opération boucle notre opération de transformation mais il reste encore quelques étapes à passer, telles que l’information-consultation des CSE et les autorisations des autorités règlementaires.

L’important pour nous c’est que la plus grande partie des fonds ainsi générés reviendront à l’association historique. C’est une opération de transformation dans laquelle l’association récupère la valorisation financière des écoles dont elle a actuellement la gestion (EMLV-ESILV). Elle changera alors d’objet pour jouer un nouveau rôle proche de celui d’une fondation adossée aux écoles.

Nelly Rouyrès : Nous partons sur un schéma à deux têtes : l’association d’un côté, la société à mission de l’autre. L’association, à l’image d’autres fondations adossées à de grandes écoles, financera une politique volontariste d’ouverture sociale, le développement de l’entreprenariat, de la recherche mais aussi l’immobilier, et notamment le Campus du Parc dont l’ouverture est prévue en 2026. La société à mission, de son côté, affichera sa volonté de poursuivre le développement du Pôle dans sa singularité et le respect de la qualité attachée aux grandes écoles.

Les frais de scolarité ne peuvent pas financer tous les équipements nécessaires au développement de la recherche, par exemple. La grande différence du Pôle avec les institutions les plus prestigieuses, c’est qu’il est encore trop jeune, avec trop peu d’alumni, pour mener des grandes levées de fonds.

P. B : Aucune opération de cession n’est jusqu’ici passée par ce système où une partie significative des fonds est destinée à faciliter des actions dignes d’une fondation ! Les fonds ne servent pas à compenser une faiblesse économique. Le Pôle est excédentaire financièrement et son adossement à AD Education vise à accompagner son développement notamment au plan régional et international.

O. R : Pourquoi avoir choisi AD Education plutôt qu’un autre repreneur ?

N. R : Sur la ligne de départ il y avait plusieurs acteurs, certains ont été refroidis par la complexité liée à la dualité avec l’association. Certains fonds d’investissement ne retrouvaient pas dans notre modèle la rentabilité généralement attendue dans de telles opérations, notamment dans des modèles d’écoles à vocation professionnalisante.

In fine, parmi les premières offres reçues, nous avons fait le choix d’examiner celles de deux groupes, qui avaient identifié la complémentarité stratégique qui pouvait émaner de ce rapprochement. Pour une question de culture – ce n’est pas le prix qui a fait la différence – nous avons choisi le groupe AD Education. Cela a été difficile de choisir car l’autre groupe avait également des valeurs mais AD Education est plus proche de la façon dont nous menons nos écoles.

Et c’est sur une vision et des valeurs partagées de nos métiers que le choix final s’est opéré, mais aussi en prenant en compte le développement international déjà largement initié par AD Education ces dernières années en s’implantant dans neuf pays européens.

O. R : AD Education est spécialisé dans les formations artistiques. Comment vont-ils gérer des écoles d’ingénieurs et de management qu’ils ne connaissent pas ?

N. R : Ils vont vraiment s’appuyer sur les équipes en place et leur savoir-faire. Ils ont été convaincus, tout comme nous, que Nicolas Glady, le futur directeur général, avait toutes les compétences et l’envie d’incarner ce futur.

P. B : Ce n’est pas une absorption. Le Pôle va être adossé à AD Education tout en continuant à se développer, notamment en région et à l’international. AD Education regroupe des sociétés indépendantes comme le Pôle qui sera devenu société à mission et possédant ses quatre écoles. AD Education et le Pôle Léonard de Vinci sont deux groupes complémentaires.

O. R : Que peut apporter AD Education au Pôle au-delà d’être un investisseur ?

P B. : Adossé depuis plusieurs années à des fonds d’investissement, AD Education a connu une croissance très soutenue, preuve de leur capacité de développement

N. R : Nos formations executive pourraient être boostées par le savoir-faire d’AD Education, alors que nous dispensons aujourd’hui essentiellement des MBA spécialisés et n’avons pas encore développé de programmes BtoB, assis sur nos domaines d’expertise. Avec l’école Oktogone, AD Education a su se positionner au niveau des entreprises en proposant du full online. Des hybridations avec des écoles d’AD Education sont également possibles, notamment dans le domaine de l’audiovisuel où ils sont très développés, l’IIM, notre école du digital, ayant de son côté un positionnement plus technologique

O. R : Vous allez garder un fort ancrage local ?

N. R : Nous sommes ancrés à la Défense et en Péri-Défense sur la commune de Nanterre. Quand notre campus principal au cœur du Parc André Malraux sera terminé (courant 2026), nous amplifierons effectivement nos actions locales que ce soit à travers notre Cordée de la Réussite Mona Lisa qui s’adresse à des jeunes des collèges et lycées du territoire mais aussi à destination de profils en réinsertion que nous pourrons aussi accompagner.

P. B : Du côté des collectivités locales en lien avec le Pôle, celles-ci sont-satisfaites. Le conseil départemental souhaitait que le Pôle prenne son indépendance financière et immobilière, ce qui est presque réalisé – nous déménagerons définitivement de l’immeuble qu’il nous loue d’ici deux ans – tout en restant au cœur de Nanterre comme le souhaite la ville pour amplifier un écosystème lié à l’enseignement supérieur.

O. R : Et vous deux, qu’allez-vous devenir maintenant, après voir fait du Pôle le très bel établissement qu’il est devenu sous votre impulsion ?

P. B : A notre arrivée, le Pôle était en situation très délicate, ses responsables envisageant même de se séparer de ses écoles « par appartement ». Aujourd’hui, ses écoles sont bien recentrées avec des équipes solides et les fondamentaux du Pôle comme la transversalité entre les écoles ont été préservés et amplifiés. C’est la même situation que celle dans laquelle nous avions laissé l’ECE Paris au cours d’une expérience antérieure. Le Pôle est bien positionné, sain financièrement et avec un fort potentiel de développement lié à son adossement.

Nous avons remis le Pôle sur les rails en nous appuyant sur de nombreux leviers. Le premier a été le développement de l’école d’ingénieurs à laquelle nous nous sommes attachés à donner un positionnement généraliste et différenciant. Nous avons, bien sûr, et c’est aujourd’hui une marque de fabrique du Pôle, développé à tous les niveaux, l’hybridation et la transversalité entre l’EMLV, l’ESILV et l’IIM et mis l’accent très tôt, sur les compétences soft skills. Et bien sûr, nous sommes entrés de façon volontariste dans la recherche des meilleures accréditations nationales et internationales et avons intégré les écoles dans de grands concours communs. Et surtout, nous nous sommes attachés à être innovant en permanence en créant par exemple des instituts comme celui des crypto-actifs mais aussi l’Institute for future technologies en lien avec le MIT.

N. R : Personnellement, nous jouerons désormais un rôle plus stratégique et accompagnerons la transformation, tout en passant la main sur un plan opérationnel. Nous faciliterons la prise de fonction de Nicolas Glady et nous nous attacherons à finaliser les relations avec le conseil départemental jusqu’à la libération des locaux actuels. Nous veillerons également à la finalisation du prochain bâtiment, le futur Campus du Parc.

Pour nous, la boucle est bouclée… Nous laissons le Pôle dans l’état où nous aurions aimé le trouver il y a douze ans à notre arrivée. Aujourd’hui, nous sommes sereins et confiants. Et nous serons toujours très heureux et fiers de suivre les nouvelles pages qui s’écriront, grâce à ces structures d’avenir que seront la société à mission soutenue financièrement par l’association historique, tout en bénéficiant de la dynamique du groupe AD Education et surtout de l’engagement de ses équipes au service d’un projet durable, dont la vocation sociale sera réaffirmée.

  • Le Pôle Léonard de Vinci est constitué de quatre établissements d’enseignement supérieur délivrant des diplômes et titres reconnus qui couvrent des champs disciplinaires complémentaires. L’école d’ingénieurs généraliste ESILV est habilitée par la CTI pour son programme ingénieur et grade de licence pour ses Bachelors, l’école de management, l’EMLV, est quant à elle, accréditée AACSB, AMBA et EFMD Master pour son programme grade de Master et grade de Licence pour ses Bachelors, l’école du digital, l’IIM et l’institut de formation continue DeVinci Executive Education délivrent une vingtaine de titres enregistrés au RNCP. Il compte 10 000 étudiants et apprenants (dont 3 100 alternants) au sein de ses 3 écoles et de son activité de formation continue, 20 000 diplômés et 460 collaborateurs (dont + de 200 enseignants et enseignants-chercheurs).
  • Le Pôle Léonard de Vinci inaugure un nouveau campus à Nanterre. Situé au cœur du pôle d’affaires péri-Défense à Nanterre, le Campus des Terrasses que vient d’inaugurer Le Pôle Léonard de Vinci dispose d’une capacité d’accueil de 1 200 personnes. Ouvert à tous les étudiants du Pôle, il se déploie sur plus de 5 200 m2 et a fait l’objet d’un investissement de 10 millions d’euros de travaux. C’est le cinquième campus du Pôle qui s’étend aujourd’hui près de 30 000 m2 pour un investissement de 200 millions d’euros. Le bâtiment accueille déjà les alternants de l’EMLV et de l’ESILV ainsi que les étudiants en Finance de l’ESILV. « A côté de l’Université Paris-Nanterre et ses 35 000 étudiants, Nanterre accueille plusieurs établissements d’enseignement supérieur privés qui représenteront bientôt près de 20 000 étudiants. L’ouverture du Campus des Terrasses du Pôle Leonard de Vinci contribue à faire de Nanterre, membre du réseau mondial des villes apprenantes de l’UNESCO, l’une des principales villes étudiantes de France », se réjouit Raphaël Adam, le maire de Nanterre .Le bâtiment a été entièrement rénové sans être démoli pour réduire l’impact environnemental et les nuisances (diminution des rejets de Co² de 60% par rapport à une construction neuve, soit environ 370 tonnes et bénéficie des certifications environnementales « NF Bâtiments tertiaires – Démarche HQE – Millésime 2015 (rénovation) », passeport Excellent, « BREEAM International Refurbishment and Fit Out Millésime 2015 (rénovation) » niveau Very Good, du label « BBC Effi.nergie Rénovation » et « Wired Score » niveau gold.

 

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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