La tribune Le crépuscule des classes prépas du futur ex directeur de la rédaction de l’Etudiant et nouveau responsable du Monde Campus, Emmanuel Davidenkoff, leur est restée en travers de la gorge. Réunis le 6 novembre au lycée Louis-Le-Grand de Paris pour leur premier colloque, les professeurs de classes préparatoires économiques l’Aphec ont regretté, par la voix de leur président Philippe Heudron, qu’il ne « soit pas venu s’expliquer avec eux ni n’ait accepté un droit de réponse ». Pour autant l’ambiance n’était pas morose dans des prépas dont les écoles s’arrachent plus que jamais leurs élèves.
Un charge implacable…
« Délétère hiérarchisation des talents », « survalorisation d’un dispositif pédagogique qui privilégie la mémorisation et la reproduction », « caractère bien peu équitable de ce système, qui exclut de fait les jeunes issus de milieux moins favorisés économiquement et culturellement, mais aussi ceux qui expriment leurs talents dans des styles moins scolaires »… la charge d’Emmanuel Davidenkoff contre les prépas a stupéfait une planète éducation qui l’avait connue beaucoup plus œcuménique ces sept dernières années à la direction de l’Etudiant. Son « prépa maqué(e), prépa manquée » a tout particulièrement Jean Bastianelli, tout nouveau proviseur Louis-Le-Grand, qui ne supporte pas qu’on « puisse insinuer que les prépas s’immiscent dans la vie privée de leurs élèves ».
Pour autant les arguments d’Emmanuel Davidenkoff sur la diversification des profils admis dans les grandes écoles – aujourd’hui plus de la moitié hors prépas – portent tout autant que son constat du départ de certains élèves vers l’étranger. « Il est de moins en moins rare qu’un élève choisisse de sauter la case « prépa » au profit d’une grande université étrangère. Louis-le-Grand ne bataille plus avec Henri-IV, mais avec Oxford et le MIT », écrit-il encore.
… contre un système qui reste plébiscité…
16177 élèves en prépas économiques en 2005-2006 et 19 696 en 2014-2015 soit +21,7% (+9,3 en scientifiques et +12,6% en littéraires)… les classes prépas, notant économique, attirent de plus en plus de jeunes. Les « très grandes école » de management, HEC, Essec, ESCP Europe, etc. recrutent à 100% dans leur vivier en première année et toutes les autres se « damneraient » pour en recruter plus. Nul doute que si plus de prépas publiques ouvraient dans les grandes villes elles feraient le plein. « Il faudrait ouvrir plus de classes prépas mais surtout au bon endroit ! Tout le problème est que le système n’est pas vraiment piloté », conte Philippe Heudron, président de l’Aphec (relire son entretien complet sur le blog d’HEADway. À mi chemin entre les deux grandes directions de l’éducation, l’enseignement supérieur (Dgesip) pour les progras et l’enseignement scolaire (Dgesco) pour les moyens, les CPGE forment en effet un réseau national qui mériterait certainement d’être articulé au plus haut niveau…
… et conserve beaucoup d’adeptes.
« La critique des prépas fait partie du « french bashing ». Sans les prépas, sans les grande écoles les élites enverraient leurs enfants à l’étranger », assure Bernard Ramanantsoa, directeur honoraire d’HEC. « On n’a pas le droit en France d’avoir un esprit à la fois scientifique et littéraire ! Une des qualités de la prépa est de recomposer cette qualité », estime de son côté Thomas Froehlicher, le directeur général de Kedge. Jean Bastianelli rappelle lui que « la prépa donne le temps de réfléchir sur le monde et cont il évolue. Certes nos élèves ne connaissent pas le terrain mais ont une culture générale qui leur donne l’avantage ». Toujours pendant le même colloque Roland Siegers, directeur du Cems, était plus critique : « Aujourd’hui on a besoin de professionnels qui savent travailler en équipe, ce qui n’est pas du tout le cas dans l’enseignement des prépas. C’est un anachronisme ».
Mais quelle liaison avec les grandes écoles ?
C’était le sujet du colloque et tous semblaient d’accord pour regretter que les profs de prépas et de grande écoles se parlent pas ou peu. « Au-delà des connaissances il faut réfléchir à des compétences co le travail en groupe ou la gestion du stress qui préparent à rejoindre le monde de l’entreprise », demande ainsi Stéphan Bourcieu, directeur de l’ESC Dijon Bourgogne. Alain Joyeux, professeur de prépas et vice-président de l’Aphec : abonde dans son sens : « Nous n’utilisons pas assez le passage en deux ans intervenu en 1997 pour leur faire découvrir l’entreprise ou l’associatif. Nous les incitons à profiter de l’été entre les deux années pour aller à leur découverte mais nous n’avons pas le droit de signer des conventions de stage ».
Autre sujet : la place de la culture générale. « Dans les grandes écoles il faudrait encore renforcer la culture générale mais que faudrait-il enlever pour y parvenir ? », se demandait Bernard Ramanantsoa. « Il y a de de plus en plus de culture générale en école mais ce n’est pas le but de faire dans l’école ce qu’on fait en CPGE », lui répondait Alain Joyeux. Ce premier colloque a été une belle occasion de se parler pour les grandes écoles et leurs prépas. A renouveler !