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Formation continue : que peut faire l’université ?

Les établissements d’enseignement supérieur représentant seulement 3% du marché de la formation continue en France. A la suite de la remise du rapport de François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise, sur Le développement de la formation continue dans les universités, Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon ont fixé l’objectif de développement du chiffre d’affaires à 1,5 milliard d’euros d’ici à 2020 (le rapport Germinet parle lui « seulement » d’un milliard contre 400 M€ aujourd’hui). Pour y parvenir les ministres ont annoncé le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt dès le 9 novembre, qui permettra de sélectionner fin décembre une dizaine d’établissements pilotes, qui expérimenteront les mesures proposées pour le développement de la formation continue sur la « base d’un cahier des charges précis »

Les chiffres clés

Sur un montant de 30 Md€ représentant le volume d’activité lié à la formation continue, le chiffre est ramené à 13 Md€ pour désigner le marché de la formation continue (chiffre DARES 2011) estime le rapport de François Germinet. A l’intérieur de ces 13 Md€, la part de l’enseignement supérieur représenterait à ce jour environ 400 M€, dont 90 M€ du côté du CNAM. Les universités les plus actives en formation continue pèsent environ 10 M€ chacune (Strasbourg, Dauphine, notamment), quand les écoles de commerce les plus performantes enregistrent 20 M€.

Un montant de 13 Md€ qui recouvre des dispositifs de formation continue très différents et de tout niveau : « Des formations liées à l’évolution des normes et des législations, avec une actualisation des compétences techniques du salarié sur son poste, et des formations certifiantes, voire diplômantes, souvent suivies dans un but d’évolution de carrière ; des formations de niveau 4 et 5, comme des formations de niveau 1, 2, 3 sur lesquelles l’enseignement supérieur assoie sa légitimité ». Il importe donc d’abord « d’identifier plus précisément la part des 13 Md€ qui peuvent concerner l’ESR et la suivre au fil des années, notamment autour de cette charnière temporelle que constitue la mise en œuvre de la loi ».

Quel modèle économique ? 

Loin d’un optimisme de circonstance, le rapport Germinet se montre perplexe sur le développement de la formation continue dans les universités en constatant que la formation continue se « finance aujourd’hui à hauteur d’un coût marginal mais pas au coût complet ». Et d’asséner que « sans un changement de modèle, le développement de la formation continue représenterait paradoxalement un coût supplémentaire pour les établissements, et non un apport de ressources au profit du budget des établissements ».

Son constat : même dans les établissements publics les plus actifs (Cnam, Dauphine, Strasbourg, Caen, Créteil) « dans les meilleurs des cas, les recettes financent le coût direct de la formation (heures d’enseignement, secrétariat, accueil, etc.), (…) le coût complet (global) ne semble néanmoins jamais pris en compte ». Un coût complet comprendrait également : le salaire horaire plein des titulaires, le coût au prix du marché de la location de la salle, l’activité générée par la formation au sein des services centraux. etc. Et de conclure : « On peut estimer se situer ici en présence d’un nœud gordien : changer d’échelle nécessite une réelle prise en compte des coûts globaux engendrés, donc une augmentation des tarifs, ce qui réduit la compétitivité de la formation et peut limiter le recours à nos formations, en en freinant ainsi le développement ! »

La nécessaire implication des enseignants-chercheurs

Formation continue et université sont tout sauf des univers antinomiques : « La formation continue, loin de dévoyer la mission première de l’université, n’est-elle pas plutôt l’occasion de la réaffirmer et de déployer ainsi un peu plus sa raison d’être, à savoir la transmission de son expertise sans cesse enrichie?», note le rapport. Pour autant, « si le caractère diplômant des formations universitaires est souvent mis en avant comme atout différenciant, la présence et l’expertise des enseignants-chercheurs sont moins fréquent valorisées en tant que telles ».

La nouvelle loi devrait permettre une plus grande implication des enseignants-chercheurs mais l’accroitre par le seul recours aux heures complémentaires aurait pour effet de « saturer ces derniers et d’impacter négativement la recherche ». Inclure les missions de formation continue dans les services peut en effet avoir un impact négatif sur l’offre de formation initiale. Le rapport établit donc qu’aucune évolution ne pourra se faire sans réaliser des recrutements complémentaires. Le nombre de titulaires étant limité, il « faudra explorer d’une part la piste des enseignant-chercheur en CDD ou CDI, mais avec le risque de voir apparaître deux catégories d’enseignants-chercheurs, d’autre part l’usage possible de supports d’emploi de titulaires, mais dont la masse salariale serait assumée totalement par les ressources propres des établissements ». Deux possibilités se combineraient alors : un statut de contractuel en phase de lancement et une ouverture de concours lorsque l’activité, et donc la recette, est stabilisée.

Olivier Rollot (@ORollot)

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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