La quasi-totalité de ses étudiants en programme Grande école de troisième année suit son année en alternance. MBS est l’école de commerce la plus investie dans un processus qui séduit plus en plus les étudiants. Son directeur général, Bruno Ducasse, revient avec nous sur cette spécificité tout en faisant le point sur son activité en cette année de pandémie.
Olivier Rollot : C’est la question du moment : comment Montpellier BS vit-elle ces semaines de distanciation et de confinement ?
Bruno Ducasse : En septembre 2020 tous les primo-entrants de tous les programmes – et même de deuxième année du programme Grande école – ont pu faire leur rentrée sur notre campus. Les autres ont fait leur rentrée à distance. Puis d’octobre à fin janvier tous les cours ont eu lieu à distance. Tout en laissant la possibilité de venir sur le campus aux étudiants qui ont besoin d’avoir accès à des salles informatiques pour, là aussi et c’est le paradoxe, suivre leurs cours à distance.
Suite aux récentes autorisations du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), nous avons pu accueillir dès le 1er février, le plus d’étudiants possible sur un modèle hybride présentiel / distanciel. Toutes nos salles sont équipées pour des cours hybrides en direct et interactifs avec le système LINC (Live INteractive Classroom). Et presque tous nos cours sont des « travaux dirigés » car nous n’en délivrons quasiment aucun en amphithéâtres.
O. R : Quel pourcentage d’étudiants souhaite absolument revenir sur les campus ?
B. D : Beaucoup d’étudiants souhaitent également continuer à travailler à distance. Et notamment des alternants. C’est très hétérogène selon les programmes : de 25% seulement chez les étudiants qui suivent leur cursus en apprentissage en Programme Grande Ecole à 75% en 1ère année du Bachelor. Au début de l’année scolaire, cela aurait été différent mais aujourd’hui beaucoup sont rentrés dans leur famille et ont rendu les clés de leur studio. Avec l’incertitude permanente qui règne, ils se demandent si cela vaut la peine d’engager des frais pour revenir sur le campus pour un temps inconnu.
O. R : Montpellier BS est souvent considérée comme l’école de l’alternance. Quel pourcentage de vos étudiants suit aujourd’hui ses cours en alternance ?
B. D : Jusqu’à 92% dans la troisième année de notre programme Grande école (PGE). En fait ce sont essentiellement les étudiants étrangers qui ne suivent pas leur cursus en alternance à ce stade. En tout nous accompagnons plus de 1400 étudiants alternants dans l’ensemble des programmes : 1300 en PGE et 100 en Bachelor.
O. R : Le succès de l’apprentissage suite à la réforme et aux aides apportées aux entreprises est magistral en 2020. Seulement son financement n’est pas assuré et certains remettent particulièrement en cause le montant auquel sont financés les contrats dans l’enseignement supérieur. Comment analysez-vous la situation ?
B. D : L’alternance, c’est le meilleur véhicule de l’ouverture sociale dans les Grande Ecoles. Je trouve très paradoxal de soutenir l’alternance tout en pensant réduire le financement pour l’enseignement supérieur. La réforme n’a pas été préparée en s’appuyant sur des données fiables. Le gouvernement a navigué à vue sans trop savoir où il allait. Mais pourquoi aujourd’hui défavoriser les jeunes alors que, encore plus en temps de crise, c’est le mode de formation idéal pour acquérir à la fois une véritable expérience professionnelle et un diplôme. L’apprentissage permet de financer le cursus d’étudiants qui n’en auraient sinon pas les moyens. Recruter des étudiants de milieux sociaux modestes grâce à l’alternance est profondément ancré dans l’ADN de MBS. Réduire le financement de l’alternance signifie dépenser plus pour devoir ensuite soutenir des jeunes sans emploi après leurs études.
O. R : Mais que ferez-vous si la valeur du « coût contrat », le montant auquel sont financés les formations en alternance, est bien revu à la baisse ?
B. D : Depuis la mise en place de la réforme, nous craignons que la valeur du « coût contrat » soit en effet revue. Une clause de « revoyure » était d’ailleurs prévue et une baisse de 25% des montants versés pour l’enseignement supérieur programmée. Cela devait être progressif, mais il semble que cela pourrait se faire en une fois en 2022-23.
Nous avons gagné un an de répit par rapport aux premières annonces de l’automne 2020 où cette révision des coûts contrats était envisagée en 2021-22. L’ensemble des Grandes écoles va mettre à profit ce délai pour sensibiliser le gouvernement. Lui faire comprendre que ce n’est pas parce qu’on est une Grande école que tous les étudiants ont forcément les moyens de payer les frais de scolarité et que le coût contrat peut être abaissé sans concertation.
Mais nous réfléchissons également à des solutions. Par exemple, alors que 80% des entreprises avec lesquelles nous contractons se positionnent au niveau de notre coût contrat, dans 20% d’entre elles il y a ce que nous appelons un « reste à charge ». D’où une négociation qui aboutit à un accord dans 95% des cas. En 2022 ne serons sans doute appelés à négocier sur des montants de « reste à charge » plus élevés.
De même le mécénat se développe et peut concourir au financement des contrats. Autre solution : financer le reste à charge avec des frais de scolarité non directement liés à la pédagogie. A condition que ces frais restent marginaux pour les alternants.
Enfin certaines écoles modulent leurs frais de scolarité en fonction des ressources des familles. Nous pourrions envisager d’en faire autant pour les alternants.
O. R : En septembre 2020 Montpellier BS s’est transformée en MBS. Pourquoi ce changement d’appellation ?
B. D : C’est clairement dans la volonté d’être plus international. Montpellier BS n’est pas signifiant en dehors de nos frontières. Au-delà de l’Europe en tout cas. Pour autant nous gardons bien les mêmes initiales et Montpellier reste dans notre logo. Le tout avec un graphisme qui montre notre ouverture et notre diversité et une base line #making a difference qui nous permet d’être plus présents sur les réseaux sociaux. Un symbole qui marque notre empreinte en matière de diversité. Enfin notre nouvelle couleur, un bleu mais plus moderne, exprime notre volonté d’être moins « institutionnels ». Le tout sans non plus déboussoler les acteurs locaux.
O. R : Vous avez l’intention de vous implanter à l’étranger ?
B. D : Nous sommes déjà implantés à Dakar depuis 7 ans pour y délivrer un bachelor et de la formation continue. Dans le cadre de notre plan stratégique nous avons également l’ambition de développer des partenariats avec des établissements étrangers pour être présents en Amérique – au sens large – comme en Asie.
O. R : En termes de recherche Montpellier BS est très impliquée dans la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). C’est vraiment votre axe stratégique ?
B. D : MBS est l’a grande école de management leader en matière de diversité et d’ouverture sociale. Jusqu’à présent nous avons essentiellement travaillé sur le « S » (« Social ») de RSE. Aujourd’hui nous voulons y ajouter le « E » (« Environnement »).
D’abord en étant nous-mêmes exemplaires dans la construction de notre nouveau campus. Nous avons aujourd’hui sélectionné quatre architectes et nous déciderons au printemps du projet retenu qui verra le jour en 2024. Ce sera un bâtiment à très bas bilan carbone et à énergie positive dans un quartier qui se veut exemplaire.
Par ailleurs nous allons développer en 2021-22 des formations et proposer aux étudiants de passer des certificats sur différentes thématiques ayant trait à la RSE. En 2022-23 nous généraliserons ces certificats dans le PGE comme dans nos MSc.
Nous avons également créé une chaire en sustainability et un « Yunus Center » (du nom du Prix Nobel de la Paix 2006) pour travailler sur les questions de microfinance dans les pays développés. C’est le cinquième centre en France en recherche, pédagogie et expériences concrètes sur cette matière.
O. R : Les concours d’entrée dans les écoles de management avancent à grands pas mais leur organisation pourrait, encore une fois cette année, être remis en cause par la pandémie. Comment pensez-vous vous organiser ? Notamment pour le passage des oraux.
B. D : Le passage des oraux à distance est une solution envisageable. Soit en direct, soit en asynchrone pour permettre aux candidats de se présenter. Nous le pratiquons d’ailleurs déjà pour recruter nos étudiants internationaux. Si nous préférerions évidemment recevoir les candidats sur notre campus, nous devons nous montrer responsables. Nous entendons former des managers responsables. Est-ce responsable de faire se déplacer des milliers de candidats, sans parler des membres des jurys ? Il faut se décider très rapidement. Nous ne pouvons pas attendre le dernier moment pour préciser comment seront organisés nos oraux. Et encore plus pour les candidats en bachelor qui ont déjà commencé à faire leurs vœux sur Parcoursup.
Nous pourrons de toute façon accueillir sur les campus les étudiants qui ont des problèmes de connexion. Cela ne constituera pas une distorsion des conditions de passage des concours entre les candidats qui avait fait tant débat en 2020. D’autant que nous organiserons des sessions de rattrapage si un problème technique se pose.
O. R : Vous évoquez le bachelor. MBS a-t-elle obtenu le tout nouveau grade de licence pour son bachelor?
B. D : Nous l’avons obtenu. La Cefdg (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) a notamment estimé que nous nous inscrivions bien dans la politique de site de l’Université de Montpellier avec un bachelor qui répond à une forte demande. De plus les enseignants du bachelor sont les mêmes que ceux du PGE, ce qui garantit l’empreinte recherche de leur formation telle que le référentiel du bachelor édicté par le MESRI l’avait demandé.
O. R : La reconnaissance est aussi internationale. MBS est triple accréditée (Equis, AACSB, Amba). Qu’est-ce que cela vous apporte ?
B. D : Nous avons effectivement été accrédités Equis en 2019 pour une durée de trois ans et un renouvellement donc en 2022. Cette année nous recevons les auditeurs de l’AACSB pour une renouvellement que nous espérons pour la durée maximale, c’est-à-dire 5 ans. Pour cela nous avons réorganisé l’école il y a un an et demi en créant une direction de la qualité académique qui prend en charge les accréditations comme tout le processus qualité.
Je pourrais également évoquer le processus Qualiopi pour la formation continue ou le renouvellement de notre label diversité et égalité professionnelle femmes/hommes, c’est beaucoup de travail pour progresser et prendre en compte des remarques qui nous servent dans notre processus d’amélioration continue au quotidien.
O. R : Mais n’y a-t-il pas trop d’accréditations, labels, certificats, aujourd’hui ?
B. D : C’est sûr qu’il s’agit également d’un business pour les organismes et les consultants. Dans les entreprises on préfère d’ailleurs de plus en plus avoir des systèmes d’assurance qualité globaux pour ne pas créer des « usines à gaz » et perdre trop d’énergie. C’est ce à quoi nous allons nous atteler à MBS afin de disposer d’un système de pilotage global.
O. R : Où en est le développement de votre formation continue ?
B. D : Aujourd’hui la formation continue représente 4% de notre budget global avec comme objectif de multiplier sa part par trois d’ici cinq ans. Atteindre 10% de notre chiffre d’affaires serait un bon résultat. Nous proposons un catalogue de formations courtes réduit, car nous préférons répondre aux besoins des entreprises en faisant du sur-mesure et proposer des formations diplômantes. Nous délivrons des diplômes comme notre E-MBA, que nous allons bientôt réformer. Nous avons une réflexion sur un MBA en anglais – peut-être entièrement digital. De plus nous avons entrepris de détacher des modules de nos programmes pour les redéposer en blocs de compétences pour le RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles). Enfin nous travaillons sur le développement d’une offre entièrement digitale et distancielle pour un public qui n’a pas forcément la possibilité ou la volonté de se déplacer.