A la tête de l’ESILV depuis un an Pascal Pinot dirige une école en plein développement, qui va bientôt s’installer à Nantes. Il revient vers nous sur son modèle généraliste et hybride.
Olivier Rollot : Vous avez pris la direction de l’ESILV il y a un an après avoir notamment dirigé l’Ensta Bretagne. Si vous deviez définir l’ESILV en quelques mots que diriez-vous ?
Pascal Pinot : L’ESILV est une école généraliste au cœur du numérique. Nous sommes beaucoup plus généralistes qu’une école d’informatique. A l’ESILV, on se forme aussi à la mécanique et à la modélisation mathématique ! Nous ne sommes pas tout à fait une école généraliste du numérique comme Télécom Paris. Dans notre catégorie d’école post bac, nous sommes plutôt plus proche du modèle de CentraleSupélec. C’est-à-dire une école généraliste premium, qui recrute très bien, et ne s’inscrit pas pour autant dans une croissance effrénée. Ce que nous cherchons c’est la qualité : former des jeunes qui seront appréciés par les entreprises est un gage de pérennité.
O. R : Comment est organisé le cursus de l’ESILV pour répondre à ce cahier des charges ?
P. P : Pendant les trois premières années de notre cursus, nous formons nos étudiants à l’ensemble des bases scientifiques (mathématique, physique, et bien sur informatique) et des sciences de l’ingénieur (thermodynamique, résistance des matériaux, programmation, …). Demain nos étudiants seront des managers de projets et ils devront maîtriser toutes ces disciplines. De plus nous leur apportons aussi les fondamentaux du savoir-être pour agir en entreprise : les Softs skills.
Ensuite, ils ont deux ans pour approfondir leurs connaissances et compétences dans un grand domaine de spécialisation à travers 11 majeures : trois dans l’informatique, trois dans l’ingénierie des finances, quatre dans les sciences de l’ingénieur classiques (dont deux nouvelles sur l’Industrie 4.0 et la Creative Technology) et une enfin sur la Santé et les Biotechs. Notre modèle n’est pas de former à une majeure pendant six mois puis à une autre en les effleurant toutes. Les employeurs ont besoin de jeunes ingénieurs qui maîtrisent leur domaine technique, c’est ce que nous leur offrons.
O. R : L’informatique est partout aujourd’hui. Même en mécanique ?
P. P : Dans l’entreprise comme en formation, on passe aujourd’hui sa vie sur des logiciels de modélisation. Prenons un exemple que je connais bien pour en avoir été responsable au sein de la direction générale de l’armement : aujourd’hui il suffit de trois tirs « réels » de missiles pour valider leur efficacité passée la phase d’essais virtuels où des dizaines de tirs sont réalisés à un coût très faible. C’est une autre façon de faire de la mécanique mais qui exige de maîtriser des logiciels très sophistiqués
O. R : Vos diplômés trouvent rapidement des jobs à des niveaux de salaire importants. C’est grâce à vos spécialités en finance ?
P. P : Effectivement nos diplômés trouvent du travail sur des secteurs en tension qui offrent des rémunérations gratifiantes particulièrement en finance. Notre localisation à La Défense aide également, nous sommes proches des sièges des grandes banques comme des société d’assurances. Sans parler de nos diplômés qui partent à l’étranger.
O. R : Quand on évoque le Pôle Léonard-de-Vinci on pense tout de suite à l’hybridation des formations qui nait de ses trois écoles, l’ESILV, l’EMLV et l’IIM. Comment cela se concrétise-t-il au sein de l’ESILV ?
P. P : Cette hybridation on la voit au quotidien – 20% des cours sont communs aux trois écoles – et dans la vie associative. Les 58 associations du Pôle mélangent tous les étudiants. De même le De Vinci Innovation Center est ouvert à tous les profils. Sans oublier les « semaines transverses » pendant lesquelles ils travaillent ensemble en équipes projet pluridisciplinaires . Au bout de quelques mois les étudiants ne font plus vraiment de différence entre eux. Et puis, il y a notre double diplômes Ingénieur-Manager avec l’EMLV dont les 1ers diplômés sont sortis en 2020.
O. R : Parlons de votre bachelor Ingénieur numérique. Pourquoi le grade de licence ne lui a-t-il finalement pas été accordé ?
P. P : Au vu des avis des experts nous pensions que le grade de licence serait accordé à cette formation qui sort cette année sa première promotion de 25 étudiants. Il semble que le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ait porté une attention très forte à la politique de site. Un point sur lequel nous ne nous étions sans doute pas assez exprimés dans notre dossier en mettant essentiellement en avant les qualités du bachelor plutôt que la politique générale de l’école. Nous avons donc déposé un complément au dossier sur les points que nous n’avions sans doute pas assez explicités et nous attendons la décisionfinale pour la fin de l’année 2021.
O. R : Justement quelle est la politique de site de l’ESILV ?
P. P : Le plus important est de créer de la valeur pour le site, de nouer des collaboration concrètes qui apporte une plus-value aux étudiants et aux entreprises. Cela ne se mesure pas forcément par une appartenance à un type d’établissement, même si nous sommes favorables à un accord institutionnel avec un grand ensemble universitaire. L’ESILV a déjà conclu des accords de doubles diplômes avec un grand nombre d’établissements. Nous proposons par exemple un master recherche avec l’Institut Polytechnique de Paris en mathématiques appliquées à la finance. Des étudiants de l’ESILV peuvent suivre leur deuxième année du cycle master à CentraleSupélec. Nous avons aussi un accord de double diplôme avec Paris-Dauphine pour que nos étudiants puissent obtenir le titre d’actuaire. Sans oublier les collaborations avec l’Université Paris Nanterre, notamment en entrepreneuriat : nous sommes membre de Pepite PON et membre fondateur de l’incubateur I-Engage. Notre politique de site se manifeste très concrètement.
O. R : La création du bachelor universitaire de technologie (BUT) peut-elle faire évoluer vos recrutements ?
P. P : Les titulaires d’un DUT qui intègrent l’ESILV sont en grande majorité des alternants qui effectuent leur cycle ingénieur en 3 ans. Nous sommes attentifs à la réforme du BUT pour que cette année supplémentaire n’ait pas d’impact sur le recrutement des apprentis. Nous espérons toujours passer de 300 à 400 alternants dans les 5 ans à venir.
O. R : Autre évolution cette année : la réforme du bac. Cela vous a-t-il amené à faire évoluer votre première année ?
P. P : Nous avons effectivement remis à plat tout notre programme de première année en nous adaptant aux disciplines que les bacheliers avaient suivies. Les cours de mathématiques et de physique ont été revus sachant que 80% des élèves qui nous rejoignent en première année ont opté pour l’option mathématiques expertes en plus des spécialités mathématiques et physique. C’est très bien pour nous que leur niveau en mathématiques progresse.
Par ailleurs, au cours de l’année passée nous avons donné des cours de soutien à ceux qui avaient plus de mal à suivre en raison de la pandémie..
O. R : Quelles sont les priorités de l’ESILV aujourd’hui ?
P. P : D’abord une croissance qualitative en atteignant bientôt 700 étudiants par promotion. Pour cela, nous allons nous implanter pour la première fois en région, à Nantes. Le cursus, qui y sera délivré dès 2022, sera en tous points identique à celui proposé actuellement Paris. D’ici 2024, les trois 1ères années du cursus y seront dispensées dans un bâtiment de 1500 m2 situé sur le pôle technologique de La Chantrerie à proximité de plusieurs autres écoles d’ingénieurs (IMT Atlantique, Polytech, Ecole Supérieure du Bois, Oniris, CESI). 500 élèves devraient y être présents d’ici cinq ans dans un environnement propice au développement d’une nouvelle école d’ingénieurs.
A l’international, où nous avons déjà un campus près Dublin, nous souhaitons en créer deux autres d’ici 2027, en Asie et en Europe. Il s’agit de créer des environnements de travail sur lesquels nous pouvons envoyer nos étudiants suivre nos propres programmes. Nous souhaitons également faire venir plus d’étudiants étrangers. C’est pour cela que nous avons pris la décision de délivrer tout l’enseignement de notre cycle master en anglais. Surmonter la barrière de la langue nous permet d’être plus ouverts sur le monde..
O. R : Une question plus personnelle maintenant. Avant de prendre la direction de l’ESILV, vous dirigiez l’ENSTA Bretagne. Ce doivent être deux univers très différents?
P. P : Les deux écoles ne sont pas si éloignées que cela. L’ENSTA Bretagne est une école sous tutelle du ministère des Armées. Un ministère qui incite ses écoles à développer les relations avec les entreprises pour mieux répondre aux questions de souveraineté nationale dans la défense. De plus, la croissance de l’école reposait sur le développement de ressources propres notamment grâce à la recherche partenariale. Cette capacité d’agilité est démultipliée au sein du Pôle Léonard-de-Vinci.