Le 13 janvier le président Macron s’est longuement exprimé devant les présidents d’université réunis pour les 50 ans de leur association devenue France Universités. Certains points font fortement réagir…
Rendre l’université payante ? Prononcée à la toute fin du discours, c’est la phrase qui provoque le plus de réactions. Emmanuel Macron estime en effet qu’on « ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ». Il insiste également sur la « difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé sur l’argent public que partout dans le monde pour répondre à la compétition internationale ». On imagine la récation immédiate des syndicats étudiants. Le lendemain l’Elysée éteignait donc l’incendie en affirmant qu’il n’était pas question d’inciter les établissements à augmenter les droits d’inscription des étudiants
La question des moyens. A l’appui de son raisonnement le fait que « les moyens financiers, s’ils sont nécessaires, ne se suffisent pas à eux-mêmes ». Un milliard d’euros de moyens en plus dans le premier cycle auraient été ainsi investis depuis 2017 pour créer plus de 84 000 places dans les universités où 29 000 étudiants auraient bénéficié d’un parcours personnalisé pour les aider à réussir en première année de licence. Il n’en regrette pas moins que « 50% des étudiants seulement se présentent aux examens de première année ». Cet accompagnement s’est aussi matérialisé par des aides à la rénovation énergétique de vos locaux, qui était indispensable à hauteur d’un 1,3 milliard d’euros.
Pourtant il en est d’accord, un vague démographique était attendue depuis plus d’une décennie, « ce qui n’a pas empêché qu’elle soit relativement mal anticipée pour être honnête, comme le montre la baisse de la dépense par étudiant depuis un peu plus d’une décennie ».
Un nouveau modèle fondé sur l’université. Rapprocher toujours plus universités et Grandes écoles, le président semble y être très favorable en constatant qu’en France « nous avons construit et nous avons trop longtemps accepté un modèle à plusieurs vitesses, avec d’ailleurs une forme là aussi de dogme qui s’était installé ». Et d’analyser : « Les grandes écoles et organismes de recherche étaient supposés s’occuper de l’excellence et de la formation des élites et les universités de la démocratisation de l’enseignement supérieur et de la gestion des masses ». Un système qui « juge révolu parce qu’il ne correspond pas à la compétition internationale, parce que sa forme-même crée des barrières, des segmentations qui sont inefficaces ». Et d’asséner : « Demain, ce sont nos universités qui doivent être les piliers de l’excellence, le centre de gravité pour la recherche comme pour la formation. Et d’ailleurs c’est ce que vous avec les grands sites universitaires ces dernières années. C’est ce qui, à partir des Idex et de toute cette tendance, cette dernière décennie, qui a été lancée, c’est ce que nous avons commencé à consolider, qui a, sur le terrain, dans la vraie vie, cassé beaucoup des barrières qui pouvaient exister. Mais on doit parachever ce mouvement ».
Il faut également bâtir plus de ponts entre les universités et les organismes de recherche : « Afin de disposer d’un système efficace, reconnu et toujours plus attractif à l’international (…) il faudra encore que nous renforcions la capacité de nos grands organismes à jouer un rôle, d’agences de moyens pour investir, porter des programmes de recherche ambitieux ».
L’excellence mais pas seulement. Pour « redonner de la visibilité et de la vigueur à nos établissements à l’international, nous avons d’ores et déjà construit de grands établissements mondialement reconnus. Il nous faut poursuivre cette restructuration des pôles universitaires français 10 ans après les IDEX qui y ont largement contribué ». Mais le président veut également se « garder des dangers d’une culture excessive au fond du résultat trop mesurable et de la norme ». Il y a selon lui « place à côté des grandes universités de recherche, pour des universités de proximité et nous sommes en train de bâtir un modèle très pluriel ».
Plus d’autonomie pour nos universités. « Nous sommes à mi guet de l’autonomie des universités » admet le président qui entend maintenant « aller vers plus d’autonomie en termes d’organisation, de financement, de ressources humaines (…) et à côté de cette autonomie d’une responsabilité. Car comme vous, je crois que l’autonomie sans responsabilité, ce n’est pas la vraie autonomie », indique le président qui entend « mener à son terme la logique d’autonomisation commencée il y a un peu plus de 10 ans, et cette autonomie est celle qui permettra à chaque université d’exprimer précisément sa différence, de se développer selon son histoire, son identité, ses ambitions propres, ses projets pédagogiques et stratégiques ».
Une gouvernance plus efficace. Si le président veut que les université acquièrent plus d’autonomie celle-ci doit « aller avec la responsabilité, avec des équipes présidentielles qui sont portées, qui portent un projet clair, mais qui ont la possibilité de le mettre en œuvre une fois qu’elles sont élues et qu’elles sont aux manettes ». Mais pour lui cela ne peut pas « aller avec des systèmes de gouvernance qui, il faut bien le dire par tradition, ont eu dans beaucoup de situations pour conséquence d’impuissanter trop souvent les équipes face aux défis qui leur étaient posées ». Si nous voulons l’autonomie complète avec la responsabilité, on devra donc « aller vers une clarification de la gouvernance ».
L’université rempart face au complotisme. Le président s’est également livré à un vibrant hommage des missions de l’université : « A l’heure où la rationalité et l’autorité scientifique traversent une zone de turbulence (…) défendre nos universités, c’est défendre aussi une autorité scientifique et académique sans laquelle il n’y a ni savoir ni transmission du savoir et ni recherche. » La Commission Bronner sur « Les Lumières à l’ère numérique » votre « contribution est indispensable à l’intelligence collective et doit nous aider à réinjecter, si je puis m’exprimer ainsi, de la raison dans le débat public ».
Une visibilité internationale accrue. Côté satisfecit, Emmanuel Macron s’est félicité de constater que les universités ont « réussi à redonner de la visibilité, de l’attractivité à vos établissements à l’international. Plusieurs établissements ici présents sont entrés dans le classement de Shanghai grâce à des choix forts, des moyens financiers accrus. Plusieurs autres ont fait des bonds de géant et je pense en particulier à l’Université Paris-Saclay, qui s’est directement hissée à la treizième place cette année, mais aussi à beaucoup d’autres ici présents ».
Des moyens pour la recherche. « Depuis 10 ans, le budget qui était dévolu à la recherche était bien en deçà de l’objectif des 3 % de notre produit intérieur brut que nous nous étions fixés avec la stratégie de Lisbonne », admet le président pour lequel « la Loi de programmation de la recherche marque donc un rattrapage et une avancée historique en allouant 25 milliards d’euros supplémentaires sur 10 ans à notre recherche ». En tout, ce seraient près de 50 milliards d’euros qui vont venir irriguer la recherche française dans les prochaines années.
Développer l’apprentissage dans le supérieur. C’est une phrase qui en a soulagé plus d’uns inquiets de voir si les moyens allaient suivre sa progression. En « améliorant » notre apprentissage, nous sommes « passés d’un résultat chronique entre 250 000 et 300 000 par an à plus de 700 000 à la fin de l’année dernière, en pleine année de crise », note le président qui entend bien « continuer, y compris au sein de notre enseignement supérieur, de développer massivement l’apprentissage, qui permet d’ailleurs de réduire la séparation qu’il peut parfois y avoir entre l’enseignement supérieur et le monde du travail ».
De véritables contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels. C’est une demande récurrente des universités, pour le président, « l’État devra passer avec les universités de véritables contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels, gages de clarté, d’efficacité, de performance ». Mais attention : alors, les universités ne « devront d’abord plus seulement garantir l’accueil des étudiants dans une formation, mais garantir l’orientation des jeunes vers l’emploi . L’université doit d’abord préparer nos jeunes à exercer leur futur métier. Elle doit leur donner des savoirs, des compétences qui ouvrent les portes de l’emploi, qu’il s’agisse de l’enseignement, de l’enseignement supérieur, de la recherche, mais d’emplois aussi industriels, technologiques, de service ou autres. En somme, elle doit devenir plus efficacement professionnalisante car on ne peut pas se satisfaire de l’échec de nos étudiants dans les premiers cycles, ni du taux de chômage trop élevé des jeunes qui sortent de certaines filières universitaires ».
Une orientation plus efficace. Pour qu’université rime avec emploi Emmanuel Macron estime que « nous devons aussi investir davantage là où les besoins de compétences actuels et futurs de notre pays sont les plus importants en assumant que la logique aussi de l’offre prenne le pas sur la logique de la demande ». Il s’agit pour le président de « penser en quelque sorte la gestion des compétences dont la nation a besoin à 5 ans, à 10 ans, et de penser l’ouverture des filières, de l’investissement dans l’enseignement supérieur à la lumière de cette gestion des talents et des compétences dont nous avons besoin ». Parce que « quand on ouvre des filières qui correspondent certes aux demandes d’inscription ou à la structure de notre offre éducative, mais qu’il n’y a pas derrière des perspectives, nous conduisons un investissement, en l’espèce, à perte, parce que nous formons pendant plusieurs années des jeunes qui n’auront pas de perspectives ».
Il faudra donc « ouvrir plus de places dans certaines filières, notamment des filières courtes et professionnalisantes en apprentissage ou en alternance, ne serait-ce que pour éviter que les titulaires de bac pro en soient refoulés et échouent parfois dans des filières générales, d’autant que ces filières offrent à bien des talents la possibilité de s’épanouir et à bien des ambitions d’excellence de se réaliser ».
La naissance des universités européennes. En septembre 2017, Emmanuel Macron proposait l’idée, qui paraissait « un peu folle » admet-il, de créer des universités européennes dont il est « extraordinairement fier au premier chef » de voir doublé l’objectif fixé, qui était d’en construire au moins une vingtaine d’ici 2024, puisque 41 alliances sont aujourd’hui constituées. Pour consolider ces avancées de la façon la plus concrète, il soutient totalement la création d’un diplôme européen.