« Ce que représentent et permettent les Universités, c’est la liberté de penser, la liberté de s’exprimer, la liberté d’agir, la liberté de débattre, la liberté de confronter des opinions, la liberté de recherche. » C’est ainsi que Christine Neau-Leduc, la présidente de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, introduit ainsi la finale du 5ème concours international d’éloquence de l’établissement qui a eu lieu le 23 mai dernier au Panthéon. Une anaphore inspirée qui réaffirme bien les valeurs des établissements supérieurs tout en donnant le ton d’une soirée placée sous le thème de la liberté.
La liberté à l’honneur
Quel meilleur endroit pour disserter de liberté que le Panthéon ? Dans un transept de la nécropole érigée aux grands Hommes, au-dessus des dernières demeures de Curie, Hugo et Voltaire, chacun des 8 finalistes put à son tour partager ses combats et sa vision de cette valeur phare de la devise française. Issus de toutes les filières de l’université, il leur incombait la lourde tâche de convaincre et persuader un jury composé de 8 membres et marrainé par Zabou Breitman, comédienne et réalisatrice, afin de remporter l’un des 4 prix en jeu.
Pour ce faire, le concours était divisé en deux temps ; les duels sur des thèmes prédéfinis laissant place aux éloges librement choisis. Chaque prise de parole est limitée à 5 minutes, chronomètre à l’appui. De Delacroix à Eluard en passant par la reine des neiges, les duels référencés se succédèrent : « La liberté guide-t-elle le peuple ? » « Suis-je né pour te connaître, liberté ? », « Libérée, délivrée ? », «La liberté peut-elle dépasser ses limites ? ».
L’éloquence dans tous ses états
La soirée mit la jeunesse à l’honneur. Sachant faire osciller la salle entre rire cristallin et introspection, parfois tout feu tout flammes mais le Verbe toujours haut et le mot juste, ils démontrèrent tous une maturité oratoire impressionnante qui fit, selon leur propre confession, pâlir certains membres du jury. L’une d’entre-eux, Noémie Ollivier, présidente de l’association étudiante d’éloquence Révolte-toi Sorbonne, confie « le niveau des candidats a énormément augmenté entre la demi et la finale » avant d’enchaîner « ce ne fut que du plaisir de faire partie du jury ».
Chaque duel vit en effet se succéder les styles, de Titouan Roig et son humour décapant qui nous narra ses problèmes de la veille, une douche bouchée qu’il libéra à coup de Destop et de ventouse dans une grande métaphore de la liberté trouvant toujours son chemin, à Hayat Mekki la voix chaude et posée remontant sous le dôme avant d’éclater dans un écho qui tint l’assemblée en haleine.
Mais si les styles d’éloquence varient, les personnalités semblent plus figées. D’après Noémie Ollivier, une constante : « les membres de l’éloquence sont souvent de grands timides qui cherchent à gagner en assurance, en sincérité, dans leur prise de parole face à autrui ». Elle estime par ailleurs que cet art oratoire permet aux membres de son association de construire leur pensée plus rapidement à l’oral, de verbaliser de manière plus fluide, de dompter l’adrénaline du moment avant de conclure, dans une comparaison plus qu’appropriée à la vue des performances, que « l’éloquence est comme un sport » !
« L’éloquence, c’est d’abord la sincérité »
Bien plus personnels, les éloges de la 2ème partie permirent aux finalistes de mettre à l’honneur un fragment d’eux, oscillant entre légèreté et sérieux. Et avec quelle emphase ! Ludovica Actis, Italienne à l’accent marqué sur les fameux « e » en fin de phrase, s’amusa ainsi à traiter de la relation des Italiens avec le retard avec un éloge des 5 minutes espiègle – dans un style rappelant furieusement Raymond Devos et Gainsbourg et le « rien » qui leur était cher. Cette performance joua des sens propres et figurés, mais aussi du débit de parole, afin de dilater le temps… en 5 minutes.
Dans un genre plus engagé, Hayat Mekki et Ryan Laloyer furent plébiscités par un public extatique en s’attaquant à l’intolérance envers les croyances religieuses ou aux orientations sexuelles, prônant ainsi la tolérance envers autrui devant un membre du jury qui en fit le combat de sa vie – Richard Malka, avocat renommé pour sa lutte aux côtés de Charlie Hebdo.
En décernant l’un des prix de la soirée, celui-ci rappela les mots de son regretté mentor George Kiejman, ancien ministre et avocat, qui lui rappelait sans cesse « l’éloquence, c’est d’abord la sincérité » Et lui de poursuivre « et en réalité, ce n’est rien d’autre que cela ». Ce mantra guida sûrement le choix du jury lors de la remise du Grand Prix Paris 1 Panthéon-Sorbonne à Ryan Laloyer par la marraine de cette édition, Zabou Breitman. Celle-ci justifia ce choix par « une façon de se faire entendre et faire entendre sa pensée » avant de conclure « il s’est passé quelque chose ce soir ».