José Milano et Mathias Emmerich ensemble pour présenter leur stratégie en 2021

Passage de relais au sein du groupe Omnes Education dont José Milano a été nommé président exécutif. Jusqu’ici directeur général, il succède à Mathias Emmerich, qui est nommé président du conseil de surveillance et y remplace Françoise Gri. Leur regard croisé sur le développement d’Omnes Education et de l’enseignement supérieur ces dernières années.

Olivier Rollot : C’est un passage de relais en douceur que vous effectuez cette semaine. Comment allez-vous travailler ensemble dans les années à venir ?

José Milano : Nous allons continuer à travailler ensemble avec le même plaisir que depuis deux ans et demi.

Mathias Emmerich : Dans cette gouvernance nouvelle je suis président non exécutif et José Milano prend les rênes. Je serai surtout à ses côtés pour préparer le changement d’actionnaire pour lequel nous n’avons pas encore de date. CINVEN Partners – avec BPI France – est actionnaire d’Omnes depuis 2019 et on estime généralement que les investissements des fonds de private equity durent entre cinq et six ans. Donc une échéance en 2024-25.

J. M : Avec la hausse des taux d’intérêt, le marché est actuellement atone mais de toute façon le changement d’actionnaire n’est pas d’actualité. Ce que nous souhaitons c’est que lorsque ça interviendra, cela se passe de façon neutre pour les équipes. Aujourd’hui nous ajustons l’équipe de direction pour gérer les pré-requis tout en maintenant la trajectoire.

M. E : Un changement d’actionnaire génère la publication de nombreux documents, la production de beaucoup de data, de rendez-vous qu’il faut pouvoir préparer tout en gardant les équipes mobilisées sur le business.

O. R : Quel bilan pouvez-vous tirer des quatre dernières années de votre groupe et de votre gouvernance ?

M. E : Nous avons réalisé une croissance aussi bien organique qu’externe avec l’achat de quatre écoles et l’ouverture de nouveaux campus. A la rentrée nous ouvrons un nouveau campus à Rennes puis Marseille en 2024, Toulouse et Lyon en 2025 après La Défense en 2022. Ainsi le groupe est beaucoup mieux structuré dans des campus de grande qualité. Si on ajoute à cela le l’adossement à une école digitale qui va innerver tous nos programmes et notre développement international nous pouvons dire que nous sommes assez fiers de ces années.

J. M : Le développement international qu’évoque Mathias Emmerich a fait passer la répartition de l’activité d’OMNES Education de 95% en France à 80%. Nos implantations à l’international sont également très importantes pour les étudiants français. Etre certain de pouvoir aller sur le campus anglophone d’EU business school à Barcelone c’est un atout pour l’Inseec Grande école ! Tout au long de leur scolarité nos étudiants peuvent ainsi se rendre sur plusieurs campus internationaux. De même le nombre d’étudiants internationaux a cru de 50% ces dernières années.

Quant à la dimension digitale c’est un autre virage très important qui nous permet aujourd’hui de délivrer davantage de formations hybrides.

O. R : On s’accorde volontiers à dire qu’Omnes Education a été particulièrement volontaire dans la mise en point de process efficaces à tous les niveaux.

J. M : Nous sommes effectivement aujourd’hui le groupe le plus avancé dans une logique de plateforme qui permet de réaliser des économies d’échelle tout en conservant des écoles à taille humaine. Réunir des compétences différentes nous replonge dans les origines d’une éducation fondée sur l’hybridation des disciplines.

M. E : Bâtir des campus sur lesquels sont implantées quatre, cinq ou même six marques différentes nous permet d’innover en réunissant des compétences très différentes. Cette unité de lieu est un vrai atout pour les étudiants de nos écoles.

O. R : Quel développement envisagez-vous pour les formations en apprentissage ? Est-on arrivé à un palier ?

M. E : Les apprentis représentent aujourd’hui la moitié de nos effectifs en France c’est-à-dire 40% du total de nos étudiants. Nous allons également chercher des moyens auprès des entreprises en plus de ceux des OPCO qui, au final, représentent ainsi 30% de nos financements. Pour l’avenir nous ne savons pas ce qui va se passer pour le maintien des aides aux entreprises au-delà de 2027. Pour autant nous sommes persuadés que le développement de l’apprentissage est un mouvement irréversible. Même si les grandes années de croissance sont sans doute derrière nous, il restera toujours beaucoup d’apprentis en France.

J. M : Il y a aujourd’hui une vraie appétence des étudiants et des entreprises pour l’apprentissage. Pour ces dernières c’est un processus de pré-recrutement très efficace. Mais s’il y a moins de primes pour elles cela impactera forcément le marché. Il est en tout cas très sain que la voie professionnelle soit aujourd’hui une voie à part entière. Il faut simplement encore renforcer son assurance qualité. Cela permet de faire baisser le chômage des jeunes et c’est crucial pour le pays même si nous sommes conscients que cela a un impact sur ses finances.

M. E : Le recours à l’apprentissage change le destin d’étudiants de catégories socio-professionnelles moins favorisées qui n’auraient pas sinon eu accès aux écoles de management. Il s’accompagne d’une vraie politique d’ouverture sociale.

O. R : Vous voyez déjà les effets de cette ouverture sociale dans vos écoles ?

J. M : Nous constatons déjà une hausse de trois points de cette ouverture mais nous attendons encore d’avoir des chiffres plus significatifs pour en parler. Cela rejoint en tout cas notre vocation de « construire des réussites » en donnant à tous la possibilité d’avoir accès gratuitement à des diplômes reconnus par l’État.

M. E : Si nous dispensons aujourd’hui des formations au BTS en apprentissage dès le bac c’est pour ouvrir des possibles à des étudiants qui pourront ainsi suivre cinq années de formation entièrement en apprentissage.

O. R : Un rapport commandé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche doit bientôt être publié sur l’enseignement supérieur privé lucratif. Qu’en attendez-vous ?

J. M : Je voudrais d’abord dire que la présomption irréfragable de la qualité des formations universitaires a ses limites. Le principe élément de qualité d’une formation c’est l’employabilité de ses diplômés. Bien au-delà des statuts !

M. E : Certaines universités affichent 80% d’échec en première année de droit c’est un problème !

J. M : Il y a de la place pour tous les acteurs de l’éducation, publics et privés de qualité. Sans le secteur privé, lucratif et non lucratif, il n’y aurait jamais eu une telle réussite de l’apprentissage.

O. R : Ce n’est pas vraiment votre rôle mais comment analysez-vous les émeutes qui viennent de se dérouler. Quel rôle doit jouer l’enseignement pour renverser ce sentiment de délaissement qu’ont trop de jeunes aujourd’hui ?

M. E : Beaucoup des jeunes qui ont été dans les rues expriment d’abord la frustration d’avoir le sentiment qu’ils n’auront pas accès à l’enseignement supérieur. Quand plus de 50% d’une génération y a accès le sentiment de laisser pour compte des autres est beaucoup plus fort que quand ils n’étaient que 20%.

J. M : Il y a encore 100 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans qualification. Nous avons collectivement permis cette mise à l’écart qui se traduit par de la violence. Un décrochage qui se produit très longtemps avant l’enseignement supérieur. Nous avons d’ailleurs un projet pour aller chercher des élèves dès avant le bac. Des élèves que nous n’aurions pas reçus il y a quelques années et vers lesquels nous allons avec une communication spécifique.