Implantée à Lyon, l’ESDES fait partie de ces bonnes écoles de commerce postbac dont on parle rarement mais dont on connaît le sérieux. Arrivé à sa tête il y a huit mois, Philippe Rivet entend bien faire que ça change et nous livre ses ambitions à l’horizon 2020. Lui-même ancien chef d’entreprise, il explique dans son livre, « Le management à l’aube d’une 3erévolution », comment la responsabilité sociale de l’entreprise sera au cœur du management de demain et la nécessité de former des managers-entrepreneurs responsables.
Olivier Rollot : Un nouveau campus, un nouveau statut, un nouveau directeur, il se passe beaucoup de choses en ce moment à l’ESDES !
Philippe Rivet : Nous sommes dans un processus d’autonomie forte au sein de l’Université catholique de Lyon (UCLy) dont nous souhaitons rester membres, à horizon fin 2015. Par ailleurs, avec toute l’UCLy, nous emménagerons à la rentrée 2015 dans un nouveau campus de 35 000 m2 au centre de Lyon.
O.R : Vous avez longtemps travaillé dans des écoles post prépa et avez notamment dirigé Télécom École de Management. Quelles grandes différences faites-vous avec une école postbac comme l’ESDES ?
P. R : Dans les écoles post prépas, il est devenu très difficile d’embrasser en seulement trois ans toutes les dimensions du management. Quant au débat sur la sélectivité, je constate qu’on peut être très sélectif dans une école postbac. Enfin sur la culture générale et les méthodes de travail, la différence n’est plus aussi flagrante notamment si les écoles concernées font partie de la CGE.
En revanche, nous recevons des étudiants qui ont peut-être une appétence plus forte pour l’entreprise et auxquels nous pouvons clairement dire qu’ils sont dans un programme grande école où ils vivront une montée en puissance régulière avec de nombreuses expériences professionnelles. De la même façon, la pédagogie postbac permet de faire évoluer des compétences des étudiants de la même façon que dans une école post prépa. Ils n’ont pas trop de cinq ans pour maturer au regard de la complexité du monde dans lequel ils vont travailler !
O.R: Une des caractéristiques de l’ESDES est sa faible offre de programmes en dehors de sa grande école. Comment votre plan stratégique, « Vision 2020 », va-t-il faire évoluer vos programmes ?
P. R : Il est normal qu’une grande école soit centrée sur son programme grande école. Néanmoins, nous devons nous diversifier notamment pour recevoir davantage d’étudiants étrangers. Notre plan stratégique prévoit ainsi que 50% de nos étudiants de master viendront de l’étranger dans six ans (ils sont aujourd’hui 25%) et que 100% de nos étudiants français partent a minima 2 semestres en échange académique pendant leur cursus. Tout cela en veillant à ce que 75% de nos étudiants aient un emploi avant l’obtention de leur diplôme et 95% moins de deux mois après leur sortie. L’employabilité est au cœur de notre projet, nous devons ce résultat à nos étudiants.
O.R: Il y a tout un débat en ce moment sur la place que doit occuper la recherche dans les business schools. Quelle doit-elle être à votre avis ?
P. R : On confond trop souvent la qualité de la recherche avec la production scientifique à grande échelle, alors qu’il faut d’abord réfléchir à la manière d’articuler recherche et pédagogie. Au sein de l’ESDES, nous avons entrepris d’aligner la mission de l’école, la pédagogie et le corps enseignant pour opérationnaliser notre recherche afin de servir l’employabilité de nos étudiants. Ce sera d’autant plus facile que nous avons des équipes à taille humaine et que nous nous focalisons sur des thèmes précis et porteurs.
O.R: Quels sont ces thèmes fondamentaux pour l’ESDES ?
P. R : Depuis sa création l’ESDES, s’est construite sur une vocation humaniste et sociale appliquée au management de l’entreprise ; son sigle signifie d’ailleurs « École supérieure pour le développement économique et social ». Nous voulons former des étudiants qui partagent nos convictions et se questionnent sur un système capitaliste dont les dérives sont dues à l’obsession court-termiste mais dont l’alternative altermondialiste n’est pas crédible non plus.
Il existe une autre voie qui est celle d’un capitalisme raisonné qui conduit à l’émergence d’une société responsable. Celle-ci ne naîtra pas de la volonté de l’État mais de la base des entreprises et tout particulièrement des ETI (entreprises de taille intermédiaire). Dans Le management à l’aube d’une 3e révolution, j’explique comment il faut réformer le management de l’entreprise. Cette réforme passe par la définition d’un modèle innovant de gouvernance durable qui permette à l’entreprise une performance totale, la seule à pouvoir effectivement contribuer à l’émergence d’une économie responsable. Cette performance totale s’appuie sur le développement de la notion de valeur partagée (cf Michael Porter).
O.R: Comment allez-vous mettre en œuvre cette vision dans l’école ?
P. R : Parce que le concept de « valeur partagée » est au cœur de son projet, notre présence au sein de l’Université catholique de Lyon est le premier garant de notre vision. Mais nous bénéficions aussi d’une faculté mixte de recherche qui se préoccupe aussi bien d’économie que de gestion. Nous sommes une des rares écoles de management à avoir une faculté structurée de la sorte. Cette approche des questions du management par des équipes de recherche mixtes d’économistes et de gestionnaires est une garantie de richesse et d’innovation en termes de volume et de qualité de publications. Cette année, nos 21 enseignants-chercheurs ont publié dans 21 publications et obtenu 31 étoiles CNRS.
O.R: Comment allez-vous apporter cette expertise aux entreprises ?
P. R : En 2016, nous allons proposer un indicateur macro-économique qui permettra à chaque entreprise de mesurer quelle distance il lui reste à parcourir pour avoir une « gouvernance durable ». Notre executive education sera au service des entreprises qui veulent faire évoluer leur business model dans ce sens.
O.R: La recherche est aussi importante pour obtenir les accréditations internationales et progresser dans les classements. Où en êtes-vous ?
P. R : Nous travaillons sur l’obtention de l’accréditation AMBA pour notre master dès 2015 puis AACSB dès 2016. À l’horizon 2020, nous visons le Top 20 des écoles de commerce, doublement accrédités et leaders en recherche sur le concept d’«Entreprendre & partager en responsabilité pour se développer durablement». Cette posture implique d’envisager ce que j’appelle « la 3e révolution du management ».