Reprise en 1995 par 260 anciens de l’école emmenés par Alain-Dominique Perrin, alors PDG de Cartier, EDC Paris s’est depuis taillée une réputation d’école de l’entrepreneuriat. Nommé directeur général de l’école il y a un an, Jean-Marcel Jammet, nous explique la stratégie qu’il met en place.
Olivier Rollot : Vous créez cette année de nombreux nouveaux diplômes, notamment des MBA. Pourquoi ?
Jean-Marcel Jammet : Nous lançons effectivement cette année neuf nouveaux MBA et MBA spécialisés dont quatre dispensés en anglais. Le développement et la stabilité d’une école de management doit aujourd’hui passer par d’autres programmes que le seul cursus Grande école. Nous recevons régulièrement des étudiants déjà diplômés qui veulent poursuivre leurs études et cherchent des programmes comme ces MBA. Je ne vais pas tous vous les citer mais, au-delà de l’entrepreneuriat qui est notre marque de fabrique et dans lequel nous aurons un « MBA in International Entrepreneurship » et un autre, en français, « Entreprendre dans le high tech », nous proposons par exemple un MBA « Marketing et innovation de service » ou encore en « Audit et contrôle de gestion ».
Ces MBA s’adressent à des étudiants comme à des cadres en activité de niveau bac+3/4/5 selon qu’ils intègrent le programme en première ou en deuxième année. Pour tous, nous avons cherché les spécialisations qui mènent à l’emploi et qui seront dispensées par des professionnels. En cela nous sommes bien dans les fondamentaux d’une ESC : aider les jeunes comme les plus âgés à rencontrer des professionnels à aller vers un métier. C’est un peu différent de ce qu’est la grande école qui mêle l’apprentissage des métiers, l’académique et la recherche.
O. R : Vous lancez également un bachelor dans le luxe. Un domaine très recherché aujourd’hui dans lequel vous possédez déjà des formations de niveau MBA très renommées avec Sup de Luxe.
J-M. J: Ce Bachelor Luxe – les métiers du commerce – est le fruit d’un constat que nous avons fait avec notre président, Alain Dominique Perrin, et le directeur de Sup de Luxe, Thibaut de la Rivière, du besoin que rencontraient aujourd’hui les grandes firmes du secteur du luxe de recruter des cadres moyens pour gérer leurs magasins ou leurs « corners » dans les grands magasins.
Avec Sup de Luxe, qui est véritablement la « Rolls » des formations du luxe depuis 25 ans, reconnue par toutes les grandes enseignes, nous créons donc ce bachelor qui devrait recevoir cette année entre 20 et 25 étudiants. Dès la première année ils apprendront le marketing du luxe, effectueront des stages, des missions, avec l’objectif d’aller sur le marché du travail dès l’obtention de leur bachelor. S’ils veulent ensuite effectuer un MBA ce sera mieux qu’ils le fassent après voir déjà travaillé quelques années.
O. R : La concurrence est quand même rude sur ce secteur. Pourquoi avoir attendu autant pour créer ce bachelor quand d’autres vous ont grillé la politesse ?
J-M J. : Nous ne serons jamais une multinationale qui forme 10 000 étudiants. Nous nous situons plutôt du côté de l’artisanat que de l’usine. Avec Sup de Luxe, nous avons, depuis 25 ans, les contacts, la confiance et la reconnaissance des marques et maisons, la légitimité et la volonté de former des jeunes qui trouveront un emploi.
Aujourd’hui on a besoin de vendeurs capables de comprendre que l’univers du luxe ne se réduit pas au passage en caisse, qu’il faut aussi être formé à l’interculturalité et posséder une bonne culture générale. Le Bachelor de Sup de Luxe est l’unique formation aux métiers du commerce à bénéficier d’un tel réseau et environnement professionnel.
O. R : La grande école reste le programme majeur en France. La concurrence est croissante et très forte. Comment se présente cette année ?
J-M. J : Oui en effet, après leur bac, les candidats ont le choix entre de nombreuses formations et pas seulement en écoles de commerce. Les admissions parallèles ont d’ailleurs le vent en poupe, après un premier cycle de formation universitaire ou des formations comme les BTS. Cette année, les indicateurs sont plutôt positifs. EDC Paris a bien progressé dans les classements, nous avons plus de candidats au concours, mais il faudra attendre septembre prochain pour faire un point définitif.
Ce que nous voulons pour le programme grande école c’est affirmer notre proximité des entreprises et former des jeunes capables d’évoluer sur trois siècles. Songez, c’est une première dans l’histoire de l’humanité, que beaucoup des étudiants que nous formons aujourd’hui vivront dans trois siècles successifs. Ils vont de surcroît travailler au moins 50 ans et nous ignorons comment on travaillera en 2050, a fortiori en 2070. Nous devons leur donner les outils pour s’adapter à un avenir long avec d’énormes évolutions. Pour cela nous devons leur donner une clé à molette, qui s’ajuste, plutôt qu’une unique clé de 12, qui ne s’adapte qu’aux boulons de 12 !
O. R : La recherche académique est très importante aujourd’hui dans les écoles de management. Où vous situez-vous ?
J-M. J : Notre niveau académique et de recherche est en forte hausse grâce notamment au soutien de notre président du conseil scientifique, Jean-Pierre Helfer, qui dirige également l’IAE de Paris. Avec lui nous avons recruté de nombreux professeurs « publiants » et nous arrivons peu à peu à amener notre recherche à maturité, en accompagnant les enseignants déjà en place.
O. R : Une de vos forces c’est surement votre réseau d’anciens ?
J-M. J : EDC Paris a 65 ans et 14 000 anciens très investis, extrêmement solidaires. Ils sont très importants pour faire vivre et perpétuer l’aventure EDC. Ils nous accompagnent dans le recrutement et la formation de nos promotions. Ils les prennent en stage, en mission et les recrutent à la sortie. Leur présence aux quatre coins du monde, dans tous les secteurs d’activité offrent aux étudiants de belles et de nombreuses opportunités.
O. R : Ils soutiennent également vos parcours de création d’entreprise.
J-M. J : Nous avons tout un réseau d’entrepreneurs et « d’intrapreneurs » – des innovateurs dans leur entreprise – qui travaillent avec nous pour aider nos étudiants à acquérir le savoir être et le savoir-faire nécessaires à l’innovation. Dès son origine EDC Paris a été la première école à créer un parcours d’étudiant entrepreneur qui permet d’accompagner les créateurs de leur première à leur dernière année avec des aides, du coaching mais aussi un soutien moral. Nos anciens sont aussi des business angels qui ont fondé EDC Capital, une structure qui peut délivrer jusqu’à un million d’euros d’aides à des projets étudiants dans dix start up chaque année.
O. R : Une question plus technique : un nouveau statut vient d’être institué pour les établissements d’enseignement supérieur qui le souhaitent, celui d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig). Pensez-vous l’adopter ?
J-M. J: Ce n’est pas à l’ordre du jour : nous sommes autonomes et ne coutons rien aux contribuables avec des actionnaires qui ne confondent pas rentabilité et profit et préfèrent réinvestir le résultat. Ces actionnaires sont des anciens – plus de 200 – réunis autour d’Alain Dominique Perrin et qui nous garantissent une vraie indépendance dans une école qui n’est adossée à aucun fonds d’investissement.