C’est l’un des défis auxquels sont confrontés tous ceux qui enseignent aujourd’hui : comment garder concentrés des étudiants qui ne pensent qu’à s’échapper sur leurs écrans et n’en sont pas moins persuadés de pouvoir apprendre en même temps. « Toutes les études sur le sujet sont pourtant formelles : on ne peut pas apprendre et faire autre chose en même temps car cela mobilise des parties du cerveau trop différentes », commente Stéphane Justeau, professeur à l’Essca BS où il dirige l’Institut de pédagogie et de soutien à l’enseignement.
« L’entraînement attentionnel ». Mise au point dès les années 70 aux États-Unis, la méthode dite de « l’entrainement attentionnel » est aujourd’hui utilisée, et enseignée aux étudiants de médecine, dans les universités de Pennsylvanie, à UCLA mais aussi à Oxford ou Edinburgh. Elle est également citée dans notre « Vidal » (la « Bible » des médecins) pour répondre aux syndromes d’anxiété, stress, etc. C’est à elle que Stéphane Justeau recourt : « Il s’agit en fait d’un « protocole de méditation pleine conscience » que j’ai commencé à faire tester à mes étudiants au début et à la fin de mes cours de macro-économie. Un peu surpris au départ ils sont vite devenus demandeurs ».
Dans leur article de référence sur le sujet, Toward the integration of meditation in higher education: a review of research, les professeurs américains Shapiro, Brown et Austin montrent ainsi que les « méditants » ont « une capacité accrue à porter leur attention de façon volontaire et focalisée sur un objet spécifique ». De plus la méditation permet de mieux gérer ses émotions. « La méditation permet de prendre conscience de la situation problématique ainsi que des sentiments déclenchés, mais sans spécifiquement se focaliser dessus », établissent encore les trois auteurs américains.
L’entrainement de l’attention et de la concentration. Les exercices que Stéphane Justeau propose de réaliser aux étudiants de l’Essca sont conçus pour « muscler » cette attention très bien illustrée par la vidéo dite du « gorille invisible » du professeur Daniel Simons. 90% des personnes qui la regardent ne voient que des joueurs de basket alors qu’un gorille passe entre eux. « L’attention est comme une couverture trop courte, elle ne peut pas être partout ! », résume Stéphane Justeau qui rappelle que « la méditation ne comporte pas de dimension religieuse et recouvre des pratiques variées mais visant un même but : l’entrainement de l’attention et de la concentration ».
Pendant environ 8 minutes les étudiants apprennent à se concentrer sur l’instant présent, à oublier le passé et le futur, en se focalisant par exemple sur sa respiration. Un exercice plus complexe qu’il n’y parait. Rapidement les réflexes mentaux réapparaissent et les pensées reviennent, se bousculent parfois (le coup de téléphone à donner, les rendez-vous à planifier, les tâches à programmer). « C’est normal. S’en rendre compte est déjà un grand pas. Il s’agit juste de constater tranquillement, sans se le reprocher, que l’on s’est éloigné de sa respiration puis d’y revenir doucement », commente Stéphane Justeau.
Le tout permet de réapprendre peu à peu à se concentrer en évacuant les pressions extérieures. « Il existe deux formes d’attention. La première est « réactionnelle », quand nous réagissons sans réfléchir à une explosion, un téléphone qui vibre, une lumière qui s’allume. Elle génère une réaction non attentionnelle utile mais aujourd’hui exagérément sollicitée alors que c’est l’attention « décisionnelle » qui doit être mobilisée pendant un apprentissage », conclut Stéphane Justeau.