La gouvernance et le financement de l’apprentissage ont été au cœur de débats enflammés entre les régions et les branches professionnelles. Le 9 février le gouvernement a largement penché du côté de ces dernières qui s’envoient confier la responsabilité. Pour simplifier le système une « contribution alternance » (comprenant également la contribution aux contrats de professionnalisation) va remplacer les actuelles taxe d’apprentissage comme la part professionnalisation de la cotisation 1% formation. En tout on parle de 0,85% de la masse salariale (soit 4 milliards d’euros chaque année) mais les partenaires sociaux doivent maintenant en discuter. Lot de consolation, les régions obtiennent une dotation de 250 millions d’euros par an sur la contribution unique (et 180 millions d’euros issus de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).
Un vainqueur : les branches professionnelles. Un vaincu : les régions. Un rescapé : l’enseignement supérieur dont les établissements peuvent se féliciter de voir le « barème » (ou « hors quota ») non seulement maintenu mais extrait de la taxe d’apprentissage en devenant une « contribution au développement des formations professionnalisantes ». On ne les accusera donc plus à tout bout de champ de détourner l’argent de l’apprentissage à leur bénéfice. De plus l’affectation de cette nouvelle taxe sera toujours laissée au libre arbitrage des entreprises. « C’est un véritable soulagement pour les écoles à l’issue d’une longue période d’incertitude sur le devenir du barème. Supprimer cette ressource aurait eu un effet dévastateur », se réjouit Anne-Lucie Wack, la présidente de la Conférence des grandes écoles. Reste à savoir si le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur sera préservé. Les commentaires critiques de la ministre du Travail ces dernières semaines– « l’apprentissage dans l’enseignement supérieur ne doit pas cannibaliser l’ensemble des financements » – restent d’actualité alors que les contours des financements des contrats restent flous. Il semble d’ailleurs que le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation puisse en être conjointement responsable avec les branches pour éviter que ces dernières ne favorisent pas que les formations infra bac et propres à leur seule activité.
Alors que le Medef se réjouit de voir adopté « un plan pragmatique, ambitieux, crédible qui clarifie les responsabilités des acteurs », « Le compte n’y est pas », affirme au contraire François Bonneau, président délégué de Régions de France à la sortie de la réunion du 9 février où le Premier ministre a rendu ses arbitrages. Ce que la ministre du Travail, Muriel Pénicaud réfute en expliquant dans Ouest France : « Nous ne souffrons pas d’un problème d’argent, mais d’un problème d’efficacité de l’argent. Le financement de l’apprentissage est si complexe qu’une partie de la taxe d’apprentissage n’est pas utilisée dans certaines régions ou branches ».
En compensation du transfert du pilotage de l’apprentissage aux branches professionnelles les régions n’ont obtenu que de se voir confier l’élaboration d’un « schéma régional de l’alternance » (mais sans le « droit de véto » qu’elles revendiquaient), la distribution d’une aide unique fléchée sur les TPE-PME et l’orientation des futurs apprentis. Reste enfin à préciser la place des chambres de commerce et d’industrie qui s’inquiètent de la « possible suppression de l’obligation d’enregistrement du contrat d’apprentissage » qui leur incombait et demandent une place « aux côtés des branches professionnelles et des régions dans la gouvernance et à l’élaboration du financement de l’apprentissage ».
Ce qui change spécifiquement pour l’éducation. Au-delà des financements, la victoire la plus symbolique du Medef et d’obtenir que les branches professionnelles soient désormais investies de l’écriture des « référentiels d’activité et de compétences des diplômes », au côté de l’État, n s’appuyant sur leurs Observatoires prospectifs des métiers et des qualifications (OPMQ). Une véritable révolution demandée depuis longtemps qui ne va pas manquer de provoquer des débats enflammés au sein des ministères concernés…
La montée en puissance de « campus des métiers » (rassemblant lycées professionnels, CFA, une partie de l’université, des incubateurs d’entreprises, des terrains de sport, des internats…) est également programmée. « Des lieux qui font envie aux jeunes car ils seraient comme des « Harvard professionnels » », commente Jean-Michel Blanquer dans Ouest France. Ce qui permet à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation d’envisager la création de « contrats qui puissent être à cheval entre le cycle lycée et le cycle licence ». Et répond également à la volonté du ministère de l’Education de ne pas laisser le champ libre à l’ouverture de CFA qui viendraient ponctionner les effectifs de ses lycées professionnels. Mais rien n’est encore terminé : les partenaires sociaux se sont réunis le 14 février pour préciser les différents points.
Dans le détail la réforme que propose le gouvernement prévoit :
- le financement de l’apprentissage au contrat (comme c’était déjà le cas pour les contrats de professionnalisation) ;
- la fixation d’un coût moyen de chaque formation par les branches professionnelles (sans doute de concert avec le MESRI pour l’enseignement supérieur) ;
- un système de péréquation interprofessionnelle garantissant à toutes les entreprises accueillant un apprenti – y compris celles dont les branches professionnelles n’en ont pas les moyens – que le contrat sera bien financé ;
- la possibilité d’une embauche d’apprentis tout au long de l’année ;
- un contrat dont la durée pourra être adaptée en accord avec l’apprenti, l’entreprise et le directeur du CFA ;
- la suppression du passage obligatoire et préalable devant les prud’hommes pour rompre un contrat d’apprentissage après 45 jours (un quart des contrats sont aujourd’hui concernés à tous les niveaux, largement plus avant le bac) ;
- une aide unique fléchée vers les TPE et PME de moins de 250 salariés qui remplacera les trois aides à l’embauche et le crédit d’impôt actuellement en place ;
- des réglementations liées au temps de travail et aux horaires qui pourront être assouplies par des accords de branche ;
- la certification des CFA qui pourront ouvrir sans autorisation préalable ;
- la certification des maîtres d’apprentissage (par une formation ou en VAE) ;
- les apprentis majeurs se verront attribuer 500 € pour passer leur permis de conduire ;
- la rémunération des 16-20 ans en apprentissage sera revalorisée (en moyenne de 30 € nets par mois).
Le volet communication / orientation est également importante et des journées annuelles d’information sur les métiers et les filières seront organisées dans les collèges et lycées. Chaque CFA devra par ailleurs indiquer précisément quelles sont les statistiques d’embauche et de réussite aux examens de chacune de ses filières.
Ce dont les partenaires sociaux doivent encore discuter. Les partenaires sociaux discutent maintenant de tous les sujets et en particulier du montant de la masse salariale consacré à l’alternance. On parle aujourd’hui d’une contribution de 0,85 % dont un quart à un cinquième serait dédié à la prise en charge des contrats dans des secteurs d’activité, recourant massivement à l’alternance sans disposer pour autant des ressources financières nécessaires, (artisanat, le commerce de proximité, hôtellerie-restauration, etc.).
- Cette réforme sera l’un des trois volets du projet de loi sur l’apprentissage, la formation professionnelle et l’assurance chômage qui sera présenté au conseil des ministres mi-avril et en débat au Parlement avant le mois d’août.