La première phase de Parcoursup, celle de saisie des vœux, s’est achevée le 13 mars. Les futurs bacheliers ont maintenant jusqu’au 31 mars pour finaliser leur dossier et confirmer leurs vœux. C’est là que les établissements d’enseignement supérieur vont pouvoir s’en emparer et donner leurs réponses du 22 mai au 21 septembre. Des semaines compliquées s’annoncent pour tous comme le résume le président de l’université Paris-Descartes, Frédéric Dardel, dans un entretien aux Echos : « Je suis un peu dans la position du gars, sur la plage, qui sait qu’il va prendre la grosse vague dans la figure et qui ne sait pas comment ça va le bousculer »…
De bons résultats. 887 681 candidats inscrits ont formulé au moins un vœu pour cette session 2018, dont 666 002 en terminale, 122 620 étudiants en réorientation, et 99 059 candidats dans une autre situation (non scolarisés, candidats inscrits à l’étranger…), soit une hausse de 5,23% par rapport à 2017. Au total, ce sont un peu plus de 7 millions de vœux qui ont été enregistrés, soit une hausse de 6,8 % par rapport à 2017. Le nombre moyen de vœux par candidat s’établit à 7,9 vœux par candidat.
Un vrai soulagement pour les ministères en charge alors qu’une « note d’alerte » avait adressée le 2 mars par l’académie de Créteil aux professeurs principaux de terminale. Selon Le Monde elle rapportait que plus d’un élève sur deux n’avait encore coché aucun des dix vœux possibles dans la nouvelle procédure d’orientation. Ce même document expliquait que, dans la voie professionnelle, c’étaient même les trois quarts des élèves qui n’avaient pas encore formulé de vœux à la fin février.En cause notamment l’obligation d’écrire des lettres de motivation pour chaque filière demandée. De même le nombre de choix possible peut être anxiogène. S’il est en théorie limité à dix, il est en réalité très élevé dès lors qu’une filière vaut un choix : on n’utilise qu’un vœu en demandant toutes les licences STAPS de sa région ou 20 lycées différents pour un seul choix de classe préparatoire MP-SI ou BCPST.
Le Conseil constitutionnel a entériné la loi. Il y a quasiment un an, Emmanuel Macron annonçait vouloir « donner la liberté de recruter aux université » (relire l’article du Monde). Un an après c’est dans son bureau de l’Élysée, en compagnie de Frédérique Vidal et Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, qu’il a pu promulguer une loi dument approuvée par le Conseil constitutionnel. Un délai ultra court qui en désole plus d’uns et au premier chef Patrick Hetzel qui, alors directeur de l’enseignement supérieur au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a fait partie de ceux qui ont assuré le développement d’admission-postbac : « Je garde un goût amer de la façon dont on a utilisé un problème réel, le tirage au sort, pour légiférer dans la précipitation. S’il s’agissait seulement de résoudre le problème du tirage au sort la publication d’un décret provisoire aurait suffi pour la prochaine rentrée ».
Si le ministère a critiqué vertement admission-postbac, il n’a pas pour autant pris le risque – il est vrai insensé – de tenter d’en reconstruire un nouveau. « Parcoursup a conservé le « moteur » d’APB ce qui permet à nos équipes de retrouver leurs automatismes. Les élèves et parents qui y ont déjà eu recours retrouveront l’ergonomie d’APB, avec toujours de nombreux points d’amélioration possibles. Maintenant il reste des points techniques à valider pour rendre acceptable par tous l’utilisation de l’application », commente le président de la Conférence des présidents d’université et président de l’université Paris Est Marne La Vallée (UPEM), Gilles Roussel.
Comment les universités vont-elles s’organiser ? « Aucune université ne peut aujourd’hui indiquer comment va se dérouler la phase d’examen des dossiers », exprimait récemment le président de l’université de Strasbourg, Michel Deneken, qui entendait s’appuyer sur l’expertise de ses instituts universitaires de technologies (IUT), habitués à l’examen des dossiers et à l’utilisation d’outils d’aide à la décision. « Nous ne partons pas de rien, confirme Gilles Roussel. Nos composantes doivent maintenant s’approprier les critères pour faire réussir le plus d’étudiants possibles. Selon les universités, les organisations sont différentes. A l’UPEM par exemple, nous avons demandé aux responsables des différents niveaux de formation de se réunir pour définir ensemble quel type de public ils veulent accueillir à l’entrée en licence comme en master. » Dans un rapport l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) souligne les difficultés « philosophiques » (opposition ou réserve à l’idée d’examiner et de classer les candidatures) ou techniques (les procédures ne sont pas formalisées).
Les universités espèrent surtout que la plupart des dossiers seront relativement faciles à traiter. Mais le temps risque d’être long pour juger les dossiers de candidats qui veulent intégrer des filières pour lesquelles ils montrent des faiblesses. « Si un futur bachelier veut absolument s’inscrire en licence d’anglais alors qu’il a de mauvais résultats dans cette langue, il va bien falloir qu’il passe par un temps de remédiation », commente la vice-présidente de la CPU, Fabienne Blaise. Et justement ces temps de remédiation, qui doivent être proposés paraissent aux étudiants dont les « attendus » ne sont pas suffisants, semblent encore loin d’être au point même si Fabienne Blaise s’en défend : « Il existe déjà dans les universités un certain nombre de dispositifs. Je pense en particulier au DAEU qui permet d’intégrer une université pour des personnes qui n’ont pas obtenu le bac et ont dépassé l’âge d’aller au lycée. Nous avons des MOOCs, des cours de remise à niveau, on ne part pas de rien ». Ce même rapport de l’IGAENR établit que, de toute façon, il n’y a pas de véritable tension sur la plupart des filières. Et donc guère besoin de ces périodes de remédiation…
Du côté des universités reste également à établir le rôle exact que jouera le recteur. Aura-t-il la primauté ou pas sur le président d’université pour imposer l’inscription d’un étudiant ? Au risque de remettre en cause l’autonomie des universités… « Il reste juste un petit flou quant au poids qu’aura le recteur pour nous imposer ou pas de recevoir encore plus d’étudiants », remarque Michel Deneken. Et quand c’est flou… « Par manque de courage politique la loi crée un conflit de droit entre les recteurs et les présidents d’université qui risque d’être résolue pas les tribunaux. Le gouvernement n’a pas su trancher entre revenir sur les principes d’autonomie ou ne rien demander aux recteurs. En tant que législateur je ne peux pas m’en satisfaire », attaque Patrick Hetzel.
Quels délais ? Si les points précédents ne concernent que les universités, tous ceux qui recrutent après le bac s’inquiètent des délais de décision que vont avoir les futurs bacheliers. Notamment en raison de l’abandon de la hiérarchisation des vœux. Un point qu’on particulièrement soulevé les proviseurs de lycées proposant des classes préparatoires comme Chantal Collet, proviseure du lycée Saint-Louis à Paris : « Les élèves auront sept jours pour répondre, positivement ou pas, à la proposition qu’on leur fait. Mais prenons l’exemple des lycées proposant les classes préparatoires les plus renommées. Disons les six plus demandés. Avec APB, et compte tenu du nombre de divisions, chacun de ces lycées permettait à environ 200 élèves de recevoir une réponse positive en MPSI. En tout 1200 élèves. Avec Parcoursup, lors de la toute première réponse, ils ne seront probablement qu’environ 500 voire moins, les tous meilleurs, à recevoir plusieurs réponses positives à leurs vœux. Dès le 501ème tous les autres vont être en liste d’attente. » Du point de vue des élèves, il valait mieux ne pas savoir si on était sur la liste principale ou sur la liste d’attente, tant qu’on est pris !
Un candidat accepté à la fois en MPSI et PCSI dans le même lycée va même occuper provisoirement deux places ! De très bons candidats vont devoir donc être rassurés le temps que ceux qui sont devant eux fassent leur choix. « Nous allons devoir inciter les élèves de terminale tout de suite acceptés à faire un choix rapide pour ne pas bloquer tous les autres. Par ailleurs, et puisque, dès qu’un candidat dit « oui », il libère une place, le processus sera continu avec des réponses chaque jour, ce qui va demander beaucoup d’attention de la part des candidats », remarque le proviseur de Louis-Le-Grand, Jean Bastianelli. Mais le risque c’est aussi que cette année, les élèves préfèrent accepter la première proposition que d’attendre un « oui » définitif, en particulier lorsqu’ils ont besoin de chercher un logement.
Des choix en cascade qui font craindre aux établissements de devoir attendre longtemps avant de connaître le nombre exact de leurs étudiants. « Comment les candidats vont-ils gérer leurs vœux ? Seront-ils en capacité de faire des choix en fonction d’un classement personnel a priori ? On peut imaginer qu’ils seront nombreux à hésiter et à retenir le plus longtemps possible le temps de la décision !. Et si vous multipliez cette indécision de nombreux candidats vous débouchez sur une incertitude collective qui risque d’amener les établissements à se prémunir par le surbooking », relève le président de l’Ugei (Union des grandes écoles indépendantes), Jean-Michel Nicolle. Ou encore que les choix seconds des uns bloquent les choix premiers des autres comme l’explique finement le blogueur et élu au conseil d’administration de l’université de Strasbourg Julien Gossa sur son blog en expliquant le destin d’Alice et Bob dans Parcoursup. Une jolie démonstration des biais méthodologiques qui risquent d’entraver le bon fonctionnement de Parcoursup.