C’est ce qu’on appelle un dialogue de sourd. D’un côté, lors de sa conférence de presse de rentrée en compagnie de Geneviève Fioraso, Najat Vallaud-Belkacem se félicite que « dans un budget contraint, l’enseignement supérieur et la recherche voit son budget préservé », de l’autre universités et grandes écoles tirent la sonnette d’alarme sur leurs moyens. Dans un entretien au Monde, Bernard Ramanantsoa, le directeur général HEC, estime ainsi qu’un « important investissement dans l’enseignement supérieur est essentiel si la France veut faire partie des pays qui produisent le savoir, et en tirent leur compétitivité ».
Sur les budgets des universités
La Conférence des présidents d’université (CPU) a été la première à tirer la sonnette d’alarme : « Les premiers éléments disponibles concernant le projet de loi de finance 2015 font apparaître des prévisions de dépenses obligatoires des établissements nettement supérieures aux perspectives de recettes nouvelles venant de l’État, l’écart minimum estimé étant de l’ordre de 200 millions d’euros ».
Un constat que fait très précisément le vice-président de Paris I en charge des moyens, Bernard Tallet, en présentant les comptes d’une université qu’il espère « équilibrés en 2014 » mais qui ont été fortement affectés ces dernières années d’abord par le passage au LMD (avec une augmentation du nombre de masters) puis par l’obligation de proposer 1500 heures de cours en licence : « Résultat, nous ne pouvons pas ouvrir tous les postes – 50 sur 65 ont été publiés cette année – et la situation des doctorants se tend de plus en plus ». De plus, son université ne peut plus investir et rogne sur les frais de rénovation tout en prélevant toujours plus dans les fonds de roulement. Un message que porte également Jean-Luc Vayssière pour l’UVSQ (lire plus bas).
Une situation qui devient intenable dans beaucoup d’universités au point que la CPU « alerte solennellement le gouvernement sur le risque réel de décrochage du système français d’enseignement supérieur et de recherche par rapport à ses homologues européens et internationaux ». Ce à quoi Geneviève Fioraso répond qu’un « effort sera fait début octobre pour répondre aux revendications des présidents d’université » et qu’il est « de bonne guerre de demander 200 millions d’euros pour avoir un peu moins » et que « les mêmes montants reviennent sensiblement chaque année ». Quant aux postes non affecté, elle balaye l’argument en rappelant que « ça a toujours été le cas par prudence».
Sur les ressources tirées de la taxe d’apprentissage
Dans un entretien à EducPros, président de la Conférence des Grandes écoles Philippe Jamet estime que la baisse du barème de la taxe professionnelle « ampute l’ensemble des établissements, lycées, écoles et universités de 50 millions d’euros environ pour leur fonctionnement » alors que cette part représente 5 à 10% du budget de grandes écoles déjà bien touchées dans leur santé financière. « Depuis au moins cinq ans on optimise les budgets, on racle de tous côtés, là on commence à toucher le cœur… », s’exclame-t-il, d’autant plus inquiet que les niveaux inférieurs à la licence sont clairement favorisés dans la nouvelle répartition de versement de la taxe. C’est ce qu’il appelle une « double peine ».
Du côté des universités « on craint une érosion d’un quart à la moitié des sommes versées », assure Alain Fayolle, vice-président Formation tout au long de la vie à l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne. Seuls les établissements ayant beaucoup développé l’apprentissage, comme l’université Marne-la-Vallée ou l’Essec par exemple, espèrent tirer leur épingle du jeu avec une hausse des sommes affectées directement à l’apprentissage. Mais tout cela n’empêche pas Geneviève Fioraso d’imaginer qu’on passera à 200.000 étudiants en apprentissage dans le supérieur d’ici 10 ans (et 150.000 d’ici 5 ans) contre 120.000 aujourd’hui.
Sur les Comue
Là aussi les « lanceurs d’alerte » sont nombreux mais le ministère sûr de lui. « Nous avons donné la liberté aux acteurs de se réunir et il est normal qu’il y ait des ratés. Mais un ou deux sur 25 [Hesam, lire ci-dessous] cela reste très peu », considère ainsi la secrétaire d’État, de toute façon maintenant essentiellement orientée vers les dossiers de réussite pour tous avec la « nécessaire démocratisation de l’accès aux études supérieures ». Sans nul doute le dossier sur lequel seront de plus en plus jugés les grands acteurs de l’enseignement supérieur par le gouvernement dans les années à venir.