EMPLOI / SOCIETE

Apprenons et travaillons autrement ! : ce que disent les jeunes

La quête de sens chez les jeunes selon le Baromètre Talents 2023 Skema EY

Les écoles de management sont en pleine interrogation sur les attentes de leurs diplômés, mais aussi des professionnels en activité, vis-à-vis de l’entreprise comme de leur environnement en formation. Le Newgen Talent Centre, le centre d’expertise de l’Edhec, publie ainsi une étude Du campus au bureau : comment les newgen veulent apprendre et travailler consacrée aux aspirations et comportements professionnels des nouvelles générations. SKEMA et EY nous livrent quant à eux les résultats de leur premier Baromètre Talents sur les attentes des jeunes vis-à-vis de l’entreprise. Une autre enquête, plus large dans son public, celle d’Audencia et Jobs That Make Sense, plateforme d’offres d’emploi à impact, est parue en mars 2022 pour Mieux comprendre la quête de sens au travail.

Le présentiel plébiscité. Selon l’étude de l’Edhec le campus et le bureau sont « plus que jamais devenus les vecteurs des valeurs, de l’attachement et de la fidélisation des nouvelles générations ». Le présentiel est aujourd’hui indispensable pour « tout ce qui n’est pas écrit dans l’agenda » notamment les échanges informels, sources de créativité, d’innovations mais aussi de résolution de problèmes. Pour près de la moitié des étudiants interrogés par Skema et EY, le télétravail n’est « pas adapté pour un premier emploi » (54%). Selon eux, le nombre de jours de télétravail idéal ne devrait pas excéder deux jours (1,7 jours en moyenne). 20% des étudiants ne veulent avoir aucun jour en télétravail.

Priorité au présentiel selon le Newgen Talent Centre de l’Edhec

Le présentiel sur le campus est également vu comme au bureau est un « accélérateur d’expériences, un catalyseur d’efficacité », analyse l’Edhec. Ainsi le campus permet de se former et de s’engager pour ses convictions grâce à la vie associative. Mais on attend aussi des bureaux qu’ils soient vecteurs de développement personnel pour les collaborateurs et leur permettent d’avoir un impact sociétal. « Sans campus, pas de souvenirs d’une expérience partagée, pas d’esprit de corps, de fierté de son parcours. Et de même sans l’ambiance et le collectif vécu au bureau, il ne peut y avoir d’attachement à l’entreprise, de fidélité ni d’engagement fort », établit Manuelle Malot, la directrice de l’Edhec NewGen Talent Centre.

Dans leur vie professionnelle les jeunes ne souhaitent pas la disparition des bureaux mais ils plaident pour des lieux de travail qui « incarnent l’identité de l’entreprise, accessibles à volonté, facilitant le dialogue et avec des espaces hybrides pour des activités extra professionnelles », reprend Manuelle Malot. Qu’il s’agisse d’apprendre ou de travailler, les jeunes veulent « vivre une aventure collective ». Le campus idéal, lieu de vie et de rencontres autant que d’apprentissages « préfigure le nouveau rôle du bureau, véhicule du développement personnel et du lien social ».

Donnez du sens ! La crise du Covid-19 a ravivé la quête de sens professionnel. À tel point qu’aujourd’hui, selon l’enquête menée par la chaire Impact Positif d’Audencia avec le site Jobs That Make Sense. c’est une vraie préoccupation pour 92% des actifs. 4 actifs sur 10 envisageraient ainsi de quitter leur emploi actuel au cours des deux prochaines années pour un emploi qui « aurait plus de sens ». 81% des répondants citent « le besoin de cohérence avec leurs valeurs et convictions personnelles »comme le principal élément déclencheur de leur quête de sens.

Ce qui donne du sens au travail selon l’étude d’Audencia et Jobs That Make Sense

Dans ce contexte la prise de conscience de l’urgence écologique ou sociétale est un curseur important : pour 57% des répondants ce qui est déterminant dans la quête de sens c’est la volonté de « contribuer aux enjeux de la transition écologique et/ou sociale ». Selon l’étude de l’Edhec, un étudiants sur deux souhaite l’enseignement systématique des thématiques liées aux grands enjeux du monde dans le contenu de chaque cours  (et même 60% des femmes).

Pouvoir concilier vie professionnelle – vie personnelle (37% des réponses) et partager les mêmes valeurs que son organisation (32%) sont également générateurs de sens dans la sphère professionnelle relève l’étude d’Audencia. Ces deux éléments sont bien plus importants que le niveau de rémunération : seul 1 répondant sur 10 déclare que mieux gagner sa vie donnerait du sens à son travail.

Toujours selon l’étude d’Audencia, le choix de l’emploi actuel dépendrait même « plus du sens du métier que de l’organisation ». 62% des répondants de l’enquête jugent en effet qu’il n’est pas « nécessaire de changer de structure pour trouver du sens ». En effet, ils sont 58% à considérer que le sens « dépend plutôt du métier exercé ». Pour autant, 45% pensent que le sens au travail ne peut se trouver que dans des organisations engagées (impact positif / RSE, ESS, association).

 

Pour fidéliser leurs collaborateurs et attirer de nouveaux candidats, les entreprises et organisations ont donc tout intérêt à s’engager dans une démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). En effet, 58% des répondants affirment que les entreprises ou organisations ayant un impact positif sur la société et/ou la planète sont celles qui « donnent davantage de sens au travail ». Ce critère est d’autant plus important pour les 18-24 ans (65%). Selon l’étude de l’Edhec ce sont ainsi 73% des jeunes qui jugent important de « bénéficier d’heures sur leur temps de travail pour s’occuper d’un projet à impact sociétal ».

Ce qu’attendent les jeunes de leur premier emploi selon le Baromètre Talents 2023 Skema EY

Selon le Baromètre Talents 2023 Skema EY quand les étudiants définissent un travail « qui a du sens », la majorité d’entre eux (61%) mentionnent spontanément un travail qui « conduit à se sentir motivé et stimulé par ses missions ». Un travail qui « permet de s’épanouir professionnellement » (54%), dans lequel « ils sont en accord avec leurs convictions » (52%), un travail « utile pour la société » (51%). Une quête de sens particulièrement forte chez les étudiantes françaises : la motivation et la stimulation par les missions sont associées à la définition d’un travail « qui a du sens » par 66% des étudiantes françaises (contre 55% des étudiants) pour 52% des étudiants internationaux.

Les engagements prioritaires sont liés au respect de l’éthique dans les activités économiques (82%), à l’égalité femmes-hommes (74%) ou encore à la réduction de l’impact sur l’environnement (71%).

Toujours selon cette étude, les étudiants sont optimistes quant à la possibilité de concilier un métier avec du sens et une rémunération élevée : 89% estiment que cela est possible. 75% estiment que l’on peut trouver un travail qui a du sens quel que soit le secteur, l’entreprise ou l’organisation.

Choix d’un emploi : ce qui fait la différence. Selon le Baromètre Talents 2023 Skema EY les critères prioritaires au moment de choisir une orientation professionnelle reposent d’une part sur le potentiel de carrière et d’apprentissage – les possibilités d’évolution de carrière est ainsi le premier critère jugé prioritaire par les répondants (80%), devant l’intérêt des missions et des tâches confiées (70%) – d’autre sur les valeurs de l’entreprise et sa raison d’être. Ces derniers critères sont tout aussi importants pour les étudiants de Skema lors du choix d’une orientation professionnelle (87% dont 49% déclarent que cela est prioritaire).

Par ailleurs les étudiants sont globalement confiants lorsqu’ils pensent à leur entrée dans le monde professionnel et à leur futur emploi (80%). Ils appréhendent moins leur avenir que les étudiants internationaux : 28% seulement sont anxieux en pensant à leur avenir, contre 35% des étudiants internationaux.

Vivre une aventure collective. Comme l’explique Manuelle Malot il n’est « plus question que le travail engendre souffrance ou stress, il doit être plaisir et passion, générer de la confiance, des compétences et des liens sociaux et surtout être utile à la société ». Les transformations managériales plébiscitées par les jeunes concernent un « management plus humain, un effort de collaboration et de cohésion, une révision de l’organisation de la hiérarchie, la mise en place du mode projet, l’adaptation des pratiques aux enjeux sociétaux, un travail plus flexible et plus libre pour favoriser la créativité, la capacité d’apprendre ainsi que la prise de responsabilités des collaborateurs ».
Les jeunes voient la vie associative sur les campus une « opportunité de développer d’autres compétences » que celles enseignées en cours, de s’engager en accord avec leurs convictions et de sociabiliser avec d’autres étudiants. Le campus est également vu comme le lieu des rencontres avec des professionnels en activité, des diplômés.

 

Les transformations managériales que souhaitent les jeunes selon le Newgen Talent Centre de l’Edhec

De nouveaux liens, un nouveau contrat social. 80% des étudiants interrogés par l’Edhec jugent important le travail en auto-management, « favorisant la responsabilisation des collaborateurs et l’autonomie totale dans leurs missions ». Le parallèle est d’ailleurs de plus en plus évident entre les rôles de l’enseignant et du manager. Que l’on apprenne ou que l’on travaille à distance, les modifications des temps et lieux de travail « impliquent de nouveaux liens, un nouveau contrat social, un nouveau management basé sur la confiance et l’autonomie ainsi que des pratiques managériales favorisant l’empowerment ».

Les professeurs comme les managers sont de moins en moins des figures d’autorité mais sont perçus comme des transmetteurs de compétences, de savoir-être et de savoir-penser, des « développeurs de confiance ».  Avec la dématérialisation de la relation, l’enseignant comme le manager ne peuvent plus être ceux qui surveillent (impossible à distance) mais ceux qui « veillent avec bienveillance ». Ils doivent à la fois faire confiance (indispensable à distance) et donner confiance. Ils ne sont « plus statut mais inspiration » analyse l’Edhec.

La quasi-totalité des étudiants interrogés dans le cadre du Baromètre Talents 2023 Skema jugent que leur épanouissement « passe par une conciliation harmonieuse entre vie professionnelle et vie personnelle » (96% dont 59% pour qui cette affirmation correspond très bien à leur opinion). Plus d’un tiers d’entre eux déclarent, que, même en début de carrière, il est « indispensable de préserver l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, quitte à progresser moins vite » (38%). A terme, ils sont 77% à estimer pouvoir refuser un poste ou le quitter si « l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle n’est pas respecté ».

Donnez-nous de la flexibilité ! Selon l’étude menée par Audencia, les entreprises doivent mettre l’accent sur une flexibilité du temps de travail pour 36% des répondants. C’est la troisième action prioritaire à mettre en place : un critère particulièrement cité par les 25-34 ans (44%), qui ont à cœur d’avoir un bon équilibre vie professionnelle – vie personnelle à un âge qui rime souvent avec la parentalité et la gestion d’enfants jeunes. Ce que confirme l’étude de l’Edhec dans laquelle 66% des jeunes disent vouloir des horaires de travail flexibles ou sont en faveur du travail asynchrone. « Cette demande d’ultra-flexibilité s’explique par un besoin très élevé d’individualisation dans le management et les pratiques de travail, ce qui s’avère au-delà d’un certain seuil un véritable paradoxe, l’entreprise étant par essence un collectif organisé », commente Sébastien Tran, directeur général du Pôle Léonard de Vinci, dans un article de The Conversation où il revient sur une étude de la Chaire NEXT portée par le cabinet de conseil Obea et l’École de management Léonard de Vinci (EMLV).

Selon les résultats de l’étude, 43% des étudiants interrogés citent spontanément le télétravail et la flexibilité lorsqu’ils pensent au futur du travail. Lorsque les étudiants ont été interrogés pour savoir l’évolution de différents items liés au travail entre 2022 et 2030, celui de la flexibilité est celui qui progresse le plus avec 15 points. Mais voilà s’inquiète Sébastien Tran, « à partir du moment où les futurs diplômés demandent une adaptation très fine du cadre de travail, des règles de fonctionnement et du contenu des missions, on peut aboutir à une désorganisation et des tensions, sans compter les problématiques de management intergénérationnel, notamment au sein des entreprises de taille importante ». A méditer…

  • Mené en septembre 2022 parOpinionWay, le Baromètre Talents 2023 Skema EY donne la parole à 1400 étudiants français et internationaux entre 21 et 25 ansafin de « comprendre leur état d’esprit vis-à-vis de leur avenir, leurs attentes en matière de premieremploi, de sens au travail et leur perception des conditions de travail. Il met également en lumièreleurs aspirations en matière de Responsabilité Sociale des Entreprises ».
  • L’enquête d’Audencia et Jobs That Make Sense a été réalisée via un questionnaire en ligne administré en décembre 2021, via le site les réseaux sociaux d’Audencia et le site.965 personnes y ont répondu : 93% d’actifs (salariés, entrepreneurs ou en recherche d’emploi) et 7% d’étudiants. Au printemps 2022, une dizaine d’entretiens semi-directifs ont été organisés auprès de répondants au questionnaire.
  • L’étude du NewGen Talent de l’Edhec a été réalisée sur la base des résultats de deuxenquêtes (3481 et 2616 répondants) menées en mai et juin 2022 auprès d’étudiants de grandes écoles de management.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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