POLITIQUE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Comment enseigner le changement climatique dans l’enseignement supérieur ? : 1. Etat des lieux

Audencia est aujourd’hui en pointe sur les questions de responsabilité sociale et environnementale

Marqué par les catastrophes climatiques, l’été 2021 sera-t-il celui de la prise de conscience ? Elle est en tout cas claire chez les jeunes dont, selon une étude menée par des chercheurs d’universités britanniques, américaines et finlandaise et financée par l’ONG Avaa, les trois quarts jugent le futur « effrayant ». 56% estiment même que « l’humanité est condamnée », 52% que la sécurité de leur famille « sera menacée » et 39% hésitent à avoir des enfants. Plus de la moitié des sondés déclarent se sentir « apeurés, tristes, anxieux, en colère, sans défense ou coupables » et moins de 30% se sentent optimistes résume Le Monde.

C’est notamment pour répondre à leurs craintes qu’en ce début d’année universitaire les initiatives destinées à enseigner les défis du changement climatique se multiplient. Alors que les Fresques du Climat se multiplient des projets plus aboutis émergent, comme Gaïa à Audencia. De leur côté des grands acteurs de la recherche, tel Grenoble INP, se mettent en ordre de marche pour adapter leur stratégie aux grands enjeux de la transition énergétique. Avec comme moteur des étudiants mobilisés pour donner du sens à leur vie.

  • Nous vous proposerons la suite de ce dossier dans le 27 septembre.

Des études pour faire le point. L’étude Mobiliser l’enseignement supérieur pour le climat, menée par les équipes du think tank spécialisé dans la transition énergétique The Shift Project, avait montré en 2019 combien peu établissements d’enseignement supérieur étaient engagés dans une démarche d’enseignement de la transition énergétique (seulement 11 % des 34 établissements auscultés abordaient les enjeux climat-énergie de manière obligatoire).

La prise en compte des enjeux environnementaux dans l’ensemble de l’enseignement supérieur (tableau : The Shift Project)

Depuis les choses ont évolué rapidement. En 2020 la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) a publié un Observatoire de la Transition Environnementale des écoles de management qui établit notamment que, parmi les 60% d’écoles qui ont répondu à ses questions « près de 8 sur 10 font mention explicite du développement durable ou de la responsabilité sociale des entreprises dans l’expression de ce qu’elles sont ».. « Parce qu’elle reçoit un sixième des étudiants français la gestion a un rôle particulier. Nous avons voulu évaluer si les étudiants étaient bien formés aux défis de demain mais également si les établissements adoptaient les mesures qu’ils préconisaient », explique Jacques Igalens, le promoteur de l’initiative.

La prise en compte des enjeux environnementaux dans les écoles de management (tableau : Fnege)

The Shift Project entend aller plus loin dans la transformation de l’ensemble des formations et spécialisations métiers de l’enseignement supérieur. Avec le Groupe Insa il a ainsi publié en février 2021 un rapport intermédiaire sur Former l’ingénieur du XXIème siècle. De concert avec Audencia, le think tank lancera également en octobre prochain le projet « ClimatSup Business ». Audencia sera ainsi la première école de management à devenir cas d’étude de cette initiative. Le projet durera 13 mois de l’état des lieux de la prise en compte des enjeux socio-écologiques dans les formations d’Audencia au portage du projet auprès des acteurs compétents. Le rapport final sera rendu public à la rentrée de septembre 2022. Le secteur étant « très spécifique » et la demande s’étant « particulièrement manifestée de la part de ses acteurs », un focus particulier sera mis sur les formations destinant aux métiers de la finance.

Des classements et des labels. En 2020 le Times Higher Education a lancé son premier Impact Ranking fondé sur les ODD (objectifs de développement durables) de l’ONU. Transition environnementale, responsabilité sociétale des entreprise, contribution à la paix dans le monde, 17 indicateurs y sont pris en compte et ont célébré l’action des universités australiennes et néo-zélandaises (quatre premières places en 2020, trois dans les quatre premières en 2021 avec la première place de l’université de Manchester) quand en France il faut remonter au-delà de la 100ème place pour trouver les premiers établissements classés (IMT Atlantiques, Université de Nantes et PSL).

Les « classeurs » français réfléchissent également à créer ce type de classement – on attend fin octobre une publication dans Les Echos – ou à inclure plus la dimension environnementale et sociale dans les classements existants. Ce qui se révèle fort difficile tant les indicateurs sont difficiles à définir. Et des éléments chiffrés à obtenir de la part des établissements ! Mais tout devrait changer avec la montée en puissance des « sociétés à mission » (Grenoble EM, emlyon BS et TBS sont les trois pionnières) qui mettent forcément en avant leurs spécificités en la matière. « En franchissant le pas de la société à mission, GEM a pour ambition de matérialiser l’ambition du plan stratégique 2025 sur les domaines de la transition sociétale et écologique pour incarner son positionnement de Business Lab For Society. Cela permettra de pérenniser toutes les actions entreprises à GEM depuis des années sur l’engagement RSE à travers un cadre formel et engageant, tout en formant ses étudiantes et étudiants à devenir des acteurs de la transition sociétale et écologique », définit Loïck Roche, le directeur général de GEM.

Les Nations Unies remettent de leur côté un label aux seules business schools : le Positive Impact Ranking. Si aucune école française n’atteint le niveau d’excellence, « niveau 5 » dont ne font partie que quatre écoles, Audencia, GEM et l’Iéseg sont notées dans le niveau 4, qui compte 24 business schools dans le monde. En France la labellisation DD&RS est accordée aujourd’hui 37 établissements d’enseignement supérieur en France pour « valoriser nationalement et internationalement au meilleur rapport bénéfices/coûts les démarches de développement durable et de responsabilité sociétale des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ».

Etudiants et alumni moteurs de la transformation. Les étudiants sont souvent les moteurs de cette transformation et on se souvient du Manifeste étudiant pour un réveil écologique publié en 2018. « Nos plus récentes études le montrent distinctement, nous avons même affaire à une génération de quasi militants du développement durable. Des étudiantes et des étudiants qui placent au premier rang de leurs préoccupations – mais aussi de leurs exigences vis-à-vis de leurs futurs employeurs – l’avenir de notre planète et les actions à mener pour la préserver », remarque le président de la Conférence des Grandes écoles (CGE) et directeur général d’Arts et métiers, Laurent Champaney.

Une préoccupation qui était au cœur de la création du Refedd (REseau Français Étudiant pour le Développement Durable) devenu début 2021 le Reses (Réseau Étudiant pour une Société Écologique et Solidaire) parce que « l’utilisation du développement durable dans la politique gouvernementale et par des organismes influents, à des fins qui ne sont pas toujours si respectueuses de l’environnement ». Aujourd’hui plus de 140 associations étudiantes, réparties dans plus de 45 villes et sur plus de 90 campus, sont membres.

Pour fédérer les initiatives des étudiants une fois diplômés a également été créé en 2020 Alumni for the Planet, un réseau soutenu par la CPU, la Cdefi et la CGE qui vise à « créer et à développer le réseau des diplômés de l’enseignement supérieur qui s’engagent et agissent en faveur du climat et de l’environnement ». Des réseaux qui existent également dans les établissements. L’ESCP Transition Network est ainsi un réseau composé d’une centaine d’étudiants, alumni, professeurs et membres de l’administration, qui permet d’initier et d’accompagner des projets au sein de l’école.

La prise en compte des enjeux environnementaux dans les écoles de management (tableau : Fnege)La prise en compte des enjeux environnementaux dans les écoles de management (tableau : Fnege)Cette volonté des étudiants de jouer un rôle positif dans l’évolution de la société se traduit parfois par des changements de trajectoire professionnelle radicaux. Dans un film réalisé par un étudiant de Centrale Nantes intitulé Ruptures on suit ainsi des diplômés de Polytechnique, de Sciences Po, de Centrale ou d’écoles de commerce qui ont décidé de renoncer à l’avenir qu’on leur promettait pour une vie qu’ils jugent plus compatible avec les enjeux environnementaux et sociétaux.

 

Previous ArticleNext Article
Avatar photo
Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Send this to a friend