Du 16 au 18 mai le salon VivaTech a été le rendez-vous annuel de l’innovation et des start up en France. Grenoble EM, Ecole polytechnique, HEC, Neoma ou Insa Lyon, les Grandes écoles y sont présentes en nombre pour présenter leurs EdTech ou rencontrer des entreprises. L’IMT (Institut Mines Télécom) y présente 42 start up issues des incubateurs de ses écoles, l’université Paris-Saclay dix-huit autres. En quelques années l’entrepreneuriat est ainsi devenu un sujet majeur pour l’enseignement supérieur. En témoigne le nouveau plan « L’esprit d’entreprendre » que vient de présenter Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
Ces PEPITE qui valent de l’or. Depuis 2013, les bases du développement de l’entrepreneuriat étudiant ont été posées dans les universités avec la création des « pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat », les fameux « PEPITE », du diplôme étudiant entrepreneur (D2E) et du statut national d’étudiant entrepreneur (SNEE). Sous la houlette de la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) et du coordinateur national du réseau, Jean-Pierre Boissin, un formidable travail a été réalisé sur la sensibilisation des entreprises, la certification des compétences des entrepreneurs, l’accompagnement des projets et même le transfert du dispositif à l’international. « Le statut d’étudiant entrepreneur est un atout majeur pour obtenir des éléments dérogatoires à son cursus, et notamment de pouvoir remplacer son stage par la création d’une entreprise. Les étudiants bénéficient des conseils de deux tuteurs (un enseignant et un praticien) qui meur permettent de ne pas suivre de cours superflus dans leurs cursus (par exemple de « découverte de l’entreprise »), un peu comme des sportifs de haut niveau », commente le coordinateur national du réseau PEPITE, Jean-Pierre Boissin (relire son entretien complet). C’est également un signal fort vis à vis des parties prenantes, des familles inquiètes de ne pas voir leur enfant obtenir un CDI, des enseignants qui connaissent mieux le statut et des banques quand il faut obtenir des prêts d’honneur. Être inscrit dans un diplôme d’étudiant entrepreneur permet également de bénéficier de la protection sociale pendant l’année qui suit son diplôme. « Nous sommes là pour accompagner des projets dont certains, issus de laboratoires de recherche, peuvent être présentés dans des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT). »
Aujourd’hui 3500 étudiants disposent du statut d’étudiant entrepreneur – plus de 8000 en tout depuis 2014 – qui ont immatriculé 800 entreprises. « Nous sommes le seul pays du monde à posséder ce dispositif qui coûte en plus très peu d’argent. Maintenant il faut le développer aussi bien dans les universités que les Grandes Écoles. Au début c’était compliqué dans les écoles d’ingénieurs. La Commission des titres d’ingénieurs (CTI) demandait en effet aux étudiants de réaliser six mois de stage pour être diplômés. Aujourd’hui ils peuvent créer leur entreprise à la place », reprend Jean-Pierre Boissin qui constate aussi : « L’offre n’est pas la même à Paris-Saclay et à Aix-Marseille. Tous les établissements d’enseignement supérieur, et particulièrement les universités, n’ont pas saisi l’enjeu des allocations de moyens. Nous risquons de voir une partie de l’enseignement supérieur, essentiellement les universités, ne pas prendre le train de l’entrepreneuriat ».
Le nouveau plan du gouvernement. Début mai le gouvernement a décidé de reprendre le dispositif en main afin « d’ériger le développement de l’entrepreneuriat étudiant et la sensibilisation des étudiants sur ce sujet comme priorité des prochaines années ». Dans ce cadre la fonction de coordinateur national de Jean-Pierre Boissin comme le mandat confié à la Fnege pour l’animation des Pépite arrivent à leur terme. En nommant un délégué ministériel à l’entrepreneuriat étudiant, le ministère souhaite « aller plus loin, en multipliant les formations à l’entrepreneuriat, en encourageant la conduite de projets entrepreneuriaux durant les études et en améliorant la reconnaissance des compétences développées par les étudiants entrepreneurs ».
Bâti autour de deux grands axes le plan se concentre sur plusieurs objectifs (« Multiplier les formations à l’entrepreneuriat, de la première sensibilisation jusqu’au cursus approfondi », « Valoriser la conduite de projets entrepreneuriaux durant les études plutôt que d’en faire un obstacle au déroulement d’un cursus d’études » ou encore « Accélérer les projets des étudiants les plus motivés pour faire émerger des entreprises ») qui ne semblent pas vraiment nouveaux mais réaffirment une ambition.
Plus novatrice est la volonté de valoriser le diplôme étudiant entrepreneur (D2E) en l’inscrivant au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), en lui donnant un cadrage national (tout en permettant des ajustements au niveau local) et en l’adossant à un référentiel de compétences, pour que la « délivrance du diplôme certifie que l’étudiant entrepreneur dispose d’un socle de compétences ».
Mais surtout ce sont plus de moyens – que demandaient depuis longtemps Jean-Pierre Boissin – qui vont être accordés aux PEPITE pour s’assurer qu’aucun « SNEE n’est refusé à des étudiants méritants faute de place ». Mais en même temps un zeste de sélection semble apparaître puisqu’il est également prévu de « définir un nombre restreint de critères nationaux pour l’attribution du SNEE et formaliser les droits et devoirs associés à ce statut ». L’objectif : permettre que « l’ensemble des étudiants bénéficiant du statut soient recrutés sur des critères homogènes ». Le gouvernement entend « octroyer une gratification compensant l’indemnité de stage pour les étudiants boursiers qui ont opté pour une période de professionnalisation sur leur projet d’entrepreneuriat en lieu et place du stage ». Enfin il s’agit de faire de BPI France un « partenaire privilégié du MESRI pour l’entrepreneuriat étudiant ».
Un mouvement de fond. Toutes ces mesures sont intéressantes mais ne font finalement qu’accompagner un mouvement de fond. « Les étudiants veulent travailler différemment avec une rotation élevée des tâches, pas obtenir un contrat de travail pour les quarante années à venir ! Mais ils ne seront pas non plus entrepreneurs pendant 40 ans. Il y a aussi un côté challenge », commente Jean-Pierre Boissin. Ce que confirme le directeur délégué d’HEC Paris, Eloic Peyrache en constatant « l’incroyable dynamique de création d’entreprise sur le campus et le succès de notre incubateur à Station F ». Et d’insister : « Nos étudiants vont pouvoir à la fois monter une comédie musicale dans un grand théâtre parisien, créer une entreprise dans le domaine de l’intelligence artificielle ou préparer des jeunes élèves de banlieue à un concours d’éloquence. Dans tous les cas, leur capacité créative, leur aptitude à gérer une équipe et leur professionnalisme seront au cœur de ces projets ».
Directeur de l’Université internationale de Monaco (Groupe Inseec U.), une business school au sein de laquelle 20% des étudiants se voient tout de suite créateurs d’entreprise, Jean-Philippe Muller veut aller plus loin : « La création d’entreprise est au cœur de notre projet. Pour aller plus loin dans le conseil apporté à nos étudiants nous recrutons de plus en plus des professeurs qui ont eu eux-mêmes une expérience entrepreneuriale ou en entreprise avant de s’engager dans la voie académique ». Chaque année son école organise un challenge mondial, The Mark, qui réunit des étudiants de 49 universités et business schools dans le monde autour d’un projet de création d’entreprise dans le luxe. Issus de bachelors ou de MBA, de l’University College London comme de la Domus Academy et bien sûr de l’IUM, ils sont venus pitcher à Monaco le 15 mai devant un jury de professionnels. « Nous voulons vraiment que tout leur travail, de l’idée au business plan tout au long d’un processus de neuf mois fasse partie de leur cursus jusqu’à leur présentation finale qui leur permet de montrer aussi leurs capacités à bien répondre aux questions du jury », insiste la responsable du concours, Annalisa Tarquini.
Reste ensuite à passer de l’idée au prototype puis à l’entreprise. L’IMT Mines Albi-Carmaux a ainsi ouvert en 2018 un espace collaboratif « Innov’Action » de « promotion de la culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat » qui vient renforcer les actions déjà entreprises depuis 25 ans. Cette expertise scientifique c’est ce que sont venus chercher au sein de l’incubateur de l’école Romain Di Costanzo et Alain Fontaine, les deux créateurs d’Hycco, une start-up spécialisée dans le développement de solutions pour générer de l’hydrogène à haute température : « Beaucoup d’énergie est gaspillée parce qu’on ne sait produire de l’hydrogène qu’à basse température et nous voulons mieux l’utiliser ». Des projets comme celui-là l’incubateur des Mines Albi-Carmaux en reçoit aujourd’hui quinze avec pour objectif de créer chaque année cinq entreprises. Qui se développent et durent – on estime le taux de survie à 10% en général – assure Philippe Farenc, directeur du développement économique et entrepreneurial de l’école à l’origine de la création d’Innov’Action : « Le taux de survie à cinq ans des start-up que nous incubons est de 75%. D’abord parce que nous n’acceptons qu’un projet sur dix. Ensuite parce que nous n’acceptons que des projets qui ont besoin de l’expertise technique de l’école pour réussir ».
- Elles ont montré la voie. La Confédération nationale des junior-entreprises (CNJE), le premier mouvement associatif étudiant de France avec plus de 22 000 membres, célèbrera ses 50 ans le 26 juin au ministère de l’Économie et des Finances. Les junior-entreprises sont aujourd’hui près de 200 en France et ont réalisé plus de 9,1 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018. Plus de 3 000 entreprises leur font aujourd’hui confiance.