On le pressentait : ça se confirme dans les chiffres officiels. Les classes préparatoires aux grandes écoles accueillent 86 900 étudiants à la rentrée 2024, soit un effectif en forte hausse de 5,5 % cette année – 4 500 de plus qu’à la rentrée 2023 -, après 5 années de baisses successives suivies d’une stabilisation à la rentrée 2023 selon une nouvelle note du SIES. « Il y a aujourd’hui 45 000 étudiants en classes préparatoires scientifiques, hors Agro véto et BCPST. Nous avons gagné 4000 étudiants en deux ans, soit une hausse de 10% de nos effectifs. C’est un niveau jamais égalé », se réjouit Denis Choimet, président de l’UPS (Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques). Son de cloche similaire du côté des classes prépa ECG comme le note Alain Joyeux, président de l’Aphec (Association des professeurs de classes prépas économiques et commerciales) : « La réforme, qui a donné lieu à la fusion des filières scientifiques (ECS) et économiques (ECE) a été mieux comprise. Il fallait laisser du temps aux étudiants et à leur famille pour s’approprier les changements ».
Le nombre d’étudiants est en hausse quelle que soit la filière mais surtout dans la filière économique où la hausse est de 8,3 % pour 19 900 étudiants, répartis équitablement entre femmes et hommes. La progression est plus importante parmi les femmes (+9,3 %) que parmi les étudiants masculins (+7,3 %).
La filière scientifique est celle qui accueille le plus d’étudiants (54 000 soit 62 % des étudiants en CPGE), dont 30 % de femmes. L’effectif de cette filière progresse de 5,5 %. La hausse concerne aussi bien les femmes (+5,1 %) que les hommes (+5,6 %).
La filière littéraire, avec 13 100 inscrits, voit ses effectifs augmenter de seulement 1,8% à la rentrée 2024. Cette évolution résulte de la hausse de l’effectif féminin (+2,7%) qui représente sept étudiants sur dix dans cette filière, l’effectif des étudiants masculins de cette filière étant en léger recul (-0,2%).
À la rentrée 2024, 43 400 étudiants entrent pour la première fois en première année de CPGE. Le nombre de nouveaux entrants de 5,1 % soit 2 100 étudiants. Si cette hausse des nouveaux entrants s’observe dans toutes les filières, c’est dans la filière économique qu’elle est la plus marquée en évolution (+6,7 % soit 600 étudiants).
Quelle que soit la filière considérée, les néo-bacheliers généraux sont largement majoritaires. Ils représentent 84 % des nouveaux inscrits en filière économique, 91 % en filière scientifique et 98 % en filière littéraire. Les néo-bacheliers technologiques composent 13 % de l’effectif des nouveaux entrants en filière économique et 6 % en filière scientifique. Ils sont quasi-absents de la filière littéraire (0,2 %). Quant aux néo-bacheliers professionnels, leur part ne dépasse pas 1 % des nouveaux inscrits quelle que soit la filière considérée.
Forte hausse des redoublements. La hausse des effectifs est plus marquée pour les étudiants inscrits en seconde année (+6,2 %) qu’en 1ère année (+4,9 %), du fait d’une augmentation plus marquée des redoublements. Ce sont en effet plus de 6 500 étudiants qui ont redoublé la seconde année de CPGE (+9,6 %) en 2024 quand ils étaient 6 000 en 2023. Le taux de redoublement est sensiblement plus élevé pour les hommes (17%) que pour les femmes (13%).
Cette hausse concerne toutes les filières mais surtout l’économique (+26% pour 1 100 redoublements au total contre 800 en 2023), loin devant les scientifiques (+7% pour 4 200 redoublements au total contre 3 900 en 2023) et littéraires (+5% pour 1 300 redoublants au total).
La progression des effectifs de femmes est similaire à celle des hommes, autour de 5,5% par rapport à la rentrée 2023. Les femmes représentent 40% des inscrits en CPGE à la rentrée 2024 (part stable par rapport à la rentrée 2023). Leur nombre augmente de 6,1% en 1ère année et de 5% en 2nde année. Le nombre d’étudiants masculins connait une hausse de 4,1% en 1ère année et de 6,9% en seconde.
Les autres chiffres marquants. Les établissements sous tutelle du MESR comptent 85 200 étudiants en CPGE à la rentrée 2024, soit 98% des effectifs (+5,9% par rapport à la rentrée 2023). Cette hausse est plus marquée pour les établissements privés (+7,7%) que pour les établissements publics (+5,6%).
Côté diversité sociale les CPGE comptent un peu moins de 50% d’élèves issus de familles de cadres et professions intellectuelles supérieures (49% soit une baisse de -1,1 point par rapport à la rentrée 2023), alors qu’elles accueillent 10% d’enfants d’employés et 6% d’ouvriers.
Avec 28 200 étudiants inscrits en CPGE à la rentrée 2024, soit 32% de l’ensemble des étudiants, l’effectif d’inscrits en Île-de-France est en augmentation de 6%. Cette augmentation s’observe dans les autres capitales régionales métropolitaines (24 700 étudiants) et le reste de la France (34 100 étudiants) qui voient leurs effectifs augmenter cette année de respectivement de 4,1% et 6,2%.
Comment analyser cette hausse ? Plusieurs explications peuvent être avancées pour analyser ce retour en grâce des classes prépa. Tout d’abord, la remontée serait liée à la valeur intrinsèque de la filière. « L’excellence du niveau, le suivi assuré par les professeurs, la proximité géographique, le taux de succès et la gratuité », énumère Denis Choimet, pour lequel rien ne vaut le terrain pour tordre le cou aux idées reçues et permettre aux jeunes de se projeter : « Il faut expliquer aux élèves que les mathématiques débouchent sur des métiers exaltants et importants pour les problématiques de notre société. C’est ce que font certains proviseurs. Nous devons également démultiplier les rencontres avec les professeurs de lycées qui ont parfois une vision un peu datée des classes prépas. Cela nous permet de rappeler ce qu’est le PGE – notamment qu’il y autant de places dans les écoles qu’en prépa ; le concours n’a pas vocation à éliminer des candidats, mais à les répartir entre les écoles -, de faire intervenir des anciens élèves… ».
Selon Alain Joyeux, la réponse est également à aller chercher du côté des campagnes de communication, dont #préparetoi, lancée en novembre 2023 par la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) et de l’Aphec. « Cette hausse des inscriptions en classes préparatoires est une excellente nouvelle pour nos établissements et pour l’avenir de l’enseignement supérieur français. Elle reflète la confiance des étudiants et de leurs familles dans un parcours exigeant, mais porteur de réussite et d’opportunités », se félicite justement Vincenzo Vinzi, président de la Cdefm et directeur général de l’Essec. La sérénité est en effet de mise dans les relations des classes préparatoires avec les Grandes écoles comme le confie Alain Joyeux : « Nous avons vraiment pu compter sur la disponibilité des Grandes écoles pour travailler avec nous cette année. Cela nous conforte après une période un peu trouble où nous nous sommes inquiétés de la diversification des entrées dans les écoles. Nous avons le sentiment qu’elles retrouvent aujourd’hui tout leur intérêt pour le vivier des classes préparatoires».
L’impact de l’apprentissage. Alors que la hausse des effectifs en classe préparatoires ECT est de 12% en première année et de 6% en seconde cette année le président de l’Association de promotion des classes préparatoires voie technologique (Adeppt), Quentin Leroux l’explique quant à lui aussi par le développement de l’apprentissage : « Nous sommes en capacité de faire réussir nos élèves et de leur donner accès à d’excellentes formations. Des formations que plus de la moitié poursuivent ensuite par la voie de l’apprentissage dont le développement joue donc un rôle majeur dans la santé de notre filière ».
Pour lui comme pour toute la filière la baisse régulière des financements de l’alternance est donc une inquiétude majeure : « Aujourd’hui nous pouvons expliquer à nos futurs élèves qu’ils pourront financer leur cursus en école de management en étant apprentis. Ce que ne savent pas nos gouvernants c’est à quel point l’apprentissage permet à des jeunes, qui n’ont ainsi pas de frein financier, d’entrer dans des filières qui leur permettent de se projeter dans un meilleur avenir. Aujourd’hui, la majorité de nos élèves sont des boursiers, jusqu’à 85% dans certaines classes. Avec l’apprentissage ils savent qu’ils vont pouvoir intégrer des écoles dans lesquelles ils n’auront qu’une année à financer avant de suivre leurs deux années de master en alternance ».
Olivier Rollot avec Anne Dhoquois
- Les nouveaux certificats Liberal Arts et Humanities. Avec le soutien de l’Aphec, la Cdefm va délivrer dès 2025 de tous nouveaux certificats en Liberal Arts et Humanities aux élèves de classes préparatoires diplômés d’écoles de management. Avec ce certificat les écoles souhaitent promouvoir le développement de la filière après la campagne de communication « #Preparetoi » menée en 2023. « L’idée qui sous-tend la création de ce certificat est de rendre plus visible la notion de continuum entre les classes préparatoires et les écoles de management. Aujourd’hui une cohorte de diplômés d’une école est passés par différentes voies et rien ne différencie nos élèves des autres. il ne s’agit pas de dire qu’ils sont meilleurs que leurs camarades qui ne sont pas passés par une classe préparatoire mais de les identifier. Beaucoup d’entreprises valorisent le fait d’être passé par une classe préparatoire et il importe de mieux leur montrer », explique d’Alain Joyeux. Qu’on les appelle humanités ou arts libéraux, dans la traditions des liberal arts anglo-saxons, ce sont des compétences spécifiques apportées à de futurs dirigeants. Pensée critique, sens de la décision éthique, pensée analytique, communication pour convaincre, recherche de l’information sont autant de compétences acquises en classes préparatoires qui peuvent amener à la délivrance d’un certificat spécifique. Le certificat serait siglé par la Cdefm et par l’école dans laquelle est l’étudiant avec la double signature : « Liberal Arts » pour les élèves issus de classes préparatoires ECG, ECT, D1 et B/L, « Humanities » pour les A/L.