Personne ne la connaissait vraiment il y a encore cinq ans, il y a deux ans on en réfutait les résultats parce qu’elle s’appuyait essentiellement sur des critères anglo-saxons, cette année l’enquête PISA 2012, menée par l’OCDE sur plus de 510 000 élèves de 65 pays et économies, est dans toutes les bouches, sur tous les écrans, avant même sa publication. Longtemps laissées aux spécialistes, aux enseignants, les questions d’enseignement sont en effet devenues un sujet crucial pour tous à mesure que notre compétitivité s’effritait et que le niveau de notre enseignement baissait. Mais attention, les résultats des jeunes Français ne sont pas si mauvais que ça comme le souligne par exemple Le Nouvel Obs avec une excellente infographie.
La France décroche en maths…
Si la performance des élèves français de 15 ans en mathématiques se situe au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE (495 points contre 494 en moyenne), ce score a diminué de 16 points depuis 2003, faisant ainsi perdre à la France sa place dans le groupe des pays dont la performance est supérieure à la moyenne de l’OCDE. Classée 18ème parmi les 34 pays de l’OCDE en 2003 (un échantillon plus faible que celui de l’enquête 2012 mais qui permet de meilleures comparaisons), elle descend ainsi aujourd’hui à la 23ème place pendant que l’Allemagne en gagne elle dix (10ème alors qu’elle était 20ème), juste devant le Royaume-Uni mais aussi loin devant les États-Unis (27ème avec seulement 481 points).
En reprenant l’échantillon plus large de PISA 2012, la domination des élèves asiatiques en mathématiques est écrasante. Les élèves de 15 ans de Shangaï (une ville de 14 millions d’habitants, donc aussi représentative que la Belgique ou les Pays-Bas) obtiennent même un score équivalant à une avance de près de… trois années d’études par rapport à la plupart des autres pays de l’OCDE ! Suivent Singapour, Hong Kong, le Taipei chinois, la Corée, Macao, le Japon puis trois pays européens le Liechtenstein, la Suisse et les Pays-Bas.
…mais remonte en compréhension de l’écrit
La France se situe par contre au-dessus de la moyenne en compréhension de l’écrit (505 points contre 496 en moyenne). Après avoir accusé un recul lors des cycles PISA 2003 et 2006, les résultats ont commencé à remonter depuis 2009. Une amélioration principalement due aux résultats des filles avec un écart de performance qui se creuse avec les garçons: entre les cycles 2000 et 2012, le différentiel est passé de 29 à 44 points (les garçons ont par contre 9 points de plus en mathématiques que les filles). Là aussi Shanghai, Hong-Kong, Singapour, le Japon et la Corée sont les cinq pays et économies les plus performants.
Enfin, le niveau de performance de la France en sciences se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec un score moyen de 499 points (501 points, en moyenne) et est resté stable depuis 2006. Au détriment de la Corée, la Finlande est le seul pays non asiatique à s’immiscer dans un top 5 dominé toujours par les mêmes quatre autres pays que précédemment.
Un système français de plus en plus inégalitaire
Au-delà des résultats bruts, l’OCDE analyse également l’impact du système sur la réduction des inégalités et là son constat est sans appel: «Le système d’éducation français est plus inégalitaire en 2012 qu’il ne l’était 9 ans auparavant». Les élèves français issus de l’immigration sont ainsi au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves en difficulté que les autres. Leurs scores sont en effet inférieurs de 37 points à ceux des élèves «autochtones» (contre 27 points, en moyenne), soit presque l’équivalent d’une année d’études.
Et pourtant il n’y a pas de fatalités souligne l’OCDE en constatant que l’Allemagne est par exemple parvenue à améliorer les résultats de ses élèves les plus faibles, dont beaucoup sont issus de milieux défavorisés sur le plan socioéconomique, démontrant ainsi que «les pays peuvent simultanément renforcer l’équité et accroître les performances».
La question des enseignants
L’OCDE pointe que la France se classe parmi les pays de l’OCDE où la discipline est le moins respectée. Quant au nombre de redoublants, s’il a significativement diminué depuis 2003 il reste toujours élevé avec 28% des élèves de 15 ans ayant indiqué avoir redoublé au moins une fois (12%, en moyenne). Autre enseignement : si les élèves français prennent en général plus de plaisir que la moyenne dans l’apprentissage des mathématiques, ils sont également parmi les plus anxieux.
Relation de cause à effet ?, la France est le pays qui «demande le moins de retour d’information de la part de ses élèves sur les leçons, les enseignants et les ressources, et où le tutorat pour les enseignants est le moins développé de tous les pays participants». Pour autant, la France souffre moins d’un manque d’enseignants qualifiés que la moyenne des pays. Le problème serait donc ailleurs. Comme le souligne l’OCDE, les pays les plus performants, notamment en Asie, mettent «fortement l’accent sur la sélection et la formation des enseignants, encouragent ces derniers à travailler ensemble et investissent en priorité dans l’amélioration de leur qualité, et non dans la taille des classes».
Olivier Rollot (@O_Rollot)
- Les 34 pays membres de l’OCDE et 31 pays et économies partenaires ont participé à l’évaluation PISA 2012, ce qui représente plus de 80% de l’économie mondiale. Il est possible de tester son propre niveau en répondant aux questions de PISA sur le site de l’OCDE. Les passionnés des évaluations PISA peuvent utilement consulter l’analyse qu’en a faite Marie Duru-Bellat, sociologue spécialisée dans les questions d’éducation à Sciences Po, en 2012 sous le titre «Usages et mésusages des enquêtes PISA dans l’évaluation et le pilotage des systèmes éducatifs».
- Lire aussi «Comment PISA est devenu la norme mondiale de l’évaluation scolaire» sur Le Monde et une excellente infographie qui présente les pays qui montent et descendent dans le classement.