ORIENTATION / CONCOURS

Épreuves de spécialités du bac : retour vers le passé

L’un des éléments phares de la réforme Blanquer, le passage des épreuves de spécialités dès mars, n’aura donc pas survécu à sa première édition. Rendu impossible à organiser avec la crise Covid, le passage des épreuves de spécialités des bacs généraux et technologiques en 2023 s’est en effet révélé présenter un inconvénient majeur : les élèves ne se sentaient plus suffisamment motivés pour venir en cours ensuite. Au point que certaines ont pu pointer le rôle qu’avait pu jouer cette démobilisation dans les émeutes. Rendu responsable de tous les maux, le passage des épreuves de spécialités en mars est donc repoussé à juin par le nouveau ministre de l’Education, Gabriel Attal. Une sorte de retour vers le passé qui est la principale annonce du ministre.

Comment conjuguer le bac et Parcoursup ? L’une des idées qui sous tendait la création des épreuves de spécialités en 2019 était de rééquilibrer la balance entre le bac et Parcoursup. « Ces dernières années, avec Admission postbac puis avec PSP, les questions d’orientation ont pris le pas sur cet événement historique qu’est le bac. Je suis convaincu que cela portait en germes la disparition même du bac », stigmatisait en mars dernier dans un entretien à l’Essentiel du Sup Pierre Mathiot, le maître d’œuvre de la réforme du bac et du lycée, dont il en copilote toujours le Comité de suivi, et directeur de Sciences Po Lille, qui insistait : « Le seul moyen de préserver le bac et, mieux, de lui redonner de l’importance, c’est que les épreuves de spécialités aient lieu en mars ».

Car c’est bien le nœud du problème. A quoi sert le bac si la sélection se fait longtemps en amont ? Si ce n’est en quelque sorte qu’une « cerise sur le gâteau » pour valider des décisions d’orientation prises bien longtemps avant. Dans les années 80 avoir une mention très bien au bac suffisait à vous ouvrir grandes les portes de Sciences Po. A quoi sert aujourd’hui une mention très bien au bac ? « Si les épreuves de spécialités voyaient leurs dates repoussées au mois de juin, alors le bac lui-même serait à terme menacé, car beaucoup diraient qu’il ne sert à rien d’évaluer tardivement des élèves qui ont déjà leur place dans l’enseignement supérieur à ce moment-là », pointait également Pierre Mathiot.

Si les épreuves de spécialités ont été placées en mars c’est en lien avec un calendrier Parcoursup qui prévoit que la quasi-totalité des lycéens ait une place dans l’enseignement supérieur autour du 14 juillet. On pouvait difficilement faire autrement si on voulait qu’elle joue un rôle dans l’orientation avec les vacances de printemps et les temps d’examen des dossiers par les établissements d’enseignement supérieur puis d’aller-retour dans les choix d’orientation des lycéens.

En 2023 c’était ainsi 42% du total des notes du bac qui a été pris en compte sur Parcoursup – 32% pour les épreuves de spécialité et 10% pour le bac français -, en plus du contrôle continu qui représente un tiers de la note finale. En 2024 les établissements d’enseignement supérieur n’auront donc à disposition, pour la sélection des dossiers, que les notes du bac français et du contrôle continu. « À Sciences Po, nous avions un intérêt à la réforme précédente et à l’anticipation du calendrier qui nous permettait, en plus du contrôle continu pour le dossier, d’avoir accès à des notes plus tôt. Ça nous arrangeait. Nous venons d’apprendre que le calendrier changerait ; nous allons nous adapter », remarque par exemple le directeur de Sciences Po, Mathias Vicherat.

Oui mais comment sélectionner les candidats quand on sait le contrôle continu est jugé unanimement trop laxiste dans de très nombreux lycées quand, au contraire, des lycées d’élire restent beaucoup plus durs avec leurs étudiants ? Là aussi la réponse de Mathias Vicherat : « Ce n’est pas à Sciences Po d’inventer je ne sais quelle péréquation pour affirmer qu’un 12/20 dans un établissement vaudrait un 18/20 ailleurs. Même si le contrôle continu ne compte que pour un tiers du dossier d’admission, nous ne pouvons pas redresser les notes en fonction des villes ou des lycées. Mais des choses changent : des grands lycées parisiens ou en région se sont rendu compte qu’ils sous-notaient les élèves. Je lance un appel solennel aux chefs d’établissement et aux profs : arrêtez de sous-noter ! Sans tomber dans les excès inverses, notez juste ! Car nous, nous ne pouvons pas rattraper les écarts lors des admissions ». Ce qui conduit aujourd’hui les établissements à refuser des jeunes présentant de très bons dossiers – mais parmi tant d’autres ! – et plonge les familles dans des abimes de perplexité quand elles le constatent.

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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