Cette année, un seuil emblématique a été franchi : plus de deux millions de mobilités Erasmus+ ont été réalisées depuis la France depuis 1987, dont un million sur la seule période 2014–2024. « C’est autant que durant les 27 premières années du programme », a rappelé Nelly Fesseau, directrice de Erasmus+ France / Éducation Formation, qui salue également une dynamique qui témoigne d’un engagement collectif lors de sa conférence de presse annuelle. L’occasion de dresser un bilan d’étape et de souligner les enjeux à venir d’un programme plus que jamais plébiscité.
En effet, grâce aux efforts des établissements scolaires, universités, entreprises, CFA, collectivités territoriales, et équipes pédagogiques, entre autres, la France conforte sa place de premier pays d’envoi de participants en mobilités Erasmus+ pour l’enseignement supérieur et scolaire (170 000 en 2024), devant l’Allemagne et l’Espagne.
Symbole vivant de cette success story, Estelle Soupet, étudiante en BTS Commerce international au Lycée Condorcet à Bordeaux, a été désignée comme la deux-millionième bénéficiaire du programme en France. Actuellement en stage à Alicante en Espagne, elle évoque le renforcement d’un « sentiment d’appartenance à la citoyenneté européenne » et s’enthousiasme pour « la solidarité entre la communauté Erasmus+ ».
Par ailleurs, l’inclusion sociale progresse : 39% des bénéficiaires français sont boursiers, un chiffre qui atteint 50% pour le public de la formation professionnelle, et il en va de même pour la contribution à la transition écologique, avec 25% des mobilités déclarant un mode de transport écoresponsable en 2023/2024, versus 15% en 2021/2022.
Mais derrière ce succès se cache un paradoxe budgétaire. En 10 ans, le budget alloué à l’Agence a presque triplé, passant de 121 millions d’euros en 2014 à 359 millions en 2024. Pourtant, la demande croissante laisse entrevoir un écart significatif : en 2025, elle atteint 890 millions d’euros, pour une enveloppe disponible de seulement 434 millions. Résultat : seuls 48% des projets du scolaire, 56% de la formation professionnelle et 62% de l’enseignement supérieur peuvent être financés. Seul l’enseignement des adultes est couvert à 100%, bien qu’il représente un volume modeste.
La tension est particulièrement forte sur le secteur scolaire, où la demande a bondi de 163% entre 2021 et 2023. L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igésr), dans son Évaluation à mi-parcours du programme Erasmus+ 2021-2027 qui date d’avril 2024 mais vient juste d’être publiée, alerte sur le « manque d’adéquation entre l’engouement du secteur scolaire en faveur des mobilités et le budget attribué ». À l’inverse, elle recommande une baisse du financement dédié à l’éducation des adultes, jugé « bien au-delà de ce qui est nécessaire ».
Enfin, les retombées professionnelles du programme continuent de se vérifier. Selon une étude du Céreq et de l’Observatoire Erasmus+, les jeunes ayant effectué une mobilité à l’étranger entrent plus rapidement dans l’emploi (en moyenne au bout de 5 mois, contre 6,3 pour les autres), avec un taux d’insertion supérieur de 11% trois ans après la fin des études.
Entre envolée des demandes, contraintes budgétaires et adaptation aux priorités sociétales, Erasmus+ est plus que jamais un levier stratégique pour la formation et l’insertion des jeunes en Europe.