L’université de Strasbourg a été la première à prendre des mesures radicales
Si le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, promet de « trouver des moyens » pour que les universités puissent continuer à fonctionner alors que les coûts énergétiques explosent, les établissements d’enseignement supérieur savent qu’ils doivent d’abord compter sur eux-mêmes. Bouleversements climatiques obligent, la mutation énergétique était déjà bien lancée. Et l’explosion du coût de l’énergie la rend à la fois plus urgente et plus rentable.
Tous ne sont pas égaux devant l’inflation énergétique. Selon France universités l’impact financier du l’augmentation du coût de l’énergie pourrait atteindre 100 millions pour l’ensemble des universités en 2023. Mais tout dépend des prestataires, avec des augmentations qui pourraient aller jusqu’à 500% dans certaines universités cette année, et surtout de la présence ou pas de grands équipements fortement consommateurs d’énergie. Un exemple : l’une des écoles d’ingénieurs de l’université Gustave-Eiffel, Esiee Paris, possède une salle blanche qui concentre à elle seule plus ou moins la moitié des dépenses énergétiques de l’école. « Aujourd’hui on se pose beaucoup de questions et cela nous permettra d’évoluer alors que la dépense énergétique n’était pas jusqu’ici un sujet majeur dans les laboratoires », note le président de l’université, Gilles Roussel.
Les laboratoire de recherche ne sont pas seuls à avoir des consommations énergétiques très importantes. L’ensemble des formations technologiques est dans le même cas. Au sein des écoles de la chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France, l’école de cuisine Ferrandi voit ainsi ses coûts grimper de 1,5 million d’euros pour 2023 quand l’une de ses trois Grande écoles de management, l’Essec, sur un nombre de mètres carré équivalent à Cergy, ne devrait pas dépasser le million d’euros.
Agir sur le terrain. Toutes les idées sont aujourd’hui sur la table pour répondre aux injonctions du génération de réduire en moyenne de 10% leurs consommations par rapport à 2019. La circulaire publiée le 27 septembre par le MESR incite essentiellement les établissements à baisser leur chauffage cet hiver puis leur climatisation mais aussi de réduire d’au moins 20% leurs déplacements professionnels. L’université de Strasbourg va bien plus loin en fermant ses locaux deux semaines supplémentaires. Ce à quoi se refusent tous les autres présidents – et la ministre ! – en rappelant combien cela a pu être préjudiciable aux étudiants pendant les confinements. « Il peut être opportun de fermer une université quand elle a très peu d’activités comme l’a décidé l’université de Strasbourg », concède juste Guillaume Gellé, vice-président de France Université et président de l’université de Reims pour laquelle il est « également possible d’optimiser l’usage des locaux en regroupant les cours dans un seul bâtiment certains jours ».
Mais peut-on aller plus loin en fermant de grands équipements scientifiques ? « Si on arrête une salle blanche on prend six mois pour la redémarrer en dépensant plus que ce que nous aurait fait économiser son arrêt. Même chose dans d’autres universités pour les souches dans des étuves en température dont l’arrêt signifierait la perte de plusieurs années de recherche », répond Gilles Roussel.
A la CCI de Paris également on se refuse à fermer les écoles. « Nous mettons en œuvre des mesures immédiates avec comme idée directrice de ne pas fermer des écoles mais plutôt d’agir sur les comportements », explique Thomas Jeanjean qui veut également « réfléchir à l’utilisation optimale des équipements comme par exemple du chauffage des fours chez Ferrandi. »
Un mouvement de fond. Heureusement pour eux beaucoup d’établissements d’examens avaient déjà commencé à s’emparer du dossier de la transition énergétique. Témoin l’action de l’Insa Lyon que commente ainsi son directeur, Frédéric Fotiadu : « C’est un sujet dont nous nous sommes emparés bien avant l’explosion des tarifs. Avec le plan Campus, le CPER, le plan France Relance et nos investissements propres ce sont près de 100 millions d’euros de travaux que nous avons entrepris ces dix dernières années pour rénover nos campus en faisant le choix de privilégier la performance énergétique et l’impact environnemental. Nous sommes également passés au chauffage urbain, qui utilise près de 70% d’énergie renouvelable ». L’ambition de l’Insa Lyon est ainsi de réduire sa consommation d’énergie de 50% dans les locaux d’enseignement et de 30% dans les locaux résidentiels d’ici 5 ans.
De son côté l’université Gustave Eiffel a déjà effectué ou commencé à effectuer des rénovations de ses bâtiments avec le Plan de relance. « Ces bâtiments ne sont pas en mauvais état mais doivent évoluer sur le plan de la transition énergétique. Nous avons également réalisé un PPP (partenariat public privé) énergétique dans le cadre du Plan campus pour diviser par trois la consommation de notre plus grand bâtiment sur le campus de Marne-la-Vallée », explique Gilles Roussel dont l’université a également réalisé des économies en raccordant ses bâtiments au réseau de géothermie de la communauté d’agglomération. L’université Rennes 2 estime ainsi que sa campagne de rénovation lui a déjà permis de réduire sa consommation de fluides (électricité, gaz et réseau de chaleur) de 24 %, depuis 2014 (lire dans Ouest France). L’Université catholique de Lille s’est quant à elle engagée dès 2013 dans le programme Live TREE pour accélérer la transition énergétique et environnementale du quartier Vauban-Esquermes dans lequel elle est implantée se félicite son président, Patrick Scauflaire qui annonce : « En dix ans nous avons réduit de 80% les émissions de carbone des bâtiments de notre ilot historique en recourant au chauffage urbain et en les rénovant. Aujourd’hui cet ilot historique est un véritable démonstrateur de nos ambitions écologiques. Porter ensemble cette transition est une évidence ».