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La charge de l’administration Trump contre l’université et la recherche continue

400 millions de dollars. C’est le montant des aides fédérales que l’administration Trump vient d’enlever à l’université privée Columbia de New York. Elle est en effet accusée « d’inaction face à des actes antisémites » après avoir été au centre des manifestations propalestiniennes au printemps 2024. Une décision parmi tant d’autres cette semaine alors que le ministère américain de l’Éducation a annoncé mardi 11 mars une réduction massive de ses effectifs, avec des plans visant à supprimer près de la moitié de ses 4133 employés, impactant toutes les divisions de l’agence fédérale (lire HigherEdDive). Une décision qui n’est qu’une première étape pour Donald Trump, qui souhaite de toute façon supprimer totalement ce ministère pour rendre aux États toute la gestion des questions d’éducation.

Des universités dans le collimateur. Les membres de la task force fédérale conjointe de lutte contre l’antisémitisme entendent ainsi « protéger les étudiants juifs en réponse à l’inaction de l’université de Columbia » (lire sur le site du Département de l’éducation américain). 60 universités seraient aujourd’hui inspectées dont Harvard, UCLA, Johns Hopkins pour n’évoquer que les plus prestigieuses.

Si la somme que perd Columbia est considérable elle n’éteint pas tous les financements publics de l’université : 1,3 milliard sur 6,6 milliards de dollars de revenus en 2024. Mais l’inquiétude vient aussi de l’arrestation d’un leader des manifestations propalestiniennes de l’université. L’étudiant palestinien Mahmoud Khalil a en effet été arrêté par les autorités fédérales sans que l’on sache pour quelles charges exactement faisant porter la menace d’une vague massive d’expulsions et, plus largement, la question du « free speech » sur les campus. Le président américain a en effet promis d’expulser tous les étudiants étrangers « agitateurs ». Un tribunal a bloqué cette expulsion.

Des chercheurs privés de financement. Le 7 mars des dizaines de milliers d’universitaires et de chercheurs ont manifesté, aux Etats-Unis comme dans le reste du monde, contre les coupes budgétaires affectant les budget des universités. Le monde de la santé est particulièrement affecté avec des renvois massifs de personnels dans les agences fédérales. 10% des employés des centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) auraient déjà été renvoyés par un ministre de la Santé, Robert F. Kennedy Jr., ouvertement vaccino-sceptique mais déjà aux prises avec une épidémie de rougeole d’une force inédite dans les États où la vaccination est la moins pratiquée (lire l’article du Monde).

« La guerre de Trump contre la science est la phase terminale d’une longue maladie dont les premiers signes ont été ignorés » écrit le journaliste spécialisé dans les sciences du Monde, Stéphane Foucart, dans une chronique. Sur le site des National Institutes of Health toute recherche sur les mots « gender » ou « racism » entraîne par exemple la réactualisation de la page d’accueil. Mais qu’en est-il en France ? Déjà l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l‘Office français de la biodiversité (OFB) et l’Institut national de la recherche agronomique et environnementale (Inrae) sont attaqués par certains lobbys agricoles…

Comment accueillir les chercheurs américains en France ? Face aux dérives de l’administration Trump un mouvement de départ des Etats-Unis des chercheurs peut-il se dessiner ? Face aux inquiétudes sur leur financement, beaucoup d’universités bloquent la formation de nouveaux docteurs et n’osent plus recruter des postdoc quand les chercheurs sont inquiets sur la pérennité de leurs projets. « De nombreux chercheurs reconnus s’interrogent déjà sur leur avenir aux États-Unis. Nous souhaiterons naturellement accueillir un certain nombre d’entre eux », écrit Philippe Baptiste dans un courrier adressé à l’Agence nationale de la recherche, aux universités et aux organismes de recherche tels que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). « Face aux attaques du gouvernement Trump contre la science, «des chercheurs viennent taper à la porte de l’Institut Curie tous les jours, des chercheurs français et européens qui sont aux États-Unis et qui essaient de revenir» mais aussi «des chercheurs américains», a affirmé mardi Alain Puisieux, président du directoire de de l’Institut Curie

L’université Aix-Marseille se dit de son côté prête à accueillir les chercheurs américains « censurés ». « Dans un contexte où certains scientifiques aux États-Unis peuvent se sentir menacés ou entravés dans leurs recherches, notre université annonce mettre en place un programme dédié à l’accueil des scientifiques souhaitant poursuivre leurs travaux dans un environnement propice à l’innovation, à l’excellence et à la liberté académique », écrit l’université alors que son président, Éric Berton, pense « pouvoir dégager autour de 10 millions d’euros et travaillerons avec les institutions du territoire pour accueillir une quinzaine de chercheurs ».

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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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