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La France est-elle attractive pour les étudiants internationaux ?

Alors que les cohortes d’étudiants français sont structurellement en baisse, beaucoup espèrent, notamment dans les écoles de management, la compenser par l’apport de plus d’étudiants internationaux comme en fait état le président de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm) et directeur général de l’Essec, Vincenzo Esposito Vinzi : « Je suis convaincu que la France a aujourd’hui une opportunité historique de devenir le pays d’accueil n°1 des étudiants internationaux dans le monde. L’enseignement supérieur français a une excellent rapport qualité/prix mais il faut mieux le faire savoir ». La politique anti-universités de Donald Trump, les restrictions à l’accès des étudiants internationaux dans les grands pays anglo-saxons – Canada, Royaume-Uni, Australie – ou aux Pays-Bas ouvrent bien des perspectives alors que la concurrence sera rude avec une Chine en pleine montée en puissance. Mais que vaut la France dans l’accueil des étudiants internationaux ? Un rapport récent de la Cour des Comptes fait le point.

 Quel poids a la France dans l’accueil des étudiants internationaux ?

Après avoir occupé la première place des pays d’accueil des étudiants internationaux pendant l’entre-deux-guerres – environ 17 000 étudiants en 1940 pour une mobilité internationale probablement comprise entre 80 000 et 160 000 étudiants à l’époque -, la France a connu, notamment depuis les années 2000, une progression régulière des effectifs internationaux accueillis dans son enseignement supérieur rappelle la Cour des Comptes dans son rapport. Oui mais voilà : cette progression est moindre que celle de certains pays anglo-saxons ou de l’Allemagne, entraînant ainsi un recul lent mais régulier du rang de la France. Sur la base des données de l’Unesco, qui recense le nombre des étudiants internationaux en mobilité dite diplômante, la France était le deuxième pays d’accueil en 1980 derrière les États-Unis ; le quatrième en 2017 derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ; elle est en 2022 septième derrière également le Canada, l’Allemagne et la Russie.

Le tout avec un tropisme francophone. Depuis plus de 20 ans, les aires géographiques d’origine des étudiants internationaux en France évoluent peu. Les étudiants viennent à 50 % de pays maghrébins ou africains, à 22 % d’Asie, à 19 % de pays européens et 9 % sont originaires d’Amérique. Or les contingents d’étudiants mobiles en forte croissance, originaires notamment de Chine – désormais au troisième rang des étudiants internationaux en France derrière le Maroc et l’Algérie –, et plus récemment d’Inde et du Nigeria, se dirigent en effet prioritairement vers des formations anglophones dispensées aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne. « Nous devons proposer plus de programmes en anglais tout en enseignant le français langue étrangère, comme en Allemagne avec l’allemand, pour favoriser l’intégration post diplôme », constate Vincenzo Esposito Vinzi qui remarque aussi que « la maitrise du français reste un élément clé pour intégrer une entreprise française mais il faudrait mieux valoriser l’anglais comme langue de travail dans celles-ci pour ne pas risquer de se priver de compétences ».

Des visas spécifiques

La loi du 7 mars 2016 crée le visa et la carte de séjour pluriannuelle (CSP) « passeport talent » d’une durée maximale de quatre ans. Par exception aux autres CSP, cette carte est accessible dès la première admission au séjour et non à l’issue d’un renouvellement de titre de séjour. Elle crée en outre un titre de séjour pluriannuel pour motif étudiant, permettant de couvrir la durée des cycles d’études et d’éviter le renouvellement annuel du titre. La loi du 10 septembre 2018 a introduit une autre nouveauté importante dans le droit commun des étrangers en France en instituant le visa ainsi que la carte de séjour temporaire (CST) pour motif de recherche d’emploi ou de création d’entreprise70, d’une durée maximale d’un an, ouverte aux diplômés de niveau master, licence professionnelle ou équivalent.

 

 Quelles finalités ?

Comme le notent les auditeurs de la Cour des Comptes, un « environnement mondial de plus en plus concurrentiel a progressivement fait de l’attractivité internationale de l’enseignement supérieur un enjeu de politique publique » . Mais si l’objectif d’influence est systématiquement assumé, les objectifs affichés peuvent eux concerner d’autres aspects. Le financement des universités britanniques par les droits d’inscription des étudiants internationaux est par exemple l’un des principaux objectifs du Royaume-Uni. Le recrutement d’une main d’œuvre qualifiée et la contribution des étudiants internationaux à la recherche occupent également une place importante.

En Allemagne, après plusieurs années pendant lesquelles l’attractivité était conçue comme un levier d’internationalisation des formations et de la recherche, priorité est désormais donnée à la satisfaction des besoins en compétences des entreprises. Cette orientation est assumée par l’Union européenne dans les recommandations à l’attention des États-membres sur la mobilité des talents et des compétences de décembre 2023, ainsi que dans le rapport « Draghi » de septembre 2024 qui insiste sur le déficit en compétences. des entreprises européennes, en particulier dans les sciences, technologies, ingénierie et mathématiques.

Or, par rapport aux autres principaux pays d’accueil d’étudiants internationaux, la France ne « parvient pas à choisir les objectifs qu’elle assigne à l’attractivité internationale de l’enseignement supérieur en matière de mobilité étudiante » selon le rapport. Depuis 10 ans les objectifs ont évolué avec en acmé le plan « Bienvenue en France » fin 2018 suivi de la création de droits d’inscription différenciés pour les étudiants internationaux, assortis toutefois de nombreuses exonérations. Mais elle s’est « heurtée à l’incapacité des ministères à prioriser les objectifs associés à l’attractivité », débouchant sur un objectif quantitatif d’accueil de 500 000 étudiants étrangers, dont l’atteinte est en bonne voie avec 430 000 étudiants étrangers recensés en 2023- 2024 contre 358 000 en 2018-2019, soit une hausse de 17 %. « Force est de reconnaître que cette cible n’a guère trouvé de déclinaisons en matière de priorités géographiques, de compétences professionnelles, de disciplines ou d’articulation avec l’aide au développement, qui auraient exigé un travail interministériel plus approfondi » regrette la Cour.

Sans l’apport des chercheurs internationaux la recherche publique et privée française, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, serait en tout cas fortement affectée. En effet, 36 % des doctorants de l’enseignement supérieur français sont de nationalité étrangère. Une forte proportion d’étrangers au niveau du doctorat qui se retrouve dans la majorité des pays de l’OCDE. Des. Chercheurs formés en France dont beaucoup restent ensuite dans nos laboratoires. Fin 2020, les chercheurs de nationalité étrangère dans le secteur public représentaient 18,8 % des effectifs dans les organismes nationaux de recherche, voire 23,3 % dans les établissements publics scientifiques et techniques (EPST) dont le CNRS.

 Combien coûtent les étudiants internationaux en France ?

Selon la Cour des Comptes le coût brut annuel de l’accueil des étudiants internationaux en Franc est de 2,1 milliards d’euros pour la partie enseignement (principalement déterminée par le coût moyen par étudiant dans l’enseignement supérieur public). Les études scientifiques coûtant en moyenne plus cher que les autres formations, elles représentent 40 % du coût estimé par la Cour et 66 % en y ajoutant les cursus en sciences de l’ingénieur. Cette estimation ne représente que 6,6 % de la dépense intérieure d’enseignement supérieur relevant de l’État soit moins que la proportion des étudiants internationaux à l’université (12,2 % en 2021) et dans l’enseignement supérieur public en général (10,8 %). Mais les dépenses vont au-delà des seuls coûts d’enseignement. Selon une étude de Campus France les étudiants internationaux coûtent en tout 3,7 milliards par an pour 5 milliards de revenus générant ainsi un revenu net pour la France de 1,35 milliards d’euros.

Quels obstacles à la venue des étudiants internationaux en France ?

Alors que la tentation de limiter l’accueil des étudiants internationaux a pu poindre dans le cadre de la loi Immigration début 2024 le Conseil constitutionnel en annulé les dispositions. Globalement la politique d’accueil est plutôt bienveillante même si les établissements d’enseignement supérieur regrettent régulièrement les retards que prennent certaines délégations consulaires à délivrer des visas. D’après l’échantillon analysé par la Cour, il s’écoule en moyenne 62 jours de l’admission de l’étudiant dans un établissement à la décision d’attribution ou de refus de visa par le consulat, laissant environ seulement 30 jours avant le début des cours pour rejoindre la France et y accomplir l’ensemble des formalités restantes (inscription administrative, recherche de logement, abonnement de transport).

D’autres écueils sont bien plus prégnants et notamment la rapidité des réponses aux candidatures. Dans leur rapport les experts de la Cour des Comptes notent ainsi qu’aux États-Unis et au Canada, la procédure de candidature « débute à l’automne et s’achève en début d’année suivante, permettant aux candidats retenus d’obtenir leur confirmation d’admission au printemps ». Au Royaume-Uni, pour le premier cycle, le calendrier est encore plus précoce : pour la rentrée 2025-2026, les candidatures sont émises entre début septembre 2024 et fin janvier 2025, les premières admissions étant notifiées dès fin février 2025. Au contraire en France un arrêté interministériel de 2013 fixe une date butoir de réponse des établissements au 30 avril de chaque année, pour que les étudiants candidats arrêtent leur choix d’ici le 31 mai avant de se stabiliser au 30 avril depuis la rentrée 2023-2024. De plus les étudiants étrangers ayant réalisé leur candidature via la plateforme « Études en France » sont « d’autant plus enclins à retarder leur demande de visa qu’ils préfèrent attendre une réponse pour chacun de leurs sept vœux, faisant de l’établissement le plus tardif à rendre sa décision le principal facteur de retard ». Résultat, depuis 2019, en moyenne 53 % seulement des étudiants internationaux ayant reçu une réponse favorable à l’un de leurs vœux via la procédure « Études en France » confirment leur admission. « Pour aller plus loin il faut améliorer l’accueil et l’intégration en proposant des procédures plus transparentes, une obtention de visas plus rapide ou encore des services d’accueil dédiés.  Il faudrait aussi renforcer l’offre de logement et proposer un guichet unique pour toutes les démarches », selon Vincenzo Esposito Vinzi.

Quel accueil une fois en France ?

Alors qu’à l’arrivée en France, pour les titulaires d’un visa de long séjour, « l’affiliation à la Sécurité sociale est une démarche en ligne aisée à mener » le délai de traitement d’une demande de renouvellement de titre de séjour est quant à lui jugé « élevé : 12 semaines en moyenne, avec près de 16 % des demandes traitées au-delà de 20 semaines ». De plus si la durée moyenne des titres délivrés est de seize mois, 60 % des nouveaux titres délivrés ont une durée inférieure ou égale à douze mois alors que, selon la Cour, la « délivrance de titres de séjour pluriannuels qui apparait comme le principal levier pour réduire le flux de renouvellement, donner plus de visibilité à l’étudiant et améliorer la qualité de son séjour ». Mais attention les difficultés observées dans le renouvellement de titre de séjour des étudiants étrangers « résultent aussi de la forte proportion d’étudiants

réalisant leur demande de renouvellement hors-délais ».

Coté logement les CROUS accueillent environ 60 000 étudiants de nationalité étrangère. Depuis la mise en place de stratégie « Bienvenue en France », ils bénéficient d’un nombre croissant de places : + 31 % entre 2020-2021 et 2023-2024) par rapport à l’évolution du nombre total de résidents (+ 11 %). Dans les Grandes écoles la question du logement est cruciale pour attirer les étudiants. Sur son campus de 14 000 m² inauguré à Suresnes en 2022, Skema Business School a par exemple ouvert une résidence étudiante de 350 places réservée en priorité aux étudiants internationaux, pour environ 1 400 étudiants accueillis sur le campus.

Si beaucoup d’efforts sont fait la précarité financière d’une partie des étudiants internationaux est très préoccupant en France. Selon le Repères Conditions de vie 2023 de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), 41 % des étudiants étrangers déclarent qu’il leur a été impossible une fois au moins dans l’année de faire face à leurs besoins (alimentation, loyer, gaz ou électricité) contre 15 % des étudiants de nationalité française. Accueillir mais dans de bonnes conditions !

  • Lire aussi : Interest in US for postgrad study has plummeted, data shows (University World News) : L’intérêt des futurs étudiants internationaux à se rendre aux États-Unis pour des études supérieures a chuté depuis l’investiture du président Donald J Trump le 20 janvier – une période au cours de laquelle il a procédé à des coupes massives dans la recherche universitaire et s’est attaqué aux administrations des universités et à la liberté académique.
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Olivier Rollot est directeur du pôle Information & Data de HEADway Advisory depuis 2012. Il est rédacteur en chef de "l’Essentiel du Sup" (newsletter hebdomadaire), de "l’Essentiel Prépas" (webzine mensuel) et de "Espace Prépas". Ancien directeur de la rédaction de l’Etudiant, ancien rédacteur en chef du Monde Etudiant, Olivier Rollot est également l'un des experts français de la Génération Y à laquelle il a consacré un livre : "La Génération Y" (PUF, 2012).

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