Jérôme Lebrun, directeur de BUILDERS École d’ingénieurs (@BUILDERS École d’ingénieurs)
Construisez durable ! Face à ces injonctions le secteur de la construction se réinvente en synergie avec des écoles comme BUILDERS École d’ingénieurs.
Olivier Rollot : Deux ans après avoir changé le nom de l’ESITC Caen en BUILDERS École d’ingénieurs quel bilan en tirez-vous ?
Jérôme Lebrun : Ce fut le résultat d’un travail de deux ans avec toutes nos équipes qui n’a aujourd’hui que des effets positifs. BUILDERS École d’ingénieurs c’est un nom signifiant qui regroupe toutes les activités de construction. Nous ne cherchions d’ailleurs pas particulièrement un nom anglo-saxon mais un nom percutant en deux syllabes avec toujours la mention école d’ingénieurs.
O. R : Sur quelles dimensions de la construction travaillez-vous plus spécialement aujourd’hui ?
J. L : Nous venons d’obtenir le renouvellement de notre label DD&RS, le label développement durable des établissements d’enseignement supérieur. Seuls 48 établissements le possèdent aujourd’hui car il faut répondre à un cahier des charges très exigeant dans toutes les dimensions de l’établissement. Nous avons d’ailleurs été, avec l’ENTPE, les premières écoles d’ingénieurs à l’obtenir en nous positionnant sur la construction durable.
O. R : La construction doit être durable aujourd’hui ? C’est ce que à quoi vous formez vos étudiants ?
J. L : Ce qui se construit aujourd’hui est beaucoup plus complexe à mettre en œuvre qu’il y a vingt ou trente ans. Il faut en effet répondre aux normes de l’État et de l’Union européenne : RE2020 pour les logements par exemple. Avec des objectifs toujours plus ambitieux et bientôt des logements qui non seulement répondent aux exigences de neutralité carbone mais produisent même de l’énergie !
Il nous a fallu transformer toutes nos formations pour répondre aux exigences de ces labels. Et également former nos enseignants. Et bien sûr mettre en avant ce que nous enseignons. Avec la région Normandie et la région Auvergne-Rhône-Alpes, nous construisons aujourd’hui une extension à Caen, et à Lyon nous aurons notre propre bâtiment en 2027. Dans les deux cas en respectant les standards les plus élevés possibles (équivalent E3C2). Certes le coût d’investissement est supérieur mais nous pourrons produire plus d’énergie que nous en consommerons. Et c’est aussi un facteur d’expérimentation pour nos étudiants qui participent à l’élaboration de leurs lieux de vie pour bien comprendre toute la mécanique qui permet de concevoir et construire un bâtiment performant.
O. R : Les entreprises cherchent donc de nouveaux profils pour répondre à ces normes plus exigeantes ?
J. L : C’est un défi énorme et jamais les entreprises n’ont eu autant besoin de professionnels bien formés ! Aujourd’hui nos élèves ingénieurs sont chassés par les entreprises dès la fin de leur quatrième année. De plus la typologie des offres monte. Quand Vinci Construction (30 milliards d’euros de chiffre d’affaires) recrute 2000 professionnels comme cette année ce sont à 40% des ingénieurs. Une ascension fulgurante ! Le paradoxe c’est que les jeunes ne sont pas au courant de ces opportunités. Résultat : la construction n’entre pas assez dans leurs réflexes d’orientation alors que c’est un secteur qui fait sens. Un secteur qui donne du sens à sa vie !
O. R : Mais aujourd’hui on parle surtout de la construction pour regretter qu’on ne construise plus assez de logements en France. N’est-ce pas pénalisant pour vous ?
J. L : Mais il y a tellement à construire aujourd’hui que la question de l’emploi de nos diplômés ne se pose absolument pas ! Ils sont recrutés pour la majorité avant même la remise de leur diplôme. Et ils restent la plupart du temps dans le secteur avec toujours un très fort taux de satisfaction quant à leur carrière professionnelle.
O. R : La construction intéresse-t-elle également les femmes ?
J. L : Oui. Nous accueillons cette année 28% de femmes (31% des diplômés de la dernière promotion) parmi nos élèves ingénieurs, en mettant particulièrement en avant les critères DD&RS. Elles font ensuite carrière dans tes métiers de la construction. Des chantiers aux laboratoires, des activités immobilières jusqu’au management dans les bocards des entreprises, tout le monde cherche à recruter des femmes aujourd’hui.
O. R : Sur quels axes vos laboratoires se concentrent-ils ?
J. L : Il y a beaucoup de leviers d’amélioration dans la construction sur lesquels travaillent nos laboratoires. Les matériaux nouveaux sont un axe prioritaire de recherche pour produire par exemple des bétons innovants avec des fibres végétales aux qualités spécifiques. Même les sarments de vigne sont utilisés aujourd’hui alors que le lin amplifie la résistance du béton… !
Aujourd’hui on ne construit plus en mono matériau. C’est beaucoup plus complexe. Nous construisons donc des démonstrateurs pour montrer aux entreprises ce qu’il est possible de faire aujourd’hui avec ces nouveaux matériaux. Ainsi nous jouons aujourd’hui un rôle de chef de file dans la mise en place des normes de responsabilité sociale et environnementale (RSE) et de développement durable avec des chaires d’entreprises.
Nous menons également toute une activité autour de la construction maritime. Nous gérons, avec l’organisme public Cerema, un canal à houle de 40 mètres pour visionner les effets de la montée des eaux et comment défendre les ports. Un sujet mondial qui va prendre de plus en plus d’importance et sur lequel nous avons développé un programme Erasmus Mundus. Nous travaillons également sur les questions d’ingénierie maritime et même de production d’énergie en couplant vent, mer et capteurs solaires avec un flotteur multimodal que nous avons construit à Honfleur.
O. R : Vous parlez de recherche mais vos étudiants deviennent-ils des chercheurs ?
J. L : Tous nos élèves sont exposés à la recherche durant leurs études. Ils sont recrutés très rapidement et il n’est donc pas facile de les convaincre de poursuivre en doctorat. Nous les incitons à faire des stages en recherche et développement pour avoir de l’appétence pour la recherche et avoir ensuite la volonté de poursuivre leur parcours dans des entreprises innovantes. En interne tous les personnels sont sensibilisés à la recherche avec nos chercheurs, (par exemple, atelier de création d’un béton contenant du lin).
O. R : Quel poids représente l’international chez BUILDERS?
J. L : C’est très important pour nous en termes d’emploi d’abord : 23% de nos diplômés partent travailler à l’international dans un secteur où l’excellence française est reconnue partout dans le monde. C’est également important dans notre recrutement avec des classes préparatoires en deux ans que nous avons ouvertes au Cameroun, Benin, Brésil, Espagne, Inde et Vietnam.
O. R : On parle beaucoup d’une révision du financement de l’apprentissage. Cela pourrait-il vous poser problème ?
J. L : 25 à 30% des ingénieurs que nous formons le sont en apprentissage. Le soutien des entreprises est tel qu’une baisse du financement ne devrait pas trop nous impacter.
O. R : Pour conclure pouvez-vous nous rappeler les fondamentaux de BUILDERS?
J. L : BUILDERS École d’ingénieurs (ex ESITC Caen) a été créée en 1993. C’est une association et un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG) qui compte 1 000 élèves alors qu’en 2016 nous n’en comptions encore que 400. Ils sont essentiellement à Caen mais aussi 150 à Vaulx-en-Velin où nous sommes implantés à côté d’une autre école de la construction, l’ENTPE, depuis quatre ans. Nous délivrons quatre formations : le diplôme d’ingénieur, un Bachelor Ingénierie responsable et construction durable, quatre mastères spécialisés et le doctorat.