C’est une école à nulle autre pareil que dirige depuis bientôt un an Tamym Abdessemed. Ni école de traduction, ni école de management, ni école de communication, l’Isit est un peu toutes ces écoles en une.
Olivier Rollot : Parlez-nous de l’ISIT. Il y a bien longtemps que ce n’est plus seulement un institut qui forme des traducteurs. Aujourd’hui vous vous définissez comment un « institut de management et de communication interculturels ». Qu’est-ce que cela signifie au juste ?
Tamym Abdessemed : Nous avons vocation à dire les choses autrement que les autres institutions d’enseignement supérieur en matière de carrières internationales. L’ISIT est une pépite dont l’expertise multilingue et interculturelle est reconnue dans des métiers et des environnements très diversifiés. C’est ne école membre de la Conférence des grandes écoles un peu différente qui forme encore à 20% de ses promotions des interprètes et des traducteurs qui partagent leur formation avec les autres métiers qui incarnent l’expertise interculturelle (management, communication, droit international, etc.). En résumé, notre vocation c’est de travailler différemment, la compétence interculturelle permettant au fond de mettre les mots en action partout dans le monde. Nous entendons d’ailleurs arrimer plus encore notre programme Grande école (PGE) à ce référentiel, en développant notamment la vie associative comme entraînement à l’action en environnement interculturel.
O. R : Vous délivrez toujours un seul diplôme ?
T. A : Dans ce cadre nous délivrons un diplôme unique à bac+5 – grade master -comprenant plusieurs spécialisations 1ère: « Communication interculturelle et traduction », « Management interculturel », « Stratégie digitale interculturelle », « Stratégies internationales et diplomatie », « Juriste linguiste » et « Interprétation de conférence (uniquement à partir du Master 1 ». Le tout avec neuf langues de travail différentes.
O. R : Mais alors dans quelle catégorie d’école faut-il vous classer ?
T. A : Nous faisons partie depuis 10 ans de la Conférence des grandes écoles mais aussi de la Fnege (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) et je n’exclus pas demain l’EFMD (European Foundation for Management Development) avec une labellisation Epas. Dans Parcoursup, nous nous sommes classés dans la section « Ecoles de commerce et de management » avec une rubrique claire : management et communication interculturelle
O. R : Quels profils recherchez-vous ?
T. A : Pour le master des profils trilingues (deux langues en plus de leur langue maternelle). Demain nous pourrions créer un bachelor bilingue. Sinon nos étudiants sont issus des trois grandes filières du bac général : 40% de L, 35% de ES et 25% de S. S’y ajoutent des étudiants venus du monde entier : 40 nationalités en tout. En troisième année nous recrutons également de manière significative des élèves issus de classes préparatoires.
Nous avons des conventions avec les lycées internationaux, celui de Saint-Germain-en-Laye par exemple, comme avec tous les lycées avec filières littéraires mais aussi les lycées français à l’étranger pour recruter les profils adaptés à notre cursus : « Je suis très bon en langues et je souhaite activer cette appétence pour en faire un levier professionnel dans des environnements à forte technicité interculturelle , je choisis l’ISIT».
O. R : Et comment caractériseriez-vous vos diplômés ?
T. A : Nous formons des « managers de l’action ». Les « isitistes » sont des étudiants agiles. Directement opérationnels. Que nous formons dans cet esprit, parce qu’ils ne sont pas à l’étranger hors de chez eux, ils sont chez eux culturellement et professionnellement
O. R : Quels liens a l’ISIT avec la recherche ?
T. A : Nos formations sont à vocation pratique tout en prenant leur assise dans l’académisme et la recherche, dans une logique pluridisciplinaire. Nous réfléchissons à de nouvelles coopérations en France mais aussi à l’international pour investir notamment dans la notion de lien numérique et distanciel et approfondir la connaissance des mécanismes de l’interculturalité, dans les langues comme dans l’action des acteurs . Un sujet sur lequel des étudiants de l’ISIT ont travaillé chez Orange par exemple pour accompagner le déploiement du réseau social d’entreprise qu’utilisent plus de la moitié des collaborateurs partout dans le monde.
O. R : Comment est né votre métier « historique » qu’est la formation à l’interprétation?
T. A : L’ISIT est née en 1957 pour accompagner la création de l’Union européenne, afin que les acteurs de cette construction institutionnelle unique puissent travailler ensemble en se respectant. Il y avait donc besoin d’interprètes capables de tenir le défi compétents techniquement et humainement.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’interprétation s’est beaucoup développée partout. C’est lors du Procès de Nuremberg – auquel nous venons d’ailleurs de consacrer une exposition à laquelle a participé un interprète encore vivant – qu’est née l’interprétation simultanée. Les premiers interprètes de conférence étaient multilingues, nés dans des familles mixtes d’universitaires, diplomates, etc. Ainsi, nous avons contribué à former toute une génération d’interprètes pour faire fonctionner l’Europe. Nous avons d’ailleurs toujours un très beau partenariat avec l’Union européenne.
Mais le défi aujourd’hui, c’est d’accompagner le besoin d’expertise interculturelle à la mesure de la globalisation de la société et de l’économie, c’est-à-dire dans des métiers variés (droit international, management, communication, relations internationales comme interprétation et traduction) et des environnements variés, depuis les institutions internationales jusqu’aux entreprises en passant par les associations. Telle est notre mission, réaffirmée dans sa formulation dans notre plan stratégique.
O. R : Vous avez évoqué la création d’un bachelor. A quelle échéance ?
T. A : Il pourrait voir le jour pour l’année universitaire 2020-21. Ce ne serait pas un diplôme intermédiaire dans notre PGE mais un cursus différent comprenant seulement deux langues : la maternelle plus au moins une étrangère très bien maîtrisée. Ses contours sont en train d’être définis en ce moment, l’expertise interculturelle ayant vocation à s’exprimer à ce segment d’études en cycle court, les besoins d’acteurs opérationnels et interculturels allant croissant.
O. R : Quelle croissance imaginez-vous alors que vous êtes implantés depuis maintenant quatre ans dans des locaux tout neufs à Arcueil ?
T. A : Nous conservons également notre siège historique à Paris pour y délivrer des activités d’executive education et incuber des entreprises que créent nos diplômés. Aujourd’hui nous recevons 900 étudiants et nous ne souhaitons pas croitre exagérément. L’objectif est d’aller vers les 1 100 avec une stratégie de différenciation conforme à note mission et mode de fabrique « distinctifs »
O. R : Dans quel type de structure ?
T. A : Nous sommes une association totalement indépendante avec un rattachement historique à l’Institut catholique de Paris. Nous sommes également un EESPIG (établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général). Tout cela nous va très bien car cela nous confère de l’agilité que nous croisons avec un dynamisme très fort en matières de partenariats nationaux et internationaux.