Il y a six ans il quittait Rennes SB pour prendre la direction du Maroc et de Rabat BS. Six ans après Olivier Aptel est près d’atteindre son but : faire de son école la première du continent africain. Rencontre avec un homme qui sait ce que déployer une stratégie signifie.
Olivier Rollot : Il y a maintenant six ans que vous êtes à la tête de la Rabat business school. Quel bilan pouvez-vous tirer de votre action alors que votre Master in Management est classé cette année au 54ème rang par The Financial Times, soit une progression de plus de vingt places en un an ?
Olivier Aptel : Il y a six ans la Rabat business school existait déjà mais était encore une petite faculté qui ne faisait pas de recherche. Une page presque blanche à construire avec l’objectif d’être la première business school d’Afrique. Nous sommes aujourd’hui premiers en Afrique en recherche en termes de publications scientifiques et la seule business school africaine dans le classement du Financial Times que vous mentionnez. Nous faisons partie des sept business schools africaines accréditées par l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business) et nous sommes éligibles Equis.
Aujourd’hui nous comptons 2 500 étudiants contre 600 en 2017 et 1 600 il y a trois ans. Nous avons une proposition différenciante en étant la seule business school marocaine à proposer un portefeuille de programmes en anglais. Cela rassure les familles qui envoyaient très largement leurs enfants étudier à l’étranger auparavant en générant une importante fuite des cerveaux. Aujourd’hui pourquoi aller à l’étranger dans une obscure université publique non accréditée, sans réseau, alors qu’on peut choisir une business school de premier plan au Maroc ?
O. R : Rabat BS peut donc s’imposer face aux business schools d’Afrique du Sud dont la réputation n’est plus à faire ?
O. A : C’est possible en valorisant la recherche qui fait partie intégrante de la vie de notre école. En 2022, nous avons ainsi dépassé la GIBS de Pretoria en termes de publications.
Nous avons pris pour cela un vrai virage vers l’international avec deux tiers de nos 60 enseignants-chercheurs permanents internationaux qui nous permettent de délivrer nos cours en anglais. Le système marocain à lui seul ne produisait pas assez de chercheurs et il fallait les recruter ailleurs.
De même nous avons créé un International Advisory Board qui compte des deans de business schools internationales et des représentants d’entreprises de onze nationalités différentes, qui ont la charge de soutenir et de challenger notre stratégie.
O. R : Quel pourcentage d’étudiants internationaux recevez-vous ?
O. A : Nous recevons près de 20% d’étudiants internationaux quand il n’y en avait aucun il y a six ans. La majorité vient d’Afrique subsaharienne et de plus en plus d’Afrique francophone et du Moyen-Orient. Notre objectif est d’être encore plus international en passant à 30% d’étudiants internationaux avec aussi des Européens et des Américains et nous avons également engagé une stratégie de recrutement en Asie.
O. R : Combien coûte la scolarité ?
O. A : 79 000 dirhams par an en master et un peu moins en bachelor, soit entre 7 000 et 8 000 € par an. Nous avons en effet des coûts de fonctionnement importants avec des enseignants de haut niveau et des infrastructures de premier plan.
Cela peut paraitre beaucoup avec un SMIC à 250€ mais cela correspond aux revenus d’une classe moyenne émergente. L’enseignement supérieur privé est d’ailleurs en plein essor et reçoit déjà 5% des étudiants marocains. Nous sommes un peu comme la France dans les années 90 quand les écoles ont commencé à monter en qualité. Aujourd’hui nous délivrons un bachelor qui représente 50% de nos effectifs et huit masters.
O. R : Comment vos diplômés se placent-ils sur le marché du travail ?
O. A : 84% des diplômés de niveau master sont en emploi six mois après l’obtention de leur master, au Maroc mais aussi à l’international. Le marché du travail marocain est en plein essor avec la croissance d’activités qui recrutent fortement et ont du mal à recruter trouver les talents nécessaires.
O. R : Quelle est la tutelle de Rabat BS ?
O. A : Rabat BS fait partie de l’Université Internationale de Rabat, la première université privée du royaume, voulue et inaugurée par le Roi en 2010. Elle possède quatre collèges : architecture et ingénierie, santé avec bientôt la création d’un CHU, science politique et droit et enfin management avec Rabat BS.
L’actionnariat est composé d’entreprises, principalement d’État comme la Caisse de Dépôt et de Gestion et des intervenants privés qui ont investi dès le départ et soutiennent son développement. C’est un partenariat public privé porté par l’État.
O. R : Vous allez créer des campus en dehors du Maroc ?
O. A : Nous avons prévu de déployer un campus à Marrakech d’ici deux ans puis un autre à Tanger. Nous nous situons dans une logique de recrutement africain, même si nous recevons de plus en plus d’étudiants du Moyen-Orient.
O. R : Plusieurs business schools françaises se sont installées au Maroc ces dernières années. Sont-elles des concurrentes pour vous ?
O. A : Non. emlyon est repartie après une expérience de quelques années qui ne s’est pas révélée concluante. L’Essec a un petit campus qui est essentiellement destiné à la mobilité internationale de ses étudiants et reçoit très peu d’étudiants locaux. La stratégie de venir au Maroc avec sa marque, son catalogue de formations et ses prix ne fonctionne pas car le marché ne l’accepte pas.
La bonne stratégie c’est de s’implanter en partenariat avec une institution existante. Une marque forte ne suffit pas. S’il s’agit de débourser 15 000€ par an pour suivre le même cursus les familles préfèrent envoyer directement leurs enfants en France.
O. R. Le récent tremblement de terre aura-t-il des conséquences sur votre développement ?
O. A : Je ne le crois pas. Ce drame a été circonscrit à zone très restreinte du pays, dans les villages des montagnes du haut Atlas, à 70 km de Marrakech. La mobilisation de tous les Marocains a été spectaculaire et la reconstruction est déjà en cours.