« Nous entrons dans une phase exaltante de transformation. » Dans un entretien à espace Prépas Jean Bastianelli, président de l’APLCPGE (Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux Grandes écoles) et proviseur de Louis-Le-Grand, exprime les ambitions de la communauté des lycées alors que la réforme du bac va fortement impacter les programmes des classes préparatoires.
Quelle attractivité à l’heure de Parcoursup ? Le processus Parcoursup a provoqué des sueurs froides au sein des lycées tout l’été 2018 tant ils ont dû attendre pour savoir quels seraient finalement leurs effectifs. Et ceci en dépit d’une forte hausse des candidatures : au lycée Henri-IV elles sont par exemple passé de 1448 en 2017 à 2317 en 2018 en classe préparatoire ECS.
L’enquête nationale conduite en septembre par l’APLCPGE révèle que le taux de remplissage des CPGE au niveau national est finalement pratiquement à la hauteur des années précédentes. Selon Jean Bastianelli, seule la filière économique et commerciale enregistre une légère baisse de ses effectifs, observée surtout pour l’option ECE. Au total 3% de moins que l’an dernier. Sans explication claire pour l’instant. « Nous ne savons pas exactement pourquoi les ECE sont davantage concernées, et pourquoi certaines classes qui remplissaient sans difficultés l’an dernier ont eu du mal cette année, et inversement. Nous pouvons imaginer que des candidats hésitants ont opté pour d’autres formations ou que certaines listes de classés étaient trop courtes », analyse Jean Bastianelli. Pour y remédier les lycées pourront donc allonger leurs listes en 2019. Les candidats devraient de leur côté savoir jusqu’à quel rang le lycée est allé chercher ses candidats. Des candidats, se voyant très mal classés en 2018, ont en effet pu se positionner sur d’autres formations pour être certains d’être reçus.
Le continuum avance. L’amélioration du continuum CPGE-Grandes Écoles de management est entré dans les faits avec plusieurs expérimentations dans les lycées comme dans les écoles. Dans plusieurs lycées (Saint-Louis à Paris, Henri-Moissan à Meaux, Joffre à Montpellier, etc.) des élèves ont été en stages dans des entreprises à la fin de de leur première année pour mieux les préparer aux oraux des concours des écoles de management. Et dans ces dernières de plus en plus de cours d’humanités sont donnés pour éviter un trop grand décalage académique. Avec ESCP Europe, Skema BS a ainsi été la première école à s’emparer du sujet. « Les humanités s’imposent aujourd’hui dans les écoles de management comme un ciment des matières managériales », estime Frédéric Munier, professeur de classe préparatoire, qui y enseigne la géopolitique. Mais pas comme en prépa : « Nos cours sont très ouverts pour casser les silos et être dans la projection ». Ce qui séduit les étudiants issus de prépas comme Claire Mallet-Guy – « J’ai largement choisi Skema pour continuer à faire de la géopolitique après ma prépa ECS. Ce qui change ce sont les exigences. Nous ne sommes plus dans le par cœur, nous prenons de la hauteur de vue » – mais aussi d’autres venus dans l’école après un BTS comme Kevin Adoul : « J’ai suivi des cours de prérequis à mon arrivée à Skema pour bien m’insérer dans les cours de géopolitique que je suis sans problème ». Skema se positionne en quelque sorte à la fois dans l’univers disciplinaire de la prépa et dans celui méthodologique de la Grande école.
Même raisonnement du côté de Neoma BS où a été créé à la rentrée 2018 un cours « Humanités & Management », qui permet aux étudiants de faire le lien avec les grands auteurs qu’ils ont découvert en classe préparatoire et les cours de management. Le cours est d’ailleurs conçu avec des professeurs de prépas. « Nous proposons aussi à nos étudiants un cas fil rouge interdisciplinaire à partir d’un cas réel d’entreprise qui permet d’aborder différentes matières enseignées et ainsi de mieux appréhender le passage entre la classe préparatoire et l’école », explique la directrice du programme Grande école, Sylvie Jean.
Une transition CPGE-GE qui est beaucoup plus fluide dans les écoles d’ingénieurs. « D’une part, il y a une bien plus grande continuité en ce qui concerne les matières enseignées. Par ailleurs, dès le début des années 2000, les écoles ont travaillé à introduire plus de théorie et de travail académique au sein des cursus des écoles », analyse Jean Bastianelli. De plus les professeurs de prépas scientifiques sont beaucoup plus sollicités que leurs collègues d’EC pour faire passer les concours. Et les professeurs des Grandes écoles d’ingénieurs bien plus proches des classes préparatoires que leurs homologues. De plus en plus nombreux dans les écoles les professeurs étrangers connaissent ainsi particulièrement mal le cursus en classes préparatoires.
Quel impact aura la réforme du bac ? C’est LA grande question que se posent les classes préparatoires : en l’absence de filières du bac comment doivent-elles se positionner à l’horizon 2021, quand sortirons les premiers bacheliers issus de la réforme portée par Jean-Michel Blanquer ? Si du côté des prépas scientifiques cela ne semble pas forcément justifier un large débat – il faudra clairement suivre des spécialisations adaptées pour postuler en MP-SI, en PC-SI ou en BCPST -, ce n’est pas le cas du côté des ECS et ECE (l’ECT ne devrait pas changer dans la mesure où le bac STMG n’est pas impacté). « Les prépas ECE et ECS ne pourront plus exister en l’état. Cela ne signifie pas que la prépa s’abordera d’un seul bloc, mais que les nuances s’exprimeront grâce aux combinaisons de spécialités choisies pour que les profils doués en sciences économiques et sociales comme ceux qui excellent en géopolitique ou ceux qui pratiquent les mathématiques à haut niveau puissent voir leurs forces valorisées », exprime Jean Bastianelli quand Alain Joyeux analyse : « Il faut que les écoles de commerce puissent toujours attirer de bons élèves en maths pour alimenter leurs formations en finances comme leurs doubles diplômes avec des écoles d’ingénieurs. La réforme ne doit pas fragiliser des disciplines, des postes ou même des classes. La force des classes préparatoires est de fournir une diversité de profils aux Grandes écoles ».
Le directeur général de l’Edhec, Emmanuel Métais, a même pu estimer qu’un recrutement plus large dans les classes préparatoires scientifiques s’imposerait à son école si le niveau en maths des élèves des classes préparatoires EC devenait trop faible du fait de la réforme. Ce que craint également Alain Joyeux en estimant donc souhaitable de conserver deux parcours en EC : « En cas de fusion des voies ECE et ECS, le risque serait de ne recruter que des élèves moyens en tout. On risque d’exclure les très bons scientifiques et pousser les écoles à les recruter sur des concours spécifiques dans les seules prépas scientifiques ». Mais beaucoup d’autres attendent surtout que le niveau des bacheliers remonte. « Aujourd’hui nous recevons de bons potentiels plus que des bons élèves. On est de moins en moins exigeant dans le secondaire et nos élèves ont un bon niveau intellectuel mais un niveau culturel bas » regrette Frédéric Munier qui constate : « Cette année pour la première fois sur 48 élèves tous titulaires d’une mention TB aucun ne connaissait Kundera ».
- Pour en savoir plus sur la réforme du bac lire Baccalauréat 2021 : un tremplin pour la réussite et pour la suite la dernière note de la DEPP : Les élèves du second degré à la rentrée 2018 : plus de collégiens et moins de lycéens
- ESCP Europe, Skema BS et l’APHEC viennent de lancer sur la plateforme FUN MOOC le MOOC De la prépa aux Grandes écoles de commerce : le bon parcours pour moi ?
- Ce mois-ci dans L’Essentiel du sup – prépas EC un dossier sur les frais de scolarité des écoles de management, des précisions sur l’évolution des concours post prépas et des entretiens avec deux directrices de grandes écoles de management : Isabelle Barth (Inseec School of Business and Economics) et Delphine Manceau (Neoma BS)